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mise à jour du
13 mars 2002
Arch Pédiatrie
1996;3;130-136
Le développement embryonnaire de la face
Le dysfonctionnement néonatal isolé du tronc cérébral
V Abadie, G Chéron, S Lyonnet, P Hubert, MP Morisseau-Durand, D Jan, Y Manac'h, G Couly
Départ pédiatrie, clinique chirurgicale infantile, s d'ORL et s chirurgie maxillo-faciale
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149. rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15

Chat-logomini

Les difficultés de succion-déglutition du nourrisson peuvent être secondaires à des causes variées, mécaniques, neuromusculaires ou cardiorespiratoires. Dans d'autres cas, elles apparaissent comme primitives, qu'elles soient dues à une atteinte du tronc cérébral et/ou du cortex intégrée à un ensemble malformatif, ou qu'il s'agisse d'un défaut isolé de maturation du tronc cérébral.
 
Le dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral (DNTC) se traduit par un ensemble de symptômes témoignant d'un défaut d'organisation embryonnaire de la succion-déglutition- ventilation. Il associe une dysoralité, une dysmotricité glosso-pharyngo-œsophagienne et laryngée, ainsi qu'une dysrégulation du rythme cardiaque.
 
La dysoralité est un trouble de la succion-déglutition qui se traduit par une succion absente ou trop lente, responsable d'ingesta insuffisants, de fausses routes ou de malaises au biberon. La dysmotricité glosso-pharyngo-laryngo-œsophagienne donne une symptomatologie de reflux gastro-œsophagien et pharyngonasal, associée à des signes d'obstruction ventilatoire plus marqués dans le sommeil et à l'effort. La dysrégulation du rythme cardiaque s'exprime par des bradycardies et des malaises ; elle s'objective par des signes d'hyperréactivité vagale au ROC Holter.
 
Le dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral a été initialement décrit chez les enfants atteints de séquence de Pierre-Robin. L'étude des malformations latérofaciales secondaires à un trouble du développement de la crête neurale rhombencéphalique a permis une meilleure compréhension de la relation entre anomalies anatomiques de la face et déficit fonctionnel du tronc cérébral. L'organisation métamérique du rhombencéphale explique pourquoi, à une malformation faciale localisée, peut s'associer une défaillance des nerfs crâniens issus des rhombomères correspondants (fig). Ainsi, la triade malformative faciale de la séquence de Pierre-Robin (rétrognathisme, glossoptose, fente vélopalatine postérieure médiane ogivale) serait la conséquence de la défaillance de la succion fœtale assurée par les structure neurologiques issues des rhombomères 6, 7 et 8. De fait, la gravité du Pierre-Robin ne tient pas à l'importance des malformations faciales mais à la sévérité de l'atteinte fonctionnelle du tronc cérébral, dont la prise en charge en a radicalement transformé le pronostic.
 rhombomeresuccion
Fig 1. Schéma des huit rhonihomères du tronc cérébral (RI, R8) au niveau desquels sont représentés les corps cellulaires d'origine des nerfs branchiaux (V : trijumeau : VII et VIII : facial et acoustique ; IX : glossopharyngien ' X : pneu niogastrique ; 111, IV et VI : nerfs somatiques de l'œil ; XII : nerfsoinatique de la langue). Les divers syndromes malformatifs latéraux de la face sont mentionnés en corrélation aux niveaux rhomboinériques des nerfs et les niveaux d'origine de la crête neurale migrant dans les arcs branchiaux. P : prosencéphale M : mésencéphale R : rhombencéphale ; BF : bourgeon frontal IA, 2A, 3A et 4A les quatre premiers arcs branchiaux. D'après Couly et al.
 
Mais l'atteinte fonctionnelle néonatale du tronc cérébral existe également chez des nourrissons qui n'ont ni syndrome de Pierre-Robin, ni fente vélopalatine, mais qui posent des problèmes du même ordre et justifient la dénomination de « para-Robin » parfois donnée à ces situations.
Beaucoup de ces enfants sont atteints de syndromes polymalformatifs mais la question qui se pose est de savoir si l'on peut ou non isoler un groupe homogène d'enfants atteints d'un dysfonctionnement du tronc cérébral sans malformation associée et quel en est le pronostic fonctionnel et neurologique. De l'analyse rétrospective d'une série de 48 enfants atteints de DNTC, dont 15 n'ont pas de malformations associées, nous espérons aboutir à une démarche mieux codifiée permettant d'améliorer la prise en charge de ces nourrissons et l'évaluation précoce de leur pronostic.
pierre robin
syndrome de Pierre Robin, en Echo 3D intra utérin, naissance et à 2 ans
DISCUSSION
Le DNTC existe chez des enfants nés sans fente vélo-palatine médiane de type « Robin ». Ce diagnostic repose sur un interrogatoire et un examen clinique orientés associés à trois examens complémentaires simples : manométrie œsophagienne, laryngosopie dynamique et ROC-holter.
 
Le DNTC s'associe le plus souvent à un ensemble malformatif complexe touchant principalement le système nerveux central et les organes issus de la crête neurale céphalique mais pouvant être plus polytopique sur le plan embryonnaire. Ces syndromes sont cliniquement et génétiquement hétérogènes et souvent de pronostic médiocre. Dans ces syndromes malformatifs, le DNTC est sévère et d'amélioration tardive (> 24 mois), ce d'autant que le développement psychomoteur est altéré.
 
Le DNTC s'observe aussi chez des enfants sans malformation ni fente vélopalatine, constituant alors une entité clinique apparemment homogène. Il s'agit d'enfants dans la famille desquels on retrouve parfois un antécédent de difficulté «d'élevage» mais qui n'ont pas histoire anté- ou périnatale notable. L'atteinte embryonnaire semble précoce car ces nourrissons ont une morphologie de visage témoignant d'une pauvreté de la succion fœtale : mandibule peu développée, langue en position verticalisée telle qu'elle est chez l'embryon au moment où la succion se met en place et conduisant à un palais profond ogival.
 
Ce morphotype est une déformation fonctionnelle et non une malformation faciale proprement dite. Il n'y a pas de proportionnalité évidente entre la dysmorphie et la sévérité du trouble fonctionnel. Il n'y a habituellement pas d'incident reconnaissable susceptible d'expliquer le défaut d'embryogenése survenu chez ces enfants, hormis une grossesse menée sous benzodiazépines, non reconnues à ce jour par les centres de pharmacovigilance pour provoquer ce type de troubles.
Si dans cette série, les nourrissons ont été inclus à partir du trouble de la succion-déglutition, il est certain qu'un DNTC doit être évoqué chez un nourrisson exploré pour malaise, stridor, pneumopathie de déglutilion ou troubles du comportement alimentaire. Le tableau clinique peut n'être patent qu'au bout de quelques semaines de vie, après une sorte de «lune de miel».
L'immaturité du vague et du glossopharyngien est objectivée par la manométrie oesophagienne qui montre des anomalies spécifiques, par le holter avec recherche du réflexe oculocardiaque qui montre une fréquente hyperréactivité vagale, et par la laryngoscopie qui met en évidence un trouble dynamique de la base de la langue, du pharynx ou du larynx. Les autres explorations œsophagiennes (TOGD, pHmétrie, fibrescopie) ne sont pas utiles au diagnostic positif mais peuvent aider à évaluer l'intensité et les conséquences du reflux gastro-œsophagien constamment présent chez ces enfants.
 
La polygraphie de sommeil a un intérêt majeur dans l'analyse de l'obstruction ventilatoire et l'évaluation de son retentissement sur l'hématose. L'électromyogramme de déglutition par enregistrenient de surface pourrait avoir un intérêt dans l'analyse du mécanisme du déficit. Les résultats des potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral peuvent être intéressants (allongement de l'intervalle entre les ondes 1 et 5 mais leur interprétation est difficile dans cette tranche d'âge et la sédation nécessaire à leur réalisation fait risquer une décompensation respiratoire.
 
Les nouveau-nés et nourrissons atteints de dysfonctionnement néonatal isolé du tronc cérébral doivent être identifiés pour trois raisons principales. Il s'agit tout d'abord d'enfants à risque de complications nutritionelles et respiratoires, à risque de malaises, voire de mort subite. Il a en effet été montré par l'équipe du centre de référence sur la mort subite de Port-Royal que les enfants explorés pour «near miss» avaient un reflux gastro-œsophagien et/ou une hyperréactivité vagale, dans une proportion plus importante que la population générale. Par ailleurs, une étude réalisée en Nouvelle-Zélande a montré l'association entre une faible utilisation de la «sucette» et le risque de mort subite, sans que l'on puisse conclure à l'effet protecteur de la « sucette » ou au fait que les nourrissons à risque ont une médiocre succion.
 
La seconde raison est que des difficultés de succion-déglutition néonatales, quand elles ne sont pas majeures, peuvent être considérées à tort par les mères ou par les médecins comme des troubles comportementaux d'origine psychogène, responsables alors d'un sentiment maternel de culpabilité susceptible d'aboutir à des perturbations réelles de la relation mère-enfant. Il est essentiel de pouvoir expliquer le caractère organique de ces troubles, d'en connaître l'évolution favorable et de les prendre en charge convenablement.
 
La troisième raison est que quelques-uns de ces enfants peuvent avoir des difficultés de développement psychomoteur. Le diagnostic de DNTC doit donc conduire à une évaluation neurologique fine et inciter à une certaine prudence pronostique. Le trismus néonatal doit être connu comme un signe de mauvais pronostic comme nous l'avions montré dans une étude antérieure. Pour les autres, il faut se donner quelques mois avant d'être totalement rassuré et rassurant. Deux des enfants de notre série évoluèrent vers un autisme infantile. Ce chiffre est trop important pour ne pas nous alerter.
La similitude entre ces enfants atteints de DNTC sans fente vélopalatine et les enfants atteints de syndrome de Pierre-Robin est frappante et explique la dénommation de « para-Robin » employée par les premiers auteurs et encore utilisée dans le langage courant. Les enfants atteints de syndrome de Pierre-Robin pur, c'est à-dire sans malformation associée ont une symptomatologie fonctionnelle et une évolution semblables à celle des nourrissons atteints de DNTC isolé, l'existence d'une fente vélopalatine permettant de les reconnaître plus facilement à la naissance.
 
De même, une séquence de Pierre-Robin peut s'intégrer à un cortège polymalformatif de pronostic plus réservé et dépendant de l'ensemble malformatif en cause. On parle alors de séquence de Pierre-Robin, le terme de syndrome ne devant être réservé qu'aux formes pures. Nous ignorons les raisons de l'existence ou non d'une fente palatine chez des enfants par ailleurs assez semblables. S'agit-t-il d'un accident embryonnaire du développement de la crête neurale de moindre gravité ou survenant un peu plus tard dans l'embryogenèse, une fois le palais secondaire fermé ? Nous ne connaissons pas les mécanismes maturatifs qui permettent à ces DNTC de s'améliorer, mais en ce qui concerne l'alimentation, un relais cortical prend physiologiquement le contrôle de la praxie orale au cours du 2e semestre de vie et permet le passage à l'alimentation volontaire à la cuillère. Ce relais s'effectue mal chez les enfants retardés, ce qui explique la pérennisation des troubles.
Les données de la littérature concernant ces questions sont assez imprécises, bien que les premiers travaux essayant de classifier les causes des troubles de succion-déglutition du nourrisson soient anciens. Certains auteurs ont parlé de «syndrome de retard de maturation de la succion-déglutition» pour décrire des nourrissons ayant des points communs avec ceux que nous rapportons; d'autres auteurs se sont interrogés sur les raisons des difficultés d'alimentation rencontrées chez certains enfants atteints de reflux gastro-oesophagiens sans œsophagite patente.
 
Seul un effort de classification phénotypique de ces nourrissons atteints de dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral, avec ou sans fente, avec ou sans malformation nous permettra de progresser, d'en comprendre les mécanismes et d'en faire l'analyse génétique. Isolé, le DNTC est une entité mal connue, homogène, prohablement fréquente chez des nourrissons explorés pour des signes aussi banals que des difficultés alimentaires, des rejets, des malaises, des obstructions des voies aériennes supérieures mais dont l'association doit évoquer un trouble fonctionnel global et justifier une analyse fine afin de pouvoir conclure le plus souvent à un pronostic favorable, même si la gravité initiale des troubles peut conduire à des thérapeutiques agressives.
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