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Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
22 avril 2007
 
page 260-265
Efficacité du bâillement et manière de le provoquer
dans la congestion cérébrale et endo-oculaire
 
Par S. E. Abbate Pacha
 
Bulletin de l'Institut Egyptien
Deuxième série - N°8
Année 1887
 
Le Caire
Imprimerie Nouvelle Jules Barbier
1888

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bulletin institut egyptien
 
Je viens vous entretenir de certains phénomènes qui se rapportent à la circulation et à la respiration, et qui m'ont donné, après la théorie et l'expérience, des résultats évidents au point de vue de la médecine pratique. C'est du bâillement que je dois vous parIer, et le considérer comme un moyen prophylactique, et encore curatif de certaines affections. Mais avant d'entrer dans le fond de la question, il me faut émettre quelques notions théoriques, pour mieux saisir le sujet; ces notions sont assurément connues par les médecins et les physiologistes; il est nécessaire cependant qu'elles soient rapidement développées par suma capita, et rappelées à notre mémoire.
 
La circulation de l'homme et des mammifères consiste dans le mouvement incessant du sang dans l'intérieur d'un système de canaux ramifiés. Par ses contractions le coeur chasse le sang dans les artères. Celles-ci le distribuent dans tous les organes, et il revient par les veines vers son point de départ, en vertu de son impulsion première, et ensuite par les forces accessoires qui exercent leur action, soit sur l'ensemble du système, soit sur divers points du trajet circulatoire. Il n'est pas utile de parler ici de la grande circulation, ou circulation générale, et de la petite circulation, ou circulation pulmonaire. Les deux cercles de la circulation communiquent l'un avec l'autre par l'intermédiaire du coeur, cela nous suffit. Le sang que le coeur envoie dans les artères chemine du coeur vers la périphérie, direction centrifuge; dans les veines au contraire, où le courant est dirigé au coeur, la direction est centripète. Le coeur, organe musculaire creux, placé au centre de l'appareil circulatoire, par ses contractions répétées, pousse à chaque instant le sang dans l'arbre artériel. Il agit à la manière d'une pompe foulante, pompe foulante dont le piston est remplacé par la contraction, appelée dans ce cas systole, tandis que le moment opposé de relâchement est celui de diastole.
 
On n'est pas d'accord pour comparer le coeur à une pompe à la fois foulante et aspirante. Pourtant, le fait est que la contraction des ventricules qui suit presque immédiatement la contraction des oreillettes, a été calculée à 1/10 de seconde entre les deux mouvements de sorte que le vide, quand même il s'ensuit momentanément et rapidement, provoquant ces mêmes contractions à se produire, favorise et concourt, avec l'aide des forces propres à tout l'arbre sanguin, à ce que la circulation entière s'accomplisse, en reportant le liquide aspiré, pour ainsi dire par les veines, les caves supérieures et inférieures, par la voie des veines coronaires, et poussé par les artères. On conçoit très facilement qu'avec l'assistance de ces forces et celles de la respiration, qui contribue puissamment à toute cette mécanique merveilleuse, le sang, cette masse liquide, calculée approximativement à 5 kilogrammes pour l'homme, accomplit à peu près la révolution circulatoire avec une vitesse de 23 secondes - Vierordt, Hering.
 
Ces rapides considérations théoriques énoncées, revenons maintenant à notre sujet.
 
Le bâillement se produit par une grande inspiration que suit tout de suite une expiration. Les poumons, amplement dilatés, permettent au sang, accumulé dans les cavités droites du coeur, un passage plus facile dans les cavités gauches. Ainsi est rendue plus abondante une grande quantité d'air, en ouvrant la bouche, et éloignant les mâchoires.
 
On bâille avant la nausée, ou dans l'ennui, avant l'accès d'une fièvre intermittente, comme à l'approche du sommeil, parce que les puissances inspiratrices grandement affaiblies, ont besoin d'être réveillées de temps à autre. On bâille aussi en se réveillant, afin de disposer les muscles du thorax au degré convenable de la respiration toujours plus lente, plus rare et profonde pendant le sommeil que la veille. Et c'est de la sorte que l'instant du réveil est marqué chez tous les animaux en général, par des pandiculations, c'est-à dire actions pendant lesquelles les muscles semblent se disposer aux contactions nécessaires aux mouvements. C'est à ces actions combinées qu'on doit rapporter le chant du coq, et l'agitation de ses ailes, ainsi que le chant des oiseaux, etc., aux approches de l'aurore.
 
Dans tout le temps que dure le bâillement, la perception des sons est moins distincte; l'air, qui se précipite dans le gosier, se porte par la trompe d'Eustache jusqu'à la cavité du tympan, et en ébranle la membrane en sens contraire.
 
Le soulagement que procure la longue inspiration qui constitue le bâillement, le souvenir du bienêtre qui arrive en suite de l'oppression antérieure, nous portent involontairement à répéter cet acte, toutes les fois que nous le voyons exécuter en notre présence; c'est un mouvement de sympathie par imitation.
 
Mais le grand avantage que procure le bâillement est assurément dans tous les symptômes et affections, où le cours du sang n'est pas normal, et où spécialement dans le système veineux se produisent des stases, des congestions, soit dans le cours veineux abdominal, dont souffrent les hypocondriaques, les hémorroïokiires; soit dans la cavité thoracique, par paresse des caves et coronaires; soit dans le cerveau par les sinus et le confluent d'Hérophile, soit enfin dans l'appareil spinal, par l'azygos principalement.
 
C'est ainsi par le bâillement qu'on obtient l'équilibre circulatoire, en activant la fonction centripète du coeur droit, presque à la manière d'une pompe, qui aspire le sang, et le ramène de ses extrêmes réseaux veineux,
 
Dernièrement, j'ai souffert d'une choroïdite intense. On sait que la choroïde est un tissu presque exclusivement veineux. Ayant très peu d'artères, on peut la regarder comme la rate ou le foie de l'oeil.
 
La circulation étant entravée dans cette membrane, pour une cause quelconque, il s'y produit aisément des stases, et congestions passives.
 
En faisant moi-même, et répétant à plusieurs reprises l'expérience du bâillement artificiel non seulement la douleur diminuait, mais un soulagement considérable en était la conséquence, jusqu'à pouvoir affirmer que la méthode a de beaucoup aidé et contribué à la guérison complète.
 
Le bâillement artificiel est donc très utile: il est très efficace de le faire adopter et employer par tous ceux qui souffrent de paresse dans la circulation veineuse les hémorrhoïdaires, les cardiaques, les spasmodiques en général, ainsi que par ceux affectés de fièvre intermittente, et par tous ceux qui de temps à autre sont sujets à des congestions passives intra-crâniennes et endo-oculaires.
 
Comment se produit le bâillement artificiel est chose très simple et très aisée à apprendre. Il faut ouvrir grandement la bouche, avec une profonde inspiration prolongée quelques instants, et tout de suite le phénomêne arrive. Certainement cet effet sera plus facile à se manifester, chez les gens susceptibles ou affectés dans le systême veineux;' après les raisons que nous avons développées plus. haut. Ces actes répétés plusieurs fois en même temps, et beaucoup de fois pendant le jour et la nuit, ne manqueront pas d'offrir l'effet sédatif tant désiré, avec une amélioration très sensible et un avantage spécial.
 
J'ai la ferme assurance que l'indication de ce nouveau procédé sera mise en pratique avec succès et satisfaction.