resolutionmini
 
Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
23 juillet 2009
Gazette Hebdomadaire de médecine et de chirurgie
24 janvier 1901 
1901;48(7):73-74
Recherches cliniques sur la respiration, sur le rire,
sur le pleurer et sur le bâillement
des hémiplégiques
 
Giovanni Boeri

logo

 
On a cru pendant longtemps, et il est encore assez communément admis, que la respiration n'est pas altérée chez les hémiplégiques. La fonction respiratoire est nettement automatique, et l'on a coutume de dire depuis Broadbent, que chaque hémisphère régit dans les deux côtés du corps la mouvements bilatéraux et synergiques, ou automatiques. Les muscles du tronc, de la respiration, du larynx, de l'abdomen, de la vessie, etc., ne seraient pas intéressés dans l'hémiplégie.
 
Les faits n'ont pas contiriné cette loi, car on a vu participer à l'hémiplégie les muscles du tronc (Bianchi), ceux du cou (Fränkel), l'élévateur de la paupière (Landouzy et Grasset), les muscles de la phonation (Déjérine), de la mastication (Boix), de la déglutition (Betecherew), de l'abdomen (Sicard), le crémaster le peaucier (Babinski). De telle sorte qu'on ne peut plus soutenir que les muscles à fonctions bilatérales, synergiques et automatiques, sont toujours épargnés par l'hémiplégie.
 
En ce qui concerne les mouvements de la respiration, et plus particulièrement l'amplitude des excursions respiratoires du thorax du côIé de l'hémiplégie comparée à celle des mouvements du côté sain, les différents auteurs ont bien signalé une différence, mais faible et assez peu fréquente. Avec Simonelli, j'ai étudié au point de vue de la respiration 61 hémiplégiques, et nos constatationa peuvent être exprimées ainsi.
 
Ce n'est que dans 19,7 cas pour 100, qu'on ne trouve ici pas de différence entre l'étendue des mouvements respiratoires d'un des côtés du thorax et de l'autre; 80,3 fois sur 100 la différence existe, 63.9 fois le côté hémiplégié respire moins. 16,4 fois il respire plus que le côté sain. En outre on rencontre communément des troubles du rhythme, du rapport entre la longueur de l'inspiration et de l'expiration, cela du côté hémiplégié. Et ces différences, ces troubles, ne se montrent pas seulement dans la respiration profonde et volontaire, mais bien aussi, et cela surtout est intéressant, dans la respiration tranquille, automatique. On en peut couclure que le centre bulbaire de la respiration subit l'influence des centres cérébraux. La lésion destructive du centre supérieur n'est pas capable de compromettre sérieusement la fonction du centre bulbaire, mais elle peut l'amoindrir.
 
Quant aux cas étranges, en apparence, où les mouvements respiratoires sont exagérés du côté hémiplégié, il est probable qu'ils ont leur raison d'étre dans une excitation persistante exercée par la lésion soit sur un centre cérébral de la respiration, soit sur les voies reliant ce centre au centre bulbaire. Dans ces cas, d'autres phénomènes d'excitation coexistent, épilepsie jacksonienne, contractures précoces, rire spasmodique.
 
Pour résumer ce qu'apprend la Clinique, je puis dire qu'il y a des hémiplégiques chez qui les tracés retire sipprécialsle, lorsqu'on lit les tracés de leur respiration, entre l'amplitude des mouvements respiratoires d'un côté et ceux de l'autre côté; cela existe chez les malades présentant de la parésie seulement, au moins du membre supérieur. Mais le plus souvent, et pour peu que l'hémiplégie soit assez marquée, il y a de la différence entre les tracés de la respiration de l'un et de l'autre côté; le côté hémiplégié respire moins. Dans un petit nombre de cas, l'amplitude des mouvements respiratoires est exagérée du côté hémiplégié. dans la respiration tranquille, automatique, dans les grandes inspirations volontaires, dans les mouvements convulsifs de la toux.
 
Un de ces derniers malades était sujet à des accès de rire ou de pleurer spasmodiques. Pour un rien il éclatait de rire, d'un rire prolongé, incoercible; pour la moindre allusion, faite à son état, il sanglotait indéfiniment. Cette émotivité exceptionnelle, le sujet ne pouvait la modérer, et pourtant les facultés psychiques étaient intactes.
 
Jusque-là rien de particulier, car le rire ou le pleurer spasmodique sont assez communs chez les hémiplégiques. Mais à considérer le malade riant ou pleurant, on voyait la moitié saine du corps se mouvoir relativement bien peu, tandis que la moitié paralysée était agitée de secousses amples et violentes. Pareille exagératiomi des mouvements du côté paralysé s'observait dans le bâillement.
 
Le rire et le pleurer sont l'expression réactionnelle de mouvements psychiques, d'émotions. Suivant l'intensité de celles-ci, suivant aussi le pouvoir d'inhibition dont chacun dispose, l'expression extérieure reste localisée au domaine du facial comme dans le sourire, ou bien de cette région du facial, inférieur où elle débute, la convulsion envahit la glotte, le diaphragme, tous les muscles respirateurs, ou même un grand nombre de muscles quelconques du corps dans le rire et le pleurer spasmodiques. Et le mécanisme du sanglot diffère bien peu de celui du rire; dans les deux cas les mêmes territoires d'innervation entrent en jeu, à cela près qu'à la face les élévateurs se contractent dans le rire, et les abaisseurs dans le pleurer; au thorax, comme l'indique Brissaud. le rire anime de préférence les muscles inspirateurs,et le pleurer les muscles expirateurs. Il semble que pour chacun des deux états d'émotion il y ait une sélection dans les cellules des mémes noyaux du bulbe, sauf lorsque le rire et le pleurer dépassent la mesure, que l'excitation fail vibrer toutes les cellules du noyau, que l'on rit aux larmes.
 
L'impulsion au rire ou au pleurer partirait de l'écorce frontale et se rendrait au thalamus, centre de coordination, qui répartirait aux noyaux bulbaires les incitations nécessaires. Entre le centre cortical du commandement, le centre thalamique de coordiusation et les centres bulbaires d'exécution existent des voies de communication, les voies cortico-thalamiques sont surtout à considérer. C'est par les fibres du segment antérieur de la capsule interne que present les commandements des actes psychoréflexes provenant de l'écorce frontale; les fibres destinées aux mouvements psycho réflexes du facial, par exemple, sont ainsi tout à fait distinctes des fibres des mouvements volontaires du facial, qui appartiennent au faisceau géniculé.
 
Voilà pour le mécanisme normal du rire et du pleurer. Le rire et le pleurer spasmodiques, communs dans l'hémiplégie, Betcherew les explique par une lésion desructive du thalamus annulant le pouvoir de coordination et d'inhibition de ce ganglion; Brissaud admet une lésion irritative du thalamus ou des voies psycho-réflexes cortico-thalamiques, avec une section du faisceau facial volontaire ; en d'autres termes, une irritation du segment antérieur va avec une destruction plus ou moins complète du genou de la capsule interne.
 
Mingazzini a fourni la vérification anatomique de l'interprétation de Brissaud; il démontra de plus que le rire et le pleurer incoercibles, s'ils dépendent ordinairement de lésions intéressant le segment antérieur de la capsule et son genou, peuvent tenir aussi à des lésions purement corticales; Brissaud avait d'ailleurs entrevu cette possibilité et parlé de la genèse corticale du rire des idiots. Il convient ici de citer encore une étude anatomo-pathologique de Rummo, confirmant également les vues de Brissaud.
 
En somme, si j'en reviens à l'étude des tracés bien démonstratifs que j'ai obtenus chez des hémiplégiques, j'insisterai sur quelques faits dont la démonstration semble précise.
 
D'abord il n'existe certainement pas de bilatéralité fonctionnelle, vraie et complète de chaque hémisphère, pour les mouvements automatiques ou synergiques qui sont accomplis dans les deux côtés du corps à la fois. Ainsi les deux moitiés du thorax ne se dilatent pas également, ni dans la respiration tranquille et automatique, ni dans la toux, ni dans l'exagération volontaire de la respiration, ni dans les actes respiratoires accompagnant les fonctions dites psycho-réflexes (pleurer, rire, bâllements)
 
Cette différence consiste assez souvent dans une diminution de la motilité du côté hémiplégique, mais quelque fois aussi, de ce côté hémiplégique il y a un excès de la motilité pour les actes automatiques, synergiques ou psycho-réflexes, qui fait contraste avec l'amoindrissement de la motilité volontaire dans les muscles des membres.
 
C'est bien alors le côté paralysé, et surtout le thorax, qui se meut en excès, et non pas l'autre côté dont les mouvements automatiques sont affaibis, Dans les manifestations respiratoires des actes psycho-réflexes notamment (rire et pleurer spasmnodiques) il est clair que la lésion est excitatrice à l'égard de certaines déterminations motrices du côté opposé du corps.
 
Il s'agit donc d'un phénomène d'excitation que la lésion cérébrale exercerait, lors de la respiration tranquille, sur des centres respiratoires cérébraux ou sur les voies les reliant aux noyaux bulbaires; lors du pleurer, du rire, du bâillement, l'excitation porte sur le segment antérieur de la capsule interne, sur le thalamus. L'effet de l'excitation est unilatéral et croisé.
 
Mais au lieu d'excitation, cette exagération des mouvements automatiques du côté de l'hémiplégie peut dépendre d'une inhibition supprimée (lésion corticale).
 
L'exagération des mouvements respiratoires dans les accès de rire et de pleurer convulsifs, cela du côté paralysé, n'implique pas du méme côté une exagération des mouvements de la respiration tranquille. Un malade a présenté une diminution de l'amplitude des mouvements respiratoires automatiques du côté de l'hémiplégie, et de ce même côté des secousses respiratoires intenses, pendant les accès de rire, de pleurer, de bâillement. Les fibres se rendant aux noyaux bulbaires pour commander la respiration ordinaire auraient donc un trajet distinct de celles qui commandent la dilatation thoracique respiratoire accompagnant le rire, le pleurer, le bâillement convulsif.
 
Il y a tout lieu de penser que ces faisceaux pourront étre un jour individualisés et que cette connaissance fournira des éléments nouveaux au diagnostic du siège de certaines lésions cérébrales.