mystery of yawning
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
http://www.baillement.com
 
 
 
 

mise à jour du
6 mars 2011
Journal Rédaptation Médicale
2011;31:71-75
Scholarpedia
Le bâillement, une relaxation innée !
Olivier Walusinski
 
Pourquoi bâillons-nous ? Revue des théories d'Hippocrate à nos jours Walusinski O 2014

Chat-logomini

 
« Quand on s'éveille, on bâille, on étend les bras, on est plus agile, on a plus de vivacité d'esprit. Comme le suc nerveux n'a pas coulé dans les muscles durant le sommeil, toutes les fibres sont languissantes, il faut donc les contracter, pour ouvrir le passage du sec nerveux qui s'est filtré dans le cerveau, & pour l'appeler dans ces parties » [1].
Achille François Thomas Le Vacher de la Feutrie 1767
 
Le bâillement et ses rythmes
 
Le bâillement est un cycle respiratoire paroxystique, associé à une ouverture totale de la bouche, comportant, durant 5 à 10 secondes, une inspiration ample, une brève apnée à thorax plein, une expiration passive. Les yeux sont clos, la nuque se fléchit en avant au début puis se rétrofléchit à la fin. Bâiller survient 5 à 10 fois par jour physiologiquement, le matin après l'éveil, associé à des étirements ( on parle de pandiculations) à l'approche du sommeil en soirée sans étirement associé. A chaque fois que l'attention se relâche, lors de tâches monotones, des bâillements peuvent survenir. Ces bâillements sont associés au rythme veille sommeil. L'éthologie nous indique que tous les vertébrés, terrestres, sous-marins et aériens, partagent ce comportement lors des mêmes transitions comportementales. D'autres bâillements, en tous points morphologiquement identiques, surviennent lors du jeûne ou précèdent les prises alimentaires et s'associent à la somnolence de la satiété. Cette catégorie de bâillements sont nettement plus fréquents chez les carnivores, les fructivores et les omnivores que chez les herbivores. La brève durée d'absorption d'une ration calorique élevée permet aux carnivores, des prédateurs, un luxe de sommeil interdit aux herbivores. Les carnivores dorment plus longtemps que les herbivores et ont une proportion plus importante de sommeil paradoxal [2-5].
 
Neurophysiologie du bâillement
 
Les rythmes veille-sommeil, faim-satiété, sont générés par la structure phylogénétiquement la plus ancienne du système nerveux, le cerveau reptilien. Sherrington [6] a énoncé, en 1905, le paradigme selon lequel seule l'activité motrice extériorise l'activité du système nerveux. Bâillements et pandiculations extériorisent l'activité des centres moteurs du tronc cérébral (V, VII, IX, X, XI, XII) et de la moelle cervicale C1-C4, sous la commande du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus (PVN). Le PVN est un centre d'intégration entre les systèmes autonomes centraux et périphériques, lieu des régulations de la balance métabolique (osmolarité, énergie), de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, de la sexualité et de l'éveil. Il reçoit des afférences de l'hypothamus latéral (neurones hypocrétinergiques), du noyau supra-chiasmatique, de l'hypothalamus antérieur (sensibilité aux rythmes circadiens), du septum, de la réticulée ascendante du tronc cérébral, du locus coeruleus, du fornix, de l'hippocampe, du noyau médial du thalamus, du cortex orbito-frontal. Ses efférences projettent vers les centres autonomes du tronc cérébral (noyaux des nerfs crâniens V, VII, IX, X, XI, XII), le noyau ambigu, la réticulée ascendante et le locus coeruleus et peut-être le cortex cingulaire par l'intermédiaire duquel il contrôle les fonctions cardio-vasculaire, respiratoire et sexuelle, entre autres. Le PVN est sensible à l'osmolarité, à la température centrale, à des hormones circulantes (ghréline, testostérone) tant par sa vascularisation que par son contact avec le liquide cérébro-spinal qui le baigne latéralement. Bâillements et pandiculations peuvent être déclenchés par des injections (apomorphine, hypocrétines, etc.) ou disparaître après électrolésion dans la zone parvocellulaire du PVN. Un groupe de neurones ocytocinergiques, situé dans cette zone du PVN, projetant vers l'hippocampe, le tronc cérébral (locus coeruleus) et la moelle, contrôle les bâillements et l'érection. La stimulation de ces neurones par la dopamine ou ses agonistes, des acides aminés excitateurs (NMDA), l'ocytocine elle-même, déclenche des bâillements alors que le GABA ou les opioïdes inhibent bâillements et érections. L'activité de ces neurones dépend d'une enzyme, la « nitric oxyde synthétase », qui fabrique l'oxyde nitrique à l'origine de la libération de l'ocytocine par un mécanisme actuellement non élucidé [7,8].
 
Au cours d'un bâillement, le diaphragme, les muscles de la mâchoire, du visage, du cou et le diaphragme se contractent, entraînant une ample inspiration. La bouche (le bec ou la gueule) s'ouvre, montrant les dents. Les voies respiratoires supérieures sont largement dilatées. Chez l'homme, le diamètre du pharynx est, au paroxysme du bâillement, quatre fois supérieur à celui du repos. L'inspiration est profonde et se fait par la bouche. Les trompes d'Eustache se ferment, diminuant l'acuité auditive. Les paupières se rapprochent, une larme perle sur la joue par occlusion du canal lacrymal [9,10].
 
Finalité du bâillement
 
Les travaux de Provine ont démontré l'absence de tout effet d'oxygénation sanguine et cérébrale lors d'un bâillement, alors que cette théorie, datant du XVIII° siècle, est toujours colportée. Aucune modification des gaz du sang n'a été retrouvée. L'inhalation d'une air enrichi en CO2 ne déclenche aucun bâillement. Les poissons bâillent, le foetus bâille dès la douzième semaine de grossesse. Dans ces deux exemples, les bâillements apparaissent en milieu liquidien impropre à l'oxygénation gazeuse. Cette explication ancienne de la fonction physiologique du bâillement ne peut donc pas être admise [11,12]. Bien que la neurophysiologie du bâillement soit largement élucidée, sa finalité physiologique n'est pas actuellement scientifiquement prouvée. Rappelons qu'il en est de même pour le sommeil.
 
L'universalité du bâillement chez tous les vertébrés (sauf peut-être chez la girafe et les cétacés) et en corollaire son apparition précoce chez le foetus démontrent pourtant une fonction essentielle, maintenue paradoxalement inchangée au cours de l'évolution. La précocité ontogénique correspond au stade de myélinisation des structures du tronc cérébral alors que le cortex ne sera myélinisé qu'à partir de 22 semaines. Le bâillement et la déglutition ainsi que les premiers mouvements ventilatoires apparaissent simultanément et démontrent, pour l'échographiste, la maturation fonctionnelle de ces structures. La fréquence des bâillements foetaux augmente progressivement pour atteindre un maximum vers 24 semaines, avec plus de 50 à 60 bâillements par 24 heures, fréquence physiologique la plus élevée de toute la vie. On peut envisager, pour ce bâillement foetal, une fonction de stimulation de la production des neurotrophines nécessaires à la maturation du système nerveux [13,14].
 
Bâillements et pandiculations ouvrent les voies respiratoires et renforcent le tonus musculaire antigravitationnel. Toute activité motrice génère un rétrocontrôle (feedback) adaptatif. La puissante contraction musculaire du bâillement et de la pandiculation génère une information sensorielle en retour, par les voies de la sensibilité profonde, projetant sur le locus coeruleus (boucles sensori-motrices trijémino-cervico-spinales), la réticulée ascendante du tronc cérébral et l'hypothalamus latéral. La théorie la plus couramment admise actuellement propose d'expliquer la fonction physiologique du bâillement et des pandiculations comme un rôle de stimulation des systèmes de vigilance (système noradrénergique et dopaminergique projetant vers le cortex) et du tonus musculaire (système hypothalamique hypocrétinergique), engendrés par ce rétrocontrôle. Les états de veille et de sommeil correspondent à des activités de circuits neuronaux spécifiques. Bâillements et pandiculations seraient alors un mécanisme adaptatif déconnectant un type de circuit neuronal et favorisant la mise en fonction d'un autre réseau (« reset » ou reconfiguration), optimisant le changement comportemental [15,16].
 
Chaque inspiration profonde, et donc le bâillement, est suivie d'une augmentation du débit du liquide cérébro-spinal au niveau du IVe ventricule. L'étude de la cinématique mandibulaire montre que celle-ci s'associe à l'inspiration pour modifier la circulation intra crânienne. Lepp décrit « les mouvements mandibulaires qui ont pour rôle de mettre en action, selon les besoins, la pompe musculo-veineuse ptérygoïdienne qui fonctionne en haut de l'espace parapharyngien antérieur ou préstylien. De cette manière, la pompe paratubaire peut s'intercaler dans le mécanisme d'écoulement du sang veineux hors de l'endocrâne et principalement via le sinus canalis ovalis. Ainsi, la citerne ptérygoïdienne, correspondant à la pars caverna du plexus ptérygoïdien et elle-même prolongement extra crânien et transovalaire du sinus caverneux, joue un rôle important comme station intermédaire d'accélération pour l'écoulement en retour du sang cérébral ». Le liquide cérébro-spinal chemine lentement vers ses aires de résorption vers le système veineux, essentiellement au niveau des granulations de Pacchioni, excroissances leptoméningées faisant saillies dans les sinus veineux intra-crâniens. L'ample inspiration et l'ouverture de bouche maximale, propres au bâillement, accélèrent le drainage veineux cérébral et participeraient d'un mécanisme d'accélération de la circulation du liquide cérébro-spinal. Déjà en 1912, Legendre et Piéron avaient mis en évidence la présence d'un facteur hypnogène s'y accumulant pendant la veille. Cette recherche de facteurs, humoraux et non neuronaux, inducteurs du sommeil, vieille de près de 100 ans, a fait passer en revue plus de 50 molécules. Actuellement, il est reconnu qu'une prostaglandine (PGD2) agit comme une hormone d'activité locale, produite par les méninges. Sa fixation sur un récepteur spécifique est suivie d'une transduction depuis la leptoméninge vers le parenchyme cérébral et active la fabrication d'adénosine, celle-ci ayant un effet inducteur du sommeil au niveau du noyau VLPO de l'hypothalamus antérieur. Bâillements et pandiculations pourraient induire une accélération de la clairance de PGD2 et réduire la propension à l'endormissement [17-19].
 
A l'acmé d'un bâillement, l'ouverture de la trompe d'Eustache aère la caisse du tympan. Associée à l'occlusion palpébrale, la baisse de l'audition ainsi provoquée concourt à une brève déconnexion sensorielle de l'environnement du bâilleur. Lors de pathologies rhinopharyngées ou de variations altitudinales (montagne, vols aériens), le bâillement constitue un moyen thérapeutique de reperméabilisation tubaire assurant l'amélioration des surdités de transmission, inflammatoires ou fonctionnelles. Par l'extrême ouverture pharyngolaryngée, qui caractérise les bâillements au niveau des voies aériennes supérieures, les bâillements participent à une forme de relaxation de la musculature pharyngolaryngée. Cette musculature extrinsèque et intrinsèque du larynx est particulièrement sensible au stress émotionnel. Son hypercontraction est le dénominateur commun de toutes les formes de dysphonies et aphonies fonctionnelles ou psychogènes. Le bâillement est une thérapeutique efficace des surmenages vocaux, en combattant l'élévation excessive du larynx et la constriction de la glotte qui les caractérisent. Ces surmenages correspondent à un effort tonico-spastique des muscles du larynx qui provoque son ascension. Le bâillement ouvre la glotte à son maximum et repositionne le larynx au plus bas de sa course, réduisant l'effort musculaire. Les professeurs de chant enseignent à leurs élèves des techniques de bâillement provoqué, forme de relaxation laryngée. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de voir des chanteurs d'opéra bâiller avant d'entrer en scène [10,21,22].
 
Bâillements et pandiculations, acteurs de l'intéroception et du schéma corporel.
 
L'école apprend aux enfants, suivant la tradition aristotélicienne, que nous disposons de cinq sens. Mais nous bénéficions des informations d'un sixième sens, l'intéroception, englobant la proprioception, c'est à dire la capacité de percevoir des stimuli sensoriels internes à notre corps. Le terme intéroception, ou somesthésie végétative, a aussi été proposé par Sherrington [6]. L'éveil est essentiel à la conscience. Celle-ci nécessite la capacité d'intégrer des informations sensorielles informant du monde environnant, des sensations du ressenti de notre état physique interne, modulées par les émotions et la mémoire. Les sensations afférentes en provenance du système musculo-squelettique convergent par les voies spinothalamiques et spinoréticulaires vers le thalamus, les noyaux du raphé, et de là vers le cortex sensitif pariétal ascendant. Le thalamus et le noyau paraventriculaire de l'hypothalamus participent d'un circuit envoyant et recevant des influx du locus coeruleus, des noyaux tubéro-mamillaires, toutes structures responsables des réflexes autonomiques. Les nerfs crâniens, trijumeaux (V), faciaux (VII), pneumogastriques (X) et les racines cervicales C1-C4, moteurs et/ou sensitifs, convoient aussi des somesthésies qui convergent vers le noyau du tractus solitaire (NTS), interface des informations périphériques, nécessaire à la stimulation de la réticulée ascendante du tronc cérébral, du locus coeruleus en particulier, source de l'activation des systèmes d'éveil (adrénergique au pont, dopaminergique aux pédoncules, histaminergique à l'hypothalamus, cholinergique au noyau basifrontal de Meynert). Les neurones du NTS projettent sur le noyau parabrachial qui, lui-même, projette vers de multiples sites du tronc cérébral, du diencéphale, du thalamus. Ces structures projettent, également, vers le secteur des sensations viscérales de l'insula, de l'amygdale et du cortex latéro-frontal, surtout droit. C'est par ces circuits qu'une activité homéostatique automatique sous-corticale inconsciente parvient à engendrer une représentation consciente. L'intégration autonomique, somatique et limbique permet ainsi d'extraire une perception corporelle d'où peut émerger une sensation de plaisir. Ainsi, les variations d'état du tonus musculaire périphérique antigravitationnel, transmises par ces voies, déclenchent bâillements et pandiculations qui, par les puissantes contractions musculaires, activent les systèmes de vigilance. Le ressenti de l'activité musculo-squelettique provoque une sensation de bien-être, d'acutisation de la thymie nécessaire à la représentation du schéma corporel, lors de l'éveil par exemple, comme le proposent les théories des émotions de James-Lange ou de « somatic marker hypothesis of consciousness » de Damasio [23-27].
 
Autres bâillements
 
L'éthologie décrit plusieurs autres circonstances de bâillements. Celles-ci ne sont plus universelles chez tous les vertébrés mais s'observent chez ceux vivant en groupes sociaux. Alors que les bâillements précédemment décrits témoignent de l'activité du cerveau « reptilien », ceux que nous allons passer en revue, témoignent de l'activité du système limbique, ou cerveau paléomammalien.
 
Le bâillement et la sexualité
Deputte a montré que, chez le Macaque, le mâle dominant, porteur de canines plus longues que celles de ses congénères, bâille avant chaque accouplement. Ce type de bâillements et ce statut de dominant disparaissent après castration et sont restaurés par des injections de testostérone. On peut interpréter ce comportement comme une manière d'afficher son statut au sein du groupe. On le retrouve assez similaire chez l'hippopotame et certains poissons agressifs qui bâillent avant de combattre un conspécifique. Dans l'espèce humaine, il semble exister, pour le psychologue néerlandais W. Seuntjens, une pandiculation féminine témoignant de l'expression comportementale d'un désir sexuel comme de nombreux exemples dans la littérature et les arts en témoignent [28,29].
 
Le bâillement et l'anxiété
L'éthologie décrit des comportements qu'on peut qualifier de dérivatifs, « displacement activities » en anglais. Par exemple, des chimpanzés regroupés dans une cage trop exiguë, vont bâiller de façon répétitives comme pour éviter de s'agresser. Les vétérinaires remarquent que les chiens, en attente avant leur consultation ou pendant leur examen, bâillent de façon répétitive. Chez l'homme, certains sportifs bâillent avant une compétition, avant de sauter en parachute. Dans toutes ces circonstances de stress (adrénergique), le bâillement témoigne de la contre stimulation du système parasympathique (ocytocynergique et cholinergique) afin d'apporter une détente, une homéostasie comportementale. Les professeurs de yoga utilisent couramment des bâillements induits afin d'apprendre à leurs élèves à se relaxer [30,31].
 
La réplication ou « contagion » du bâillement
 
De nombreuses attitudes comportementales sont mimées involontairement. Des émotions négatives (la peur, l'angoisse) ou positives (le rire) se transmettent de façon « contagieuse ». JM Charcot avait inventé le meilleur terme pour les décrire, l'échokinésie. La maladie de Gilles de la Tourette fournit un exemple d'un excès pathologique de cette faculté innée que seuls l'Homme et les grands singes possèdent. Elle témoigne de l'activité corticale, notre cerveau néomammalien. Pour être sensible au bâillement d'autrui, il est nécessaire d'être dans un état particulier, peu stimulé intellectuellement mais éveillé. Cette transmission est involontaire tant de la part de l'émetteur que du receveur. Il n'est pas nécessaire de connaître l'autre. La vue n'est pas la modalité exclusive de déclenchement car les aveugles sont également sensibles. Même la simple suggestion par la parole ou la lecture peuvent déclencher des bâillements. L'enfant ne devient sensible au bâillement d'autrui qu'après quatre ans environ. Les personnes atteintes d'autisme n'y sont pas sensibles. Les enquêtes en population générale indiquent qu'environ 75% de la population est sensible. Des études comportant des questionnaires de personnalité ont prouvé que les personnalités schizoïdes et alexythymiques étaient insensibles aux bâillements des autres. Dès les années 60, des publicitaires avaient noté que les personnes très faciles à convaincre étaient les plus sensibles à la réplication du bâillement. Tous ces arguments et les explorations contemporaines d'imagerie fonctionnelle cérébrale permettent d'associer susceptibilité à la réplication du bâillement et capacité d'empathie d'une part, à la capacité de posséder ce que les anglo-saxons nomment « une théorie de l'esprit » et une capacité d'introspection d'autre part. Ainsi, plus une personne est douée d'empathie plus elle est sensible aux bâillements des autres. La réplication du bâillement apparaît donc comme une spécificité des hominidés, forme d'empathie instinctive involontaire, apparue tardivement au cours de l'évolution, témoignant, peut-être, d'un avantage sélectif autorisant une synchronisation efficace des niveaux de vigilance [32,33].
 
En conclusion, bâillements et pandiculations sont des comportements universels chez les vertébrés, plus proches d'une stéréotypie émotionnelle que d'un réflexe. Comportements d'origine diencéphalique, transitionnels entre deux états, ils extériorisent des processus circadiens d'homéostasie des systèmes veille-sommeil, faim-satiété. Dans « son bricolage », l'évolution les a recyclés pour les adapter aux régulations émotionnelles chez quelques vertébrés, et en moyen de communication, involontaire, non verbale, chez les hominidés. On peut voir là une bonne illustration des théories phénoménologiques du philosophe Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) [34,35].
 
 
Bibliographie
 
1°) Le Vacher de la Feutrie Th, De La Marcellerie. Dictionnaire de Chirurgie. Chez J. Lacombe, Paris, 1767;1:162-165.
 
2°) Baenninger R. Some comparative aspects of yawning in Betta sleepnes; Homo Sapiens; Pantera leo and Papio sphinx. J.Comp. Psycho. 1987;101:349-354.
 
3°) Deputte BL Revue sur le comportement de bâillement chez les vertébrés Bull interne société française pour l'étude du comportement animal.1974;1:26-35
 
4°) Giganti F, Zilli I, Aboudan S, Salzarulo P. Sleep, sleepiness and yawning. Front Neurol Neurosci. 2010;28:42-46.
 
5°) Walusinski O, Deputte BL Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie La Revue Neurologique (Paris) 2004;160(11):1011-1021
 
6°) Sherrington Ch. The integrative action of the nervous system. New Haven. Yale University Press. 1905. 411 p.
 
7°) Collins GT, Eguibar JR. Neurophamacology of yawning. Front Neurol Neurosci. 2010;28:90-106.
 
8°) Sato-Suzuki I, Kita I, Oguri M, Arita H Stereotyped yawning responses induced by electrical and chemical stimulation of paraventricular nucleus of the rat Journal of Neurophysiology, 1998;80(5)2765-2775
 
9°) Barbizet J Le bâillement Le Concours Médical 1958;80(5):537-548
 
10°) Laskiewicz A Yawning with regard to the respiratoty organs and the ear. Acta Oto laryngologica (Stockholm) 1953;43(2-3):267-270
 
11°) Provine RR, Tate BC Yawning: no effect of 3-5% CO2, 100% O2, and exercise Behav Neural Biol 1987;48(3):382-93.
 
12°) Provine RR, Hamernik HB, Curchack BB Yawning : relation to sleeping and stretching in humans. Ethology 1987;76:152-160
 
13°) Walusinski O. Fetal yawning. Front Neurol Neurosci. 2010;28:32-41.
 
14°) Smith E.O. Yawning: An Evolutionary Perspective. Human evolution. 1999;14:191-198.
 
15°) Baenninger R, Greco M. Some antecedents and consequences of yawning. Psychological Record. 1991;41:453-460.
 
16°) Lehmann H. Yawning: a homeostatic reflexe and its psychological signifance. Bull Menninger Clinic. 1979;43:123-126
 
17°) Bouyssou M, Tricoire J. Experimental detection of a cervical arousal mechanism of yawning, enhancing intracerebral (CSF) fluid pressure. J Dental Res. 1985;64:721
 
18°) Lepp FH. Remarques sur la signification physiologique du bâillement. Bull Group Int Rech Sci Stomatol Odontol. 1982.25:251-290.
 
19°) Schroth G, Klose U. Cerebrospinal fluid flow: Physiology of respiration-related pulsations. Neuroradiology. 1992;35:10-15.
 
20°) Legendre R, Piéron H. De la propriété hypnotoxique des humeurs développée au cours de la veille prolongée. CR. Soc. Biol. Paris. 1912;72:210-212.
 
21°) Xu JH, Ikeda Y, Komiyama S. Bio-feedback and the yawning breath pattern in voice therapy: a clinical trial. Auris Nasus Larynx. 1991;18:67-77.
 
22°) Beyaert CA, Hill JM, Lewis BK, Kaufman MP. Effect on airway caliber of stimulation of the hypothalamic locomotor region. J Appl Physiol. 1998;84:1388-1394.
 
23°) Walusinski O. Yawning: Unsuspected avenue for a better understanding of arousal and interoception. Med Hypotheses. 2006;67(1):6-10.
 
24°) James W. Writings 1878-1899. New York. The Library of America. 1212 p.
 
25°) Damasio AR. Somatic markers and the guidance of behavior: theory and preliminary testing. In: Levin HS et al., Ed. In Frontal lobe function and dysfunction. Oxford University Press. 1991:217&endash;229
 
26°) Cameron OG. Visceral Sensory Neuroscience, Interoception. New York. Oxford University Press. 2002. 359 p.
 
27°) Cardinali DP, Pandi-Perumal SR. Neuroendocrine Correlates of Sleep/Walkfulness. New York. Springer. 2006. 627p.
 
28°) Seuntjens W. The hidden sexuality of the yawn and the future of chasmology. Front Neurol Neurosci. 2010;28:55-62.
 
29°) DeputteBL, Johnson J, Hempel M, Scheffler G Behavioral effects of an antiandrogen in adult male rhesus Macaques. Hormones and behavior 1994;28:155-164.
 
30°) Maestripieri D, Schino G, Aureli F, Troisi P. A modest proposal: displacement activities as an indicator of emotions in primates. Anim Behav 1992;44:967-979
 
31°) Perez-Christiaens N. Une thérapeutique naturelle: le bâillement. Paris. Chiron ed. 1980. 102 p.
 
32°) Nahab FB, Hattori N, Saad ZS, Hallett M Contagious yawning and the frontal lobe: An fMRI study Human Brain Mapping 2009;30:1744-1751
 
33°) Senju A. Developmental and comparative perspectives of contagious yawning. Front Neurol Neurosci. 2010;28:113-119.
 
34°) Merleau-Ponty M. Phénoménologie de la perception: thèse pour le doctorat ès-lettres présentée à la Faculté des lettres de l'Université de Paris. Gallimard Ed. 1945.531 p.
 
35°) Guggisberg AG, Mathis J et al. Why do we yawn ? Neurosci Biobehav Rev 2010;34:1267-1276