Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
http://www.baillement.com
resolutionmini
 
 
Sleep-wakefulness, EEG and behavioral studies of chronic cats without neocortex and striatum: the "diencephalic" cat
Villablanca J, Marcus R

mise à jour du
24 mars 2005
lexique
bibliographie
 Flip-flop switch et bâillements
Prostaglandines, adénosine, sommeil & bâillements
Leptine, ghréline, histamine & bâillements
O. Walusinski
Sleep as a problem of localisation von Economo 1930 - pdf

Chat-logomini

2006 Le bâillement son histoire interne ou neurophysiologie du bâillement
Electroneurobiologia 2006 in press
 
« On a vainement déroulé les plis du cerveau, ils sont restés muets à cette investigation; ils n'ont révélé aucune trace des actes sublimes qui s'y opèrent pendant la vie. » Jean-Louis Brachet. Physiologie élémentaire de l'Homme, Germer-Baillière Ed, 1855
 
Trois comportements rythment la vie des vertébrés : l'éveil, le sommeil profond et le sommeil paradoxal. Le sommeil est caractérisé par une posture, correspondant généralement à la relaxation des muscles antigravitaires et une réduction des perceptions environnementales. Il est régulé par des processus homéostasiques couplés à des rythmes circadiens et ultradiens
 
Les différentes étapes de la différenciation du cerveau chez les vertébrés est à la base de deux états d'éveil. Le plus ancien est l'activité diurne, liée à la lumière au sein d'un rythme circadien. Les poïkilothermes contrôlent cet état entièrement à partir du tronc cérébral, siège des aires sensori-motrices. Les mammifères ont développé les structures thalamo-corticales qui ont déplacé l'éveil aux structures corticales simultanément à l'acquisition de l'homéothermie et de la capacité à une activité nocturne. Afin d'éviter une duplication compétitive des compétences de ces deux structures, le type d'éveil le plus ancien contrôlé par le tronc cérébral est inhibé et pourrait correspondre au sommeil lent (Nicolau, 2000). L'effet inducteur du sommeil propre au noyau VLPO, parachiasmatique et donc anatomiquement à la partie rostrale du diencéphale, phylogenétiquement plus récente, s'accorde avec ce statut inhibiteur (GABA). La découverte chez les monotrèmes, mammifères protothériens (l'échnidé et l'ornithorynque) d'un temps de sommeil paradoxal supérieur à 60% du temps total de sommeil, proportion la plus élevée de tous les mammifères, conforte la loi proposée par Ernst Haeckel (1834-1919) : l'ontogenèse reproduit la phylogénèse (Siegel, 1999). Forme ontogénique la plus précoce de sommeil, le sommeil paradoxal a une origine rhombencéphalique caudale (tronc cérébral inférieur, cholinergique, "archaïque"), source de l'inhibition motrice descendante spinale. L'instabilité de la régulation thermique (type poïkilotherme) s'ajoute à l'origine phylogénétique plus ancienne pour proposer l'analogie entre le sommeil paradoxal et l'état inactif nocturne des reptiles (archéosommeil). Enfin, il faut noter l'évolution de la proportion des différents types d'état de vigilance au cours du nycthémère, chez l'homme, qui montre, de la vie intra-utérine à la vieillesse, une augmentation de la durée d'éveil actif, une réduction du temps global de sommeil avec réduction prédominante du sommeil paradoxal (Chalamel, 1992 ; Siegel, 2005 ; Valatx, 2004).
 
Le bâillement, qu'on peut interpréter comme une pandiculation partielle ne touchant que les muscles de la face, du cou et du diaphragme, est un comportement contemporain des transitions entre ces états. Phylogénétiquement très ancien, puisque déjà présent chez les reptiles, il persiste inchangé jusqu'aux primates humains et peut s'observer dans les mondes aériens et aquatiques. Ses moments privilégiés d'apparition sont l'éveil ou lors du besoin de sommeil avant l'endormissement. Sauf pathologie chez l'homme, il n'apparaît jamais pendant le sommeil. Le bâillement est un comportement ontogenétiquement très précoce, apparaissant dès la 12° semaine de grossesse. Le nombre quotidien de bâillements évolue au cours de la vie. On peut constater une réduction progressive du nombre de bâillements quotidiens de façon parallèle à la réduction de la proportion de sommeil paradoxal, de la vie intra-utérine à la vieillesse. Les mammifères ayant la plus grande immaturité cérébrale à la naissance, c'est à dire pour qui la myélinisation caudo-rostrale de leur système nerveux doit s'achever après la naissance, sont ceux ayant la plus grande part de sommeil paradoxal à la naissance, et dont la proportion (REM - non REM sleep) se réduit nettement au cours de la vie. L'observation comportementale des prématurés humains, grands bâilleurs, indique là aussi un parallèle entre nombre de bâillements et importance de la proportion de sommeil paradoxal (Giganti, 2002).
 
J. Siegel (1999), qui a mis en évidence l'existence d'un sommeil paradoxal prolongé des monotrèmes, n'a jamais constaté, chez eux, de comportement pouvant ressembler à un bâillement. Ce témoignage, basé sur des souvenirs, car l'observation des bâillements ne faisait pas partie du programme de recherche, incite à proposer une réelle étude, à prolonger chez les marsupiaux (mammifères protothériens) pour lesquels n'existent aucune donnée concernant l'existence de bâillements.
 
La description classique du bâillement le présente comme un cycle respiratoire paroxystique. Il paraît possible de proposer une autre théorie. En réexaminant la pandiculation dans son entier déroulement, il est possible d'interpréter ce comportement comme un travail musculaire généralisé avec :
Ð une contraction des muscles de la mâchoire et du pharyngo-larynx (diamètre multiplié par 4, ce qui ne se retrouve dans aucun autre comportement physiologique), responsable de la large ouverture de bouche et des voies respiratoires hautes,
Ð une contraction massive du diaphragme responsable de l'ample inspiration,
Ð une contraction des muscles extenseurs des membres et des muscles paravertèbraux responsable de l'étirement des membres et du tronc.
 
Il existe une tendance à l'augmentation progressive de l'activité vagale, de la veille au sommeil lent, avec pic lors du sommeil paradoxal tonique tandis que l'activité sympathique décroît presque parallèlement. À l'état de veille, la dépression engendrée par l'inspiration provoque une constriction des voies respiratoires qui est physiologiquement contre-balancée par une contraction active des dilatateurs pharyngolaryngés (muscles génioglosses, génohyoïdiens) (Ayappa, 2003)
 
Les expériences électrophysiologiques (stimulation du locus cœruleus) et pharmacologiques ont montré un effet facilitant noradrénergique sur les motoneurones spinaux, source de l'activité musculaire. La suspension de l'activité tonique du locus cœruleus adrénergique et d'autres noyaux du pont, lors du sommeil paradoxal, est responsable de l'hypotonie périphérique (Pace-Schott, 2002). Il en résulte, également, une diminution de l'activité des muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures, expliquant une tendance au collapsus du pharyngo-larynx. Celle-ci est maximale lors du sommeil paradoxal, plus prolongé en Þn de nuit. Lors de l'éveil, la reprise de l'activité noradrénergique déclenche une récupération de l'activité motrice active. L'étirement musculaire des membres et du tronc témoignent de la reprise musculaire tonique déclenchant une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, du métabolisme musculaire associée à un dérouillage articulaire. Le bâillement apparaît comme une ample contraction des muscles inhibés lors du sommeil paradoxal, un peu comme un effet en miroir inverse de l'inhibition provoquée par le sommeil paradoxal, ouvrant largement le pharyngo-larynx. Si les motoneurones stimulés sont sus-jacents à la V° racine cervicale, un bâillement apparaît isolément, comportant les contractions-étirements des muscles de la face, du cou et du diaphragme (nerf phrénique). Si l'ensemble des noyaux moteurs du tronc cérébral et des voies spinales est stimulé, la pandiculation apparaît (Beyaert, 1998).
 
La suppression expérimentale du sommeil paradoxal s'est accompagnée d'une disparition des bâillements. Menées chez le rat de laboratoire Sprague Dawley, ces expériences induisent un stress empêchant le passage en sommeil pardoxal. Ce stress provoque une stimulation de la sécrétion cortisolique, produit Þnal de l'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Cet hypercorticisme induit, altèrerait l'activité dopamino-cholinergique responsable du bâillement. Mais, en réalité, est-ce le stress ou est-ce l'absence de sommeil paradoxal qui fait disparaître les bâillements (Lobo, 1990 ; Molgilnicka, 1981 ; Neumann, 1990 ; Tufik, 1987) ?
 
Il paraitrait intéressant d'approfondir une recherche envisageant les liens ontogéniques, phylogénétiques et comportementaux unissant sommeil paradoxal et bâillements.
 
Flip-flop switch et bâillements
 
Walter Cannon (1871-1945) a défini l'homéostasie comme « l'ensemble des processus organiques qui agissent pour maintenir l'état stationnaire de l'organisme, dans sa morphologie et dans ses conditions intérieures, en dépit de perturbations extérieures » (Fleming, 1984). Or, l'état naturel du monde vivant est le manque. Les mécanismes homéostasiques physiologiques, régulés par l'hypothalamus, sont adaptés à cette gestion du manque expliquant ainsi l'asymétrie des mécanismes neuro-hormonaux mis en oeuvre. Pour chacun existe une redondance des mécanisme stimulants (éveil) et d'épargne (énergie, équilibre hydro-électrolytique) par rapport aux mécanismes de dépense et d'élimination le plus souvent unicistes (insuline, peptides natriurétiques). Bâillements et pandiculations semblent apparaître lors de l'action des systèmes d'homéostasie stimulants (éveil, sexualité) et d'épargne (jeune, hypoglycémie, hypoTA) (Walusinski, 2004).
 
La régulation des états de veille et de sommeil sont profondémment intégrés aux systèmes d'homéostasie, régulés par l'hypothalamus comme le sont l'appétit, la température corporelle et le métabolisme. Plusieurs mécanismes redondants maintiennent l'éveil, état indispensable à la survie; seul le noyau VLPO assure l'endormissement.
 
Le bâillement peut-il représenter un comportement observable, témoin des mécanismes neurobiologiques faisant basculer de l'éveil au sommeil et réciproquement?
 
Pendant et après la fin de la première guerre mondiale (1918-1926), une pandémie présumée d'origine vrale, la célèbre grippe espagnole, coïncida avec une épidémie d'encéphalites laissant nombre de victimes dans des états prolongés d'endormissement ou léthargie compliqués secondairement de syndromes extra-pyramidaux; paradoxalement quelques victimes avaient, elles, une insomnie rebelle et des mouvements choréiques.
 
On doit au neurologue viennois, le Baron Constantin von Economo, la description de cette pathologie et de la localisation anatomopathologique des troubles. Dès ce travail princeps, l'absence de contagiosité directe, de mise en évidence d'un agent infectieux avait fait douter du lien entre grippe et encéphalite. Il est actuellement admis une origine auto-immune, rappelant ainsi les mécanismes responsables de la narcolepsie, peut-être post-streptococcique. Les survivants ont souvent manifestés de séquelles chroniques à type d eparkinsonnisme, de dystonies. Mais pour notre propos, notons l'association des troubles du sommeil et de troubles neuro-endocriniens (diabète insipide, obésité, aménorrhée, impuissance...)
 
Von Economo remarqua chez les léthargiques des lésions neuronales de l'hypothalamus postérieur et du mésencéphale, partie rostrale du tronc cérébral; chez les insomniaques, les lésions siègeaient dans l'aire préoptique et le diencéphale. Fort de ses constations, von Economo prédit que les régions hypothalamiques proches du chiasma optique contenaient les neurones responsables de l'endormisssement, alors que ceux de l'hypothalamus postérieur étaient responsables de l'éveil.
 
La véracité de ces prédictions s'est vue peu à peu confirmée. Le noyau supra-chiasmatique et l'hypothalamus ont été identifiés comme responsables des rythmes circadiens. Si la découverte de la réticulée ascendante aminergique (diencéphale et mésencéphale) responsable de l'éveil (Moruzzi et Magoun) a, pour un temps déplacé l'intérêt pour les structures éveillantes vers le tronc cérébral, la mise en évidence de l'hypocrétine, neurotransmetteur hypothalamique indispensable au maintien de l'éveil, sécrété dans l'hypothalamus latéral (de Lecea, Sakurai), a réactualisé l'hypothèse de von Economo.
 
Le noyau ventrolatéral préoptique (VLPO) a, lui, une action inhibitrice GABA dirigée sur les noyaux tubéro mammillaires(histaminertgiques), les noyaux du raphé (sérotoninergiques) et le locus coeruleus (aminergique), toutes structures responsables de l'éveil; il apparaît donc comme une structure majeure de l'endormissement (Sherin, Saper, Luppi).
 
De façon schématique, notre état balance d'un état d'éveil à un état de sommeil et l'inverse, par une sorte d'inhibition réciproque. L'électronique connaît ce type d'interrupteurs bistables, baptisés flip-flop switch. On conçoit ainsi un passage rapide d'un état à l'autre, condition essentielle de survie du monde animal.
 
L'hypocrétine apparaît comme indispensable au maintien de l'éveil avec tonus musculaire adapté. Son déficit est responsable de la catalepsie de la narcolepsie. Les neurones à hypocrétine semblent jouer le rôle du doigt qui appuie sur l'interrupteur flip-flop switch, maintenant l'éveil.
 
Le bâillement peut se concevoir comme un comportement n'apparaîssant que lors des transitions entre les deux états stables éveil / sommeil, seul témoin comportemental observable des changements d'état du flip-flop switch.
 
flip-flop-swich
 
A model for reciprocal interactions between sleep and wakepromoting brain regions, which produces a flipÐflop switch.
inhibitory pathways are shown in red
the excitatory pathways in green
the blue circle indicates neurons of the LDT and PPT
green boxes indicate aminergic nucle
the red box indicates the VLPO
Aminergic regions such as the TMN, LC and DR promote wakefulness by direct excitatory effects on the cortex and by inhibition of sleep-promoting neurons of the VLPO.
During sleep, the VLPO inhibits amine-mediated arousal regions through GABAergic and galaninergic (GAL)projections.
Most innervation of the TMN originates in the VLPO core, and input to the LC and DR predominantly comes from the extended VLPO. This inhibition of the amine-mediated arousal system disinhibits VLPO neurons, further stabilizing the production of sleep. The PPT and LDT also contain REM-promoting cholinergic neurons.
The extended VLPO (eVLPO) might promote REM sleep by disinhibiting the PPT-LDT; its axons innervate interneurons within the PPT-LDT, as well as aminergic neurons that normally inhibit REM-promoting cells in the PPT-LDT. Orexin/hypocretin neurons (ORX) in the lateral hypothalamic area (LHA) might further stabilize behavioral state by increasing the activity of aminergic neurons, thus maintaining consistent inhibition of sleep-promoting neurons in the VLPO and REM-promoting neurons in the PPT-LDT.
Unbroken lines represent neuronal pathways described in the text.
Broken black lines indicate influences of specific regions on behavioral states.
 
Abbreviations:
DR, dorsal raphé nucleus
HIST, histamine
LC, locus coeruleus
LDT, laterodorsal tegmental nuclei
PPT, pedunculopontine tegmental nuclei
REM, rapid eye movement
TMN, tuberomammillary nucleus
VLPO, ventrolateral preoptic nucleus
 
Hypothalamic and brainstem sleep/wake regulation systems, in relation to common sleep disorders and their pharmacological treatment (a) Distinct roles of the brainstem, thalamus, hypothalamus and cortex for vigilance control. (b)
 
Recent discoveries of the sleep-promoting GABAergic/galanininergic (Gal) neurons in the ventrolateral preoptic area (VLPO) and the wake-promoting hypocretin/orexin neurons in the lateral hypothalamus focus attention on the hypothalamus. Destruction of these systems induces insomnia and narcolepsy, respectively, mirroring the pioneering clinical observations during the encephalitis lethargica epidemic. ALThough no direct interaction between the two systems has been reported, both VLPO and hypocretin systems innervate the main components of the ascending arousal system, such as adrenergic locus coeruleus (LC), serotoninergic dorsal raphe (DR) and histaminergic tuberomammillai-y nucleus (TNIN).
 
The VLPO system inhibits, and the hypocretin system activates, these systems. Thus, the hypothalamus may serve as a center for the 'sleep switch' under the influence of the circadian clock.
 
In addition to these ascending arousal systems, pharmacological evidence suggests the involvement of dopamine (DA), especially in the ventral tegmental area (A 10), for the control of alertness. The DA system, including descending A11 projections, may also be particularly important for sleep-related motor control in conditions such as cataplexy and PLM.
 
Recent anatomical and pharmacological evidence suggests that serotonin (5HT) is important for the motor control of the hypoglossal nucleus, and dysregulation of this system may be involved in upper airway resistance in obstructive sleep apnea.
 
Histamine (His) is a wake-promoting amine, but it has a variety of peripheral actions. Histaminergic compounds are not widely used in sleep medicine, except the CNS-permeable HI antagonists for a small number of insomnia patients.
 
Benzodiazepines (BZs) act on the GABAA/BZ-Cr macromolecular complex, and may act on any part of the arousal system shown here.
 
BF, basal forebrain cholinergic nuclei; LDT/ PPT, laterodorsal tegmental nuclei/pedunculopontine tegmental nuclei; CR, caudal raphe; PRF, pontine reticular formation; ACh, acetylcholine; PLM, periodic leg movements during sleep; NE, norepinephrine; GLY, glycine; GLU, glutamate.

circadian clock
aminergic
hypocretin
vlpo
adenosine