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  Biographies de neurologues
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
 
 
 
 Nécrologie de Gilles de la Tourette dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière 1904
 
 
 
 
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mise à jour
18 mars 2004
Plon-Nourry 1905
gd in-8 broché 53 p
pdf de ce texte
G.É. Gilles de la Tourette par Paul Legendre
(1857 -1904)
La maladie de Gilles de la Tourette
 La maladie des tics convulsifs
 Contribution à l'étude des bâillements hystériques Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière 1890
Nécrologie de Gilles de la Tourette dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière 1904
Attentat contre Gilles de la Tourette 07/12/1893

Chat-logomini

autographe
Georges Gilles de la Tourette est né le 30 octobre 1857, à Saint-Gervais, arrondissement de Châtellerault. Il appartenait à une vieille famille du Poitou, dont les membres étaient médecins de père en fils. On pourrait croire qu'il était de Loudun, car il rappelle dans un de ses livres qu'il est compatriote de Théophraste Renaudot; en tout cas une partie de sa famille y a vécu : dans ses papiers se trouvait un acte de vente à un Gilles de la Tourette d'un « logis joignant à la maison de M. Théophraste Renaudot, docteur en médecine ». Gilles passa souvent ses vacances à Loudun et plusieurs de ses écrits sont datés de cette petite ville, dont l'influence n'a pu être étrangère à ses recherches sur Renaudot et les diableries de sœur Jeanne des Anges.[...]
 
Le jeune Gilles fut élevé au collège de Châtelleraullt. Il parait qu'il y fut un élève très indiscipliné, mais son intelligence si vive qu'il fut toujours le premier de sa classe. Ses succès ne l'empêchaient pas de s'ennuyer mortellement dans ce collège de petite ville où il était pensionnaire et il ne vit pas de meilleur moyen d'abréger sa peine que de faire deux classes dans la même année. C'est ainsi qu'il put commencer ses études médicales à seize ans. Sa mère, le trouvant trop jeune pour le laisser courir les risques du Quartier Latin à Paris, l'installa à Poitiers, où il resta environ quatre ans. A cette époque où les étudiants manquaient absolument de direction dans leurs études à Paris, c'était une excellente condition de débuter dans une école de province. Le danger pour Gilles, s'il fût venu à Paris trop jeune, n'eût pas été, je pense, l'abandon aux faciles plaisirs des brasseries du boulevard Saint-Michel; c'était un curieux et un laborieux; mais sa curiosité même eût été pour lui un danger. Avec les goûts qu'il avait pour l'histoire et la littérature, il eût pu être tenté de déserter les cours de la Faculté et les salles des hôpitaux pour les cours de la Sorbonne et du Collège de France; il se fût peut-être glissé dans les rédactions des journaux littéraires et politiques pour devenir exclusivement publiciste, au lieu de ne trouver dans le journalisme qu'un délassement de sa carrière médicale.
 
Mais, quand il vint ici, il avait déjà franchi les premières et parfois rebutantes étapes de la scolarité médicale. Il concourut aussitôt que possible pour l'internat et fut d'abord provisoire en 1881. Je l'ai connu à cette époque en salle de garde. Cétait alors un garçon jovial et exubérant, ayant le verbe haut et la parole facile; la voix malheureusement était rude et un peu enrouée. Très ardent, mais peu patient, il n'était pas homme à laisser ses contradicteurs épuiser peu à peu leurs arguments pour reprendre ceux-ci les uns après les autres et les réfuter; il s'emballait à la première contradiction; le nombre même de ses adversaires n'était pas pour le modérer et on entendait au milieu des plus bruyantes discussions les rauques éclats de son larynx surmené. Plus tard la pratique des concours et des conférences publiques lui fit acquérir plus de sang-froid et de calme, il sut mieux gouverner sa parole, et sa fougue de jeunesse resta seulement l'ardeur communicative qui rend l'enseignement fructueux.
 
Tout en continuant à s'entraîner pour le concours, Gilles ne négligea pas de recueillir les matériaux scientifiques que son service lui offrait, puisque de cette année datent ses premières présentations à la Société Anatomique, dont plusieurs sont relatives à des lésions du système nerveux.
 
En 1882, il commençait sa première année d'internat titulaire et nous le voyons aborder la Société de Biologie avec une note sur les injections sous-cutanées d'iodure de potassium.
 
En 1884, il est interne à la Salpêtrière dans le service du professeur Charcot et de ce jour sa vocation est, fixée; il aura d'autres maîtres, comme Damaschino, Brouardel et Alfred Fournier, pour lesquels il témoignera en toute occasion sa reconnaissance dans les termes les plus chaleureux, mais Charcot sera vraiment son dieu. Dès le jour où il fut attaché à celui-ci, il prit soin de recueillir jour par jour ce que le maître disait ou laissait seulement entrevoir; Charcot lui-même rendit témoignage de ce travail patient d'historiographe de la pensée d'un chef pendant huit ans, lorsqu'il écrivit dans la préface du Traité de l'hystérie : « En lisant, avant l'imprimeur, l'ouvrage de M. Gilles de la Tourette, j'ai été plusieurs fois surpris d'y trouver desidées qui m'étaient absolument personnelles, que je croyais n'avoir jamais émises, qui, en tout cas, étaient restées inédites. »
 
A l'époque où Gilles arriva à la Salpétrière, Charcot avait abordé de la grande hystérie et de l'hypnotisme, son service était un foyer de travail ardent et passionnant: les leçons du maître, auxquelles la presse faisait un incessant écho, à cause du caractère « sensationnel » des sujets traités, attiraient un public aussi complexe que nombreux, artistes et littérateurs affluaient. C'est alors que Jules Claretie, familier de la Salpêtrière, écrivait les Amours d'un interne, idéalisant sans la rendre plus belle l'histoire d'une surveillante de la Maison.
 
Dans ce milieu Gilles prit feu pour la neuropathologie et vécut dans un permanent enthousiasme. L'étude de l'hystérie et de l'hypnotisme non seulement dans le présent, mais dans le passé, le fixa de façon définitive.
 
En même temps le goût des recherches historiques lui vint et il conçut l'idée d'écrire une biographie complète de Théophraste Renaudot. Gilles nous dit qu'il a puisé « dans ses papiers de famille et dans des manuscrits précieux des documents de nature à jeter un jour tout particulier sur cette personnalité à peine ébauchée ». [...]
 
C'est sous la double influence de Charcot et de Brouardel qu'a été écrit l'hypnotisme et les états analogues, dont la première édition parut en 1887 et qui fut réédité en 1889.
 
Une première partie fait revivre toute l'histoire si curieuse du magnétisme animal, du braidisme et de l'hypnotisme jusqu'à l'époque contemporaine. Dans la seconde partie Gilles qui, pendant son internat chez Charcot, avait collaboré avec P. Richer à une étude sur les caractères cliniques des paralysies psychiques expérimentales (Soc. de biologie 1884) et avait communiqué à la Société de médecine légale, en 1886, une note sur le viol dans l'hypnotisme et les états analogues, s'est efforcé plus particulièrement de bien mettre au point les problèmes médico-légaux soulevés par cette question. La vulgarisation des recherches médicales sur l'hypnotisme causait de réels dangers pour la santé intellectuelle et morale des contemporains, ainsi que l'a montré M. Brouardel dans une vivante préface.
 
A l'Institut, l'Académie des sciences morales et politiques eut aussi à s'occuper de cette question de l'hypnotisme, il y a quelques années. Les philosophes se trouvaient en présence, de faits mal connus, troublants et interprétés de façons très diverses. On signala à l'éminent philosophe Paul Janet les travaux de Gilles de la Tourette, et c'est après avoir longuement conversé avec lui, après s'être fait mettre au courant par Gilles que M. Paul Janet se décida à donner son avis sur ces nouveaux problèmes.
 
Pendant trois ans, Gilles avait « fréquenté assidument, les sociétés du magnétisme et de spiritisme, consulté les somnambules les plus lucides, aidé dans cette tâche par des amis dévoués; il n'avait ménagé ni le temps ni l'argent pour recueillir des documents propres à faire la lumière sur tous ces tripotages qui s'exercent dans l'ombre ». Grâce à ces curieux matériaux, son chapitre sur l'exploitation du magnétisme est aussi inquiétant qu'amusant. Gilles montre ensuite l'embarras que doivent éprouver les magistrats et les experts dans les innombrables espèces que soulèvent les questions de sommeil provoqué, d'inconscience, de suggestion, quand elles sont portées devant les tribunaux; il y établit combien il était difficile d'imaginer le concours des circonstances multiples grâce auxquelles un coupable pourrait utiliser l'impressionnabilité hypnotique de sa victime. Mais il a réussi à faire la part de ce qui est prouvé, de ce qui est, possible, de ce qui ne l'est pas. C'est en s'appuyant sur les données scientifiques mise en lumière par Charcot qu'il fournit aux experts les moyens d'écarter la simulation. Néanmoins « toute la partie médicolégale de l'étude de l'hypnotisme et des états analogues appartient en propre à Gilles de la Tourette ». Cette appréciation, émanée d'un juge aussi compétent que M. Brouardel, est le plus bel éloge que nous en puissions faire.
 
M. Brouardel aimait beaucoup cet élève si bien doué et si ardent au travail, ayant des aptitudes à la fois médicales et littéraires; en 1885, il le nomma préparateur de son cours de médecine légale. Il avait collaboré avec lui pour une étude médico-légale rétrospecitive sur la mort de Charles IX, où il est établi que ce dangereux mélancolique n'était pas mort empoisonné, mais succomba à la tuberculose pulmonaire.
 
En 1885, Gilles publiait dans les Archives de neurologie une étude sur une affection nerveuse caractérisée par de l'incoordination motrice accompagnée d'écholalie et de coprolalie; c'était l'analyse des curieuses observations publiées sous le nom de Jumping, Latah, myriachit, maladie des sauteurs du Maine, etc., variétés diverses de la maladie des tics convulsifs confondues alors dans le groupe des chorées.
 
C'est en 1886, que parut sa thèse de doctorat consacrée à l'étude de la marche dans les maladies du système nerveux. Il avait appliqué la méthode des empreintes, telle qu'elle lui avait été enseignée par Neugebauer (de Varsovie), son inventeur. Ce travail obtint le prix Godard, en 1887, à la Société de Biologie.
 
En 1887, Gilles devenait chef de Clinique de Charcot. Préparer les leçons d'un professeur comme celui de la Salpètrière, concilier à la fois l'obéissance et l'initiative, veiller à tous les détails d'un immense service était une tâche délicate et fatigante. Mais Gilles trouva dans ce poste, tous les moyens de travail et consolida des amitiés excellentes. En 1888, il contribua avec P. Richer, le savant artiste, et avec Londe, à la fondation de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.
 
C'est aussi l'époque de son mariage, qui lui donna le plus complet bonheur domestique.
 
Le clinicat est une fonction recherchée; il n'est pas sans inconvénients, quand il s'agit surtout d'un clinicat spécial du point de vue du concours des hôpitaux, que Gilles dut affronter plusieurs fois avant de réussir. Les qualités qu'il avait ne sont pas celles qui aident à arriver vite; il laissait assez volontiers de côté les questions qui ne l'intéressaient pas et, absorbé par l'étude des maladies nerveuses, il devait nécessairement avoir quelques lacunes dans les autres parties de la pathologie et une insuffisante habitude de certains cas cliniques; comme il avait d'ailleurs conquis peu de sympathies en dehors de ses maîtres directs dont il épousait avec ardeur les sympathies et les répulsions, il était destiné à marquer le pas jusqu'en 1893. Ce stage lui fut utile, il l'obligea à perfectionner sa forme, à assouplir sa parole.
 
L'année 1893, qui lui apportait à la fois le titre de médecin des hôpitaux et le ruban de la Légion d'honneur, devait s'achever pour lui bien cruellement. Il subit un accident qui devrait faire réfléchir les publicistes, toujours portés à croire que les asiles d'aliénés s'ouvrent trop facilement et gardent indûment leurs pensionnaires. Une jeune femme délirante persécutée, internée deux fois pour menaces de mort et mise deux fois en liberté, vint le trouver, sans doute à cause du bruit fait par son livre sur l'hypnotisme, et, prétextant qu'elle avait été hypnotisée par lui à distance, lui tira, dans son cabinet, trois balles de revolver, dont une le blessa grièvement à la tête. Gilles guérissait de sa blessure, mais n'était pas quitte d'ennuis avec cette malade. Internée pour la troisième fois, elle avait assommé à moitié, d'un coup de fourchette, une infirmière. Après l'avoir gardée, quelque temps à Sainte-Anne, on l'avait dirigée sur Villejuif, d'où, la place étant restreinte, on l'avait conduite dans un petit asile, de la Charente. Elle ne tarda pas à s'évader. La préfecture de police, qui sait combien l'aliénée est dangereuse, délègue un de ses agents chez notre collègue pour l'avertir et l'engager à prendre ses précautions. Elle lui offre même de mettre en permanence un agent de la Sûreté à ses consultations, moyen très efficace, on en conviendra, pour attirer la clientèle! Gilles préférera faire faire des recherches particulières et découvrit enfin la retraite, de sa persécutrice au moment où elle allait regagner Paris dans le but avoué de renouveler son crime sur le médecin qu'elle n'avait vu qu'une fois, le jour de la tentative d'assassinat.
 
Cette même année, Gilles avait la douleur de perdre un enfant charmant, déjà grand, et ce choc moral, succédant à la blessure et aux inquiétudes dont nous avons parlé a certainement influencé l'équilibre, de ses fonctions nerveuses. Pour s'étourdir, ce laborieux ne trouva pas mieux que de travailler avec encore plus d'acharnement, ne laissant passer aucune occasion de se créer des besognes nouvelles; c'est peut-être là qu'il faut voir l'explication de cette ambition qu'on lui a tant reprochée. Il multiplia ses travaux, dont la plupart en vue de la préparation d'un traité complet de l'hystérie.
 
Les recherches sur les troubles de la nutrition dans les maladies nerveuses ne peuvent guère être entreprises sans le concours d'un chimiste. En collaboration avec M. H. Cathelineau, interne en pharmacie, Gilles étudia d'après l'examen des urines la nutrition dans la fièvre du goître exophtalmique, dans l'hypnotisme, dans l'attaque de sommeil hystérique, dans les paroxysmes convulsifs de l'épilepsie et de l'hystérie. Il aboutit à ces conclusions que chez l'hystérique, en dehors des manifestations pathologiques autres que les stigmates permanents, la nutrition s'effectue normalement; au contraire dans tous les paroxysmes hystériques, quels qu'ils soient, convulsion, toux, bâillement, chorée rythmée, il existerait une formule chimique caractéristique, chute du taux du résidu fixe, de l'urée, des chlorures, des sulfates et surtout de l'acide phosphorique avec inversion de la formule des phosphates, la proportion des phosphates alcalins par rapport aux terreux, au lieu d'être comme 1 : 3 tendant à devenir comme 1 : 2 ou même 1 : 1. Cette formule débutant avec le paroxysme permettait dans les paroxysmes de longue durée de prévoir leur terminaison trente huit ou quarante-huit heures à l'avance parce que le retour de l'excrétion urinaire à l'état normal précède toute autre modification de l'état chimique. L'excrétion de l'urée et des phosphates étant augmentée dans l'accès d'épilepsie, suivant Lépine et Mairet, la formule de Gilles de la Tourette permettrait d'n distinguer certaines attaques d'hystérie à forme d"épilepsie partielle, de distinguer chez un même sujet la coexistence ou l'alternance d'attaques d'épilepsie et de paroxysmes hystériques, de renseigner le chirurgien dans certains cas douteux où un est tenté d'appliquer le trépan contre l'épilepsie partielle vraie.
 
L'étude du sang dans l'hystérie avait conduit Gilles à conclure que chez les hystériques normaux la même solution de continuité du tégument cutané que celle faite à un individu sain ne donne issue qu'à une quantité de sang d'un tiers environ inférieure, et qu'en dehors des cas d'anémie et de chlorose la quantité d'hémoglobine, d'urée et la glycose sont normales. Ces recherches ont obtenu le prix Lallemand en 1891.
 
Au cours de ses études sur l'hystérie, Gilles de la Tourette se préoccupa plus particulièrenient des troubles vaso-moteurs et des troubles trophiques, qui devaient l'intéresser d'autant plus qu'ils donnent l'explication des stigmates, auxquels l'historien doit apporter une attention spéciale. Il a cherché à démontrer que l'ulcère rond de l'estomac des jeunes filles, attribué par beaucoup d'auteurs à la chlorose, est une des manifestations vaso-motrices de l'hystérie au même titre que l'autographisme et l'oedème bleu ; l'hémorragie, conséquence du trouble vaso-moteur, détruit une portion de l'épithélium gastrique; le derme de la muqueuse n'étant plus protégé contre l'action du suc gastrique, celui-ci produit par auto-digestion l'ulcère dont on voit se dérouler peu à peu la complète symptomatologie. A l'appui de son opinion, il relève la coexistence et l'antériorité des stigmates hystériques chez plusieurs malades atteintes d'ulcère rond qu'il avait suivies et chez lesquelles l'hématémèse avait été la première manifestation gastrique. Il invoque surtout une statistique qu'il eut l'idée de faire dans les hôpitaux de Paris et qui, en tout état decause, présente un intérêt réel.
 
Poursuivant avec une rigueur, qui fut généralement trouvée excessive, sa conseption des conséquences hémorragiques de la tendance des hystériques aux troubles vaso-moteurs, il apportat un jour à notre Société un fait d'hémorragie cérébrale, qu'il imputait à l'hystérie.
 
Enfin, il a proposé de réunir sous le nom de diathèse vaso-motrice l'ensemble des perturbations circulatoires d'origine nerveuse qui sont si fréquentes dans cette névrose. Mais cette dénomination me paraît aussi peu acceptable que celle de « diathèse de contractures » proposée antérieurement aussi par l'Ecole de la Salpêtrière sous peine de revenir à la confusion à laquelle a donné lieu, au cours de siècles passés, l'emploi du terme diathèse dans tant de sens différents.
Gilles a réuni l'ensemble de ses recherches sur l'Hystérie et les travaux antérieurs dans grand ouvrage qui parut de 1891 à 1894 trois volumes, sous le titre : Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie d'après l'enseignement de la Salpêtrière.
Son maitre Charcot dit en effet dans la préface que cet ouvrage, « qui représente un effort considérable longtemps prolongé au milieu des difficultés de toutes sortes » a été fait sous son immédiate direction et reproduit aussi fidèlement que possible son enseignement et les travaux qu'il a inspirés à ses élèves. Toutefois, Charcot ajoute : « Si mon enseignement tient la plus grande place dans le livre, il n'en est pas moins vrai que M. Gilles de la Tourette l'a entouré des discussions qu'il a pu faire naître des travaux qui, à l'étranger comme en France, ont contribué singulièrement à élargir le cadre de l'hystérie. Chez lui le vulgarisateur n'exclut pas l'observateur original, non plus que le critique qui a su puiser ses éléments d'appréciation aux meilleures sources. C'est, si je ne me trompe, un travail complet qu'il nous présente, résumant parfaitement, en tout cas, l'état actuel de la science, avec une conscience scrupuleuse à laquelle il nous avait habitués dans ses autres travaux. »
 
Gilles s'est beaucoup occupé de l'épilepsie. Il a résumé les opinions de Charcot et les siennes dans un petit volume, Le traitement pratique de l'épilepsie (les Actualités médicales, 1900). La partie originale de ce travail, c'est l'indication de ce qu'il appelle « le signe de la pupille» permettant de fixer la dose suffisante de bromure. Lorsque la dose du médicament reste faible par rapport à la tolérance du sujet, les pupilles sont en dilatation moyenne, c'est-à-dire habituelles; elles réagissent comme à l'ordinaire à la lumière et à l'accommodation. Si l'on porte plus haut la dose, il arrive un moment où l'on voit les pupilles se dilater et les réactions lumineuse et accommodative devenir paresseuses.
 
A un degré au-dessus les pupilles ne réagissent plus ni à la lumière ni à l'accommodation. C'est au moment où s'établit la lenteur des réactions que surviennent les phénomènes généraux légers de dépression physique et mentale qui indiquent l'imprégnation et non encore l'intoxication. Ce qu'il faut obtenir, c'est la réaction lente des pupilles avec dilatation permanente.
 
On a encore de Gilles un opuscule sur les états neurasthéniques. [...]
 
Gilles de la Tourette avait été nommé à en 1891 dans la section de médecine et de médecine légale. Il avait certainement plusieurs des qualités qu'on doit exiger d'un futur professeur. L'ardeur des convictions, le désir de les faire partager, l'activité infatigable; et ce n'est pas un mince éloge, que celui qui lui est décerné par un de ses anciens élèves, notre collègue aujourd'hui, dont je provoquais l'appréciation. « C'était un convaincu dans toute la force du terme, autant en médecine, où sa conviction entrainait ses élèves qui devenaient ainsi vraiment des disciples, que dans toutes ses autres actions. C'était avant tout un actif : oser, agir, surmonter l'instinctive paresse qui nous arrête au moment d'exprimer nos idées, ce n'est déjà pas si banal, et, comme, cette faculté d'action, il la répandait autour de lui et la faisait passer en quelque sorte dans l'âme de ses élèves! Je lui en garde une profonde reconnaissance. Combien de maîtres et des plus illustres laissent se dessécher improductifs les germes timides qui sont en chacun de nous! »
 
Cette activité, ce désir de créer, trouvèrent leur emploi dans la tâche d'organiser le service médical de l'Exposition universelle de 1900. La nomination d'un médecin de quarante ans à un poste si recherché, qui consacre et augmente la notoriété de son titulaire, en lui assurant, avec des avantages matériels et moraux, tels que l'occasion d'être agréable et utile à bon nombre de confrères et d'élèves, de hautes distinctions honorifiques, devait lui valoir aussi de grandes fatigues et lui susciter beaucoup d'ennemis et d'envieux. Cette dernière considération n'était pas pour le préoccuper; car, ayant gardé toujours la même reconnaissance persistante à tous ceux qui lui avaient été serviables, il aimait à rendre service à son tour; il répétait souvent qu'on se doit corps et âme et toujours à ceux qu'on aime; il ajoutait d'ailleurs qu'il faut combattre avec autant d'ardeur ceux qui nous sont hostiles et que c'est un plaisir de les terrasser. Une pareille combativité explique qu'il se soit attiré des inimitiés irréconciliables et que telle plume implacable se soit acharnée sur sa mémoire.
 
Quand il fut nommé, on lui reprochait d'être médecin et non chirurgien. Il parait pourtant que les statistiques très rigoureusement tenues démontrent que les obligations médicales dépassent en pareil cas de beaucoup les éventualités chirurgicales ; quoi qu'il en soit, Gilles s'est révèlé un organisateur habile et triompha des difficultés que créait l'immense étendue de l'Exposition. Au point du vue chirurgical, les postes de secours étaient bien disposés, leur installation matérielle, instruments, appareils de stérilisation était d'autant plus irréprochables que Gilles s'était adjoint un chirurgien des hôpitaux, Louis Beurnier.
 
Le mécanisme des divers échelons, l'ordre parfait qui a régné partout, les soins assidus que Gilles n'a cessé de consacrer pendant plusieurs années à cette oeuvre absorbante ont montré qu'on n'avait pas fait un mauvais choix en le désignant. Le commissaire géneral. M. Alfred Picard, lui témoigna de la façon la plus flatteuse sa satisfaction et son amitié, et, comme c'est un bon juge, qui a pu faire des comparaisons, ce témoignage dut lui paraitre précieux, plus précieux même que la rosette, qui remplaça son ruban rouge à un âge où cette transformation est insolite dans le corps médical civil et même militaire, plus flatteur encore que les autres ordres étrangers qui l'eussent encadrée sur son habit ou sur sa toge dans les cérémonies officielles.
 
Le malheur pour les siens, c'est que les fatigues de ce service médical s'ajoutant au surmenage des années antérieures, aux chagrins et aux émotions, au traumatisme cranien dont j'ai parlé, ébranlèrent irrémédiablement l'équilibre de son système nerveux; dès lors se manifestèrent les symptômes avant-coureurs de la destruction lente et progressive d'une intelligence si active, d'une volonté si tenace et d'une personnalité en somme si hautement caractérisée.
 
Dr P. LE GENDRE.
 
consultation charcot
La consultation par F. Desmoulin
musée de l'assistance publique à Paris
Millard, Charcot, Gilles de la Tourette, Brouardel, Larat, Potain, Doléris, Guyon.
 
CONCOURS, TITRES, CREATION
1879. Externe.
1881. Interne provisoire.
1882. Interne titulaire.
1883. Professeur d'hygiène à l'École municipale des infirmières de la Pitié.
1885. Préparateur du cours de médecine légale.
1886. Docteur en médecine.
1887. Médecin de la Bibliothèque Mazarine.
1888. Chef de clinique des maladies du système nerveux.
1893. Médecin des hôpitaux.
1893. Professeur agrégé à la Faculté de médecine.
1896. Médecin en chef de l'Exposition universelle de 1900.
1884. Mention honorable de l'Académie française.
1888. Mention honorable de l'Académie des sciences.
1887. Prix Godard. - Société de biologie.
1888. Prix Châteauvillard. - Faculté de médecine.
1891. Prix Lallemand. - Académie des sciences.
1896. Prix Herpin. - Académie de médecine.
1890. Membre de la Société de médecine légale.
1891. Officier d'Académie.
1893. Chevalier de la Légion d'honneur.
1900. Officier de la Légion d'honneur.
1888. Fondateur, avec MM. Paul Richer et A. Londe, de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, sous la direction de M. le professeur Charcot.
 
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