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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
29 octobre 2006 
Les oeuvres morales et meslees de Plutarque
Traduites de Grec en François, reveuës et corrigées en plusieurs passages par Maistre Jaques Amyot
Conseiller du Roy et grand Aumosnier de France
Paris, Claude Morel, 1618

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 Car si aucuns, pour monstrer leur esprit, ont pris à louër le vomissement, autres la fiévre, et quelques uns la marmite, et n'ont point eu faute de grace, comme est il possible qu'une oraison composee par un personnage, qui quoy que ce soit semble, ou pour le moins est appellé philosophe, ne donne aux auditeurs gracieux et equitables quelque respit et quelque temps à propos pour la louër? Ceux qui sont en fleur d'aage, ce dit Platon, comment que ce soit donnent tousjours des attaintes à celuy qui est amoureux, et appellent ceux qui sont blancs de couleur, enfans des Dieux: ceux qui sont noirs, magnanimes: celuy qui a le nez aquilin, royal: celuy qui est camus, gentil et plaisant et aggreable: celuy qui est pasle, en couvrant un peu ceste mauvaise couleur, ils l'appelleront face de miel: car l'amour a cela, qu'il s'attache et se lie à tout ce qu'il trouve, comme fait le lierre.
 
 
Mais celuy qui prendra plaisir à ouir, s'il est homme de lettres, sera bien plus inventif à trouver tousjours dequoy louër un chascun de ceux qui monteront en chaire pour declamer. Car Platon, qui en l'oraison de Lysias ne louoit point l'invention, et reprenoit grandement la disposition, encore toutefois en louoit-il le stile et l'elocution, pource que toutes les paroles y sont claires et rondement tournees. Aussi pourroit on avec raison reprendre le subject dequoy a escrit Archilochus, la composition des vers de Parmenides, la bassesse de Phocylides, le trop de langage d'Euripides, l'inegalité de Sophocles: comme semblablement aussi des orateurs, l'un n'a point de nerfs à exprimer un naturel, l'autre est mol és affections, l'autre a faute de graces, et neantmoins est loué pour quelque particuliere force qu'il a d'emouvoir et de delecter: au moyen dequoy les auditeurs ne se sçauroit escuser, qu'ils n'aient tousjours assez matiere de gratifiers, s'ils veulent, à ceux qui font des leçons ou des harangues publiques: car il y en a, à qui il suffit, encore que lon ne porte point tesmoignage de vive voix à leur louange, de leur monstrer un bon oeil, un visage ouvert, une chere joyeuse, et une disposition et contenance amiable, et non point fascheuse ne chagrine: ces choses-là sont toutes vulgaires et communes envers ceux mesmes qui ne disent du tout rien qui vaille: mais une assiette modeste, en son siege, sans apparence de dedaing, avec un port de la personne droict, sans pancher ne çà ne là, un oeil fiché sur celuy qui parle, un geste d'homme qui escoute attentifvement, et une composition de visage toute nette, sans demonstration quelconque, non de mespris ou d'estre difficile à contenter seulement, mais aussi de toutes autres cures et de tous autres pensemens.
 
Car en toutes choses la beauté se compose comme par une consonance, et convenance mesuree de plusieurs bienseances concurrentes ensemble en un mesme temps: mais la laideur s'engendre incontinent par la moindre du monde qui y defaille ou qui y soit de plus qu'il ne fault mal à propos: comme notamment en cest acte d'ouir, non seulement un froncis de sourcil, ou une triste chere de visage, un regard de travers, une torse de corps, un croisement de cuisses l'une sur l'autre mal-honneste, mais seulement un clin d'oeil ou de teste, un parler bas en l'oreille d'un autre, un ris, un baaillement, comme quand on a envie de dormir, un silence, et toute autre chose semblable, est reprehensible, et requiert que lon y prenne bien soigneusement garde.
 
Et ceux-cy cuident que tout l'affaire soit en celuy qui dit, et rien en celuy qui escoute: ains veulent que celuy qui a à harenguer vienne bien preparé et aiant bien diligemment pensé à ce qu'il doit dire, et eux sans avoir rien propensé, et sans se soucier de leur devoir, se vont seoir là, tout ne plus ne moins que s'ils estoient venus pour souper à leur aise, pendant que les autres travailleroient: et toutefois encore celuy qui va souper avec un autre a quelques choses à faire et à observer, s'il s'y veult porter honnestement: par plus forte raison doncques, beaucoup plus en a l'auditeur: car il est à moitié de la parole avec celuy qui dit, et luy doit ayder, non pas examiner rigoureusement les fautes du disant, et peser en severe balance chascun de ses mots, et chascun de ses propos, et luy ce-pendant sans crainte d'estre de rien recerché, faire mille insolences, mille impertinences et incongruitez en escoutant.
 
plutarque
Mais tout ainsi comme en jouant à la paume, il faut que celuy qui reçoit la balle se remue dextrement, au pris qu'il voit remuer celuy qui luy renvoye: aussi au parler y a il quelque convenance de mouvement entre l'escoutant et le disant, si l'un et l'autre veult observer ce qu'il doit. Mais aussi ne faut-il pas inconsiderément user de toutes sortes d'acclamations à la louange du disant: car mesmes Epicurus est fascheux quand il dit, que ses amis par leurs missives luy rompoient la teste à force de clameurs de louanges qu'ils luy donnoient: mais ceux aussi qui maintenant introduisent és auditoires des mots estranges, en voulant louër ceux qui haranguent, disant avec une clameur, Voyla divinement parlé: C'est quelque Dieu qui parle par sa bouche: Il n'est possible d'en approcher: comme si ce n'estoit pas assez de dire simplement, Voyla bien dit, ou sagement parlé: ou, Il a dit la pure verité: qui sont les marques de louanges dont usoient anciennement Platon, Socrates, et Hyperides: ceux- là font une bien laide faute, et si font tort au disant, par ce qu'ils font estimer qu'il appéte telles excessives et superbes louanges. Aussi sont fort fascheux ceux qui avec serment, comme si c'estoit en jugement, portent tesmoignage à l'honneur des disans: et ne le font gueres moins ceux qui faillent à accommoder leurs louanges aux qualitez des personnages: comme quand à un philosophe enseignant et discourant, ils escrient, Subtilement: ou à un vieillard, Gentillement ou Joliement: en transferant et appliquant à des Philosophes les voix et paroles que lon a accoustumé d'attribuer à ceux qui se jouënt, ou qui s'exercent et se monstrent en leurs declamations scholastiques, et donnans à une oraison sobre et pudique une louange de courtisane, qui est autant comme si à un champion victorieux, ils mettoient sur la teste une couronne de lis ou de roses, non pas de laurier ou d'olivier sauvage.
 
Euripides le poëte Tragique instruisoit un jour les joueurs d'une danse, et leur enseignoit à chanter une chanson faitte en Musique harmonique: quelqu'un qui l'escoutoit, s'en prit à rire: auquel il dit, Si tu n'estois homme sans jugement et ignorant, tu ne rirois pas, veu que je chante en harmonie Mixolydiene*: C'est à dire, pesante et grave. mais aussi un homme philosophe et exercité au maniement des affaires, pourroit à mon advis retrencher l'insolence d'un auditeur trop licentieux, en luy disant, Tu me sembles homme ecervellé, et mal appris: car autrement, ce-pendant que j'enseigne, ou qui je presche, et que je discours touchant l'administration de la chose publique, ou de la nature des Dieux, ou de l'office d'un magistrat, tu ne danserois ny ne chanterois pas. Car, à vray dire, regardez quel desordre c'est que quand un philosophe discourt en son eschole, que les assistans crient et bruient si hault et si fort au dedans, que ceux qui passent, ou qui escoutent au dehors, ne sçavent si c'est à la louange d'un joueur de fleutes, ou d'un joueur de Cithre, ou d'un baladin, que ce bruit se fait.
 
D'avantage il ne fault pas escouter negligemment les reprehensions et corrections des philosophes sans pointure aucune de deplaisir: car ceux qui supportent si facilement et negligemment l'estre repris et blasmez par les philosophes, qu'ils en rient quand ils les reprennent, et louënt ceux qui leur disent leurs fautes, ne plus ne moins que les flatteurs et bouffons poursuivans de repeuë franche louënt eux qui les nourrissent, encore quand ils leur disent des injures: ceux- là, dis-je, sont de tout point ehontez et effrontez, donnans une mauvaise et deshonneste preuve et demonstration de la force de leur coeur, que l'impudence. Car de supporter un traict de risee sans injure, dit en jeu plaisamment, et ne s'en point courroucer ny fascher, cela n'est point ne faute de coeur ne faute d'entendement, ains est chose gentile et conforme à la coustume des Lacedemoniens. Mais d'ouir une vive touche, et une reprehension qui pour reformer les moeurs use de parole poignante, ne plus ne moins que d'une drogue et medecine mordante, sans en estre resserré, ny plein de sueur et d'esblouissement pour la honte qui fait monter la chaleur au visage, ains en demourer inflexible, se soubstiant, et se mocquant, c'est le faict d'un jeune homme de treslache nature, et qui n'a honte de rien, tant il est de longue main accoustumé et confirmé à mal faire: de sorte que son ame en a desja fait un cal endurcy, qui ne peut non plus qu'une chair dure, recevoir marque de macheure.
 
Mais ceux là estans tels, il y en a d'autres de nature toute contraire: car si une fois seulement on les a repris, ils s'enfuyent sans jamais tourner visage, et quittent là toute la philosophie, combien qu'ils aient un beau commancement de salut, que nature leur a baillé, qui est, avoir honte d'estre repris, lequel ils perdent par leur trop lasche et trop molle delicatesse, ne pouvans endurer que lon leur remonstre leurs faultes, et ne recevans pas genereusement les corrections, ains destournans leurs aureilles à ouir plus tost de douces et molles paroles de flatteurs ou de Sophistes, qui leur chantent des plaisanteries bien aggreables à leurs aureilles, mais au demourant sans fruict ny profit quelconque. Tout ainsi doncques comme celuy qui apres l'incision faitte fuit le chirurgien, et ne peut endurer l'estre lié, a receu ce qui estoit douloureux en la medecine, et non pas ce qui estoit profitable: aussi celuy qui ne donne pas à la parole du Philosophe, qui luy a ulceré et blecé sa bestise, le loysir d'appaiser la douleur, et faire reprendre la playe, il s'en va avec morsure et douloureuse pointure de la philosophie, sans utilité quelconque: Car non seulement la playe de Telephus, comme dit Euripides.....