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mise à jour du
1 avril 2009
 
 
Scholarpedia
Le bâillement est-il contagieux ?
Olivier Walusinski
 
Pour La Science avril 2009
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Oui, chez l'homme. Il stimule des neurones dits miroirs qui s'activent à la fois
quand on ressent une émotion et quand on voit autrui l'éprouver.
 
 
Vous êtes en réunion depuis deux heures après le déjeuner et vous essayez d'être attentif, contrairement à votre collègue qui semble s'ennuyer ; il se met à bâiller, vous l'observez, et presque automatiquement, vous avez des difficultés à masquer un bâillement. Pourquoi avez-vous bâillé alors que vous n'aviez pas envie de dormir ? Votre collègue vous a-t-il transmis sa fatigue ? Voyons d'abord quand et pourquoi nous bâillons avant de nous demander si c'est un comportement effectivement contagieux.
 
L'Homme, comme les autres vertébrés, présente des comportements essentiels à sa survie, caractérisés par leur périodicité cyclique : se nourrir, se reproduire, dormir. A la base du cerveau siège, tel un chef d'orchestre des régulations du milieu intérieur et des comportements, l'hypothalamus, véritable horloge biologique qui autorise une adéquation précise entre les besoins métaboliques (la faim), la survie de l'espèce (l'accouplement) et les conditions de l'environnement (le rythme veille/sommeil). Or chaque transition comportementale, au début et à la fin de ces activités, est accompagnée de bâillements, stimulés par l'hypothalamus, qu'on retrouve chez presque tous les vertébrés, dans les mêmes circonstances. On bâille au réveil ou au coucher, quand on a faim ou trop mangé, quand la vigilance baisse ou quand on exerce des tâches répétitives et monotones, parfois aussi lors du désir amoureux, notamment chez la femme. Les bâillements existent chez le fœtus dès la 12e semaine de grossesse. Encore très fréquents chez le nouveau-né, le nombre de bâillements se réduit au cours de l'enfance en parallèle avec la réduction de la durée de sommeil.
 
Mais qu'est-ce qu'un bâillement ? C'est une puissante contraction musculaire, notamment du diaphragme, des muscles du visage, de la mâchoire et du cou, pouvant s'associer à ceux du tronc et des membres en un étirement généralisé. En résulte une ample inspiration ; la bouche et les voies respiratoires s'ouvrent et les paupières se ferment. Après un bref arrêt respiratoire à thorax plein, survient l'expiration, passive, accompagnée d'une sensation de bien-être. Les muscles se relâchent, la bouche se referme, les yeux s'ouvrent, une larme perle à la paupière. L'ensemble dure moins de dix secondes. En mesurant les gaz du sang ou ceux exhalés, on a montré que le bâillement ne modifie en rien l'oxygénation cérébrale ; en revanche, la puissante activité musculaire qu'il engendre active les structures responsables de l'éveil dans le tronc cérébral (à la base du cerveau). Le bâillement servirait à stimuler la vigilance et à lutter contre l'endormissement... Forme de langage non verbal, il permet en outre à des animaux vivants en groupe de synchroniser leurs activités.
 
Bien différente, la contagion ou plutôt la réplication comportementale ou encore l'échokinésie du bâillement n'existerait que chez l'homme et quelques grands singes capables de se représenter l'état mental de l'autre et de se reconnaître dans un miroir. Les mécanismes neurobiologiques qui la sous-tendent sont communs au comportement d'empathie, ou émotion partagée.
 
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Plusieurs données confortent cette théorie. L'enfant n'est sensible à cette échokinésie qu'après l'âge de quatre ou cinq ans, quand il acquiert le sens de l'empathie. Les tests de personnalité montrent que les personnes empathiques y sont très sensibles alors qu'à l'inverse, les personnalités schizoïdes &endash; qui ont une tendance à l'isolement, (…) à l'intériorisation des sentiments &endash; ne le sont pas. De même, l'échokinésie est limitée en cas d'autisme. Ainsi, si vous bâillez en lisant ce texte, c'est que vous êtes particulièrement sensibles à la « contagion » et doués d'empathie !
Dans le cerveau, des neurones dits miroirs s'activent à la fois quand on effectue une tâche &endash; ou quand on éprouve un sentiment &endash; et quand on voit autrui réaliser &endash; ou ressentir &endash; la même chose. Les neurones miroirs de l'aire motrice gauche, sollicités au cours de l'imitation motrice, ne s'activent pas pour l'échokinésie du bâillement ; en revanche, ceux des aires pariétotemporales droites notamment, actifs quand on observe une émotion ressentie par autrui, sont stimulés lors de ce comportement.
Sa fonction et ses mécanismes restent donc complexes, mais le bâillement est indéniablement une technique de relaxation efficace...
pour la science
 
Pour La Science
A lire, page 66, dans le numéro 312, d'octobre 2003
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