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trautmann
Voir l'introduction de cette thèse
CHAPITRE III  
 
Rapports du bâillement avec certains états pathologiques
 
 avec les fièvres et la syphilis
avec l'épilepsie
avec les accouchements
Avec l'hystérie
bibliographie de la thèse
 
 
Nouvelle iconographie de La Salpêtière 1890
L'atelier photographique de La Salpêtrière 1888
 
 
Bâillements chez un épileptique Charles Féré(1852 -1907) Nouvelle iconographie de La Salpêtrière 1888(vol 1, n°4, p163-169)
 
Illustrations de la thèse de Wolter Seuntjens
 
Biographie d'André Trautmann
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mise à jour du 22 juin 2002
 
 
Avant 1888, il avait rarement été fait mention dans la science des rapports que le bâillement pouvait affecter avec l'hystérie. Les connexions qui les unissent ont bien déjà été relatées, à des époques différentes, par quelques auteurs, mais aucun travail sérieux n'avait encore paru à ce sujet lorsque Charcot (leçons du mardi de La Salpétriêre) remet au jour une observation datant de 1846 signée Coursserant, parue le 10 octobre dans la Gazette des Hôpitaux; il publie lui-méme une série de cinq observations d'hystériques ayant présenté des crises de bâillements. Cependant, dans l'histoire de la médecine, nous avons pu recueillir plusieurs autres observations très intéressantes. Le mot hystérie, il est vrai, n'y est point prononcé, par les auteurs; nous ne nous en étonnerons point, si nous considérons l'époque à laquelle ils ont écrit. Du reste, de la plupart de ces observations, le stigmate hystérie se dégage, plus ou moins nettement. Nous ferons les citations dans leur ordre chronologique et résumerons en dernier lieu les observations de Coursserant et de Charcot.
Observation I (Hœchstteteri rari obs. med)
Une jeune fille de quatorze ans n'avait pas encore été réglée, et, tous les jours, à quatre heures de l'après-midi, elle éprouvait des bâillernents très fréquents, très pénibles, et suivis de divers accidents morbifiques. Nous ne relevons à la vérité rien de certain au point de vue hystérique; il nous a été impossible de trouver quels étaient ces divers accidents morbifiques dont parle l'auteur. Cependant, il s'agit de véritables crises de bâillements, crises périodiques et apparaissant seulement le jour; ces deux points méritent de fixer notre attention.
Observation II (Riedlini lineae mediae, anni 1695, mensis novemb)
Une demoiselle de vingt-deux ans, à la suite d'un retard de règles, devint athsmatique, au point qu'on désespérait de sa vie. La respiration reprit son état naturel, et la malade fut atteinte de bâillements si considérables, que la mâchoire inférieure en fut plusieurs fois luxée. Les antispasmodiques remédièrent à cet accident, mais la malade ayant bu un peu de vin, il lui survint un rire convulsif qui cessa en mêm temps que l'excitation que le vin avait apportée. Il est légitime de penser que le rire précédent constitue une attaque convulsive de rire hystérique. La malade qualifiée d'athsmatique n'a-t-elle pu faire des accidents hystériques pulmonaires toujours très alarmants, ce qui justifierait les craintes qu'ont inspirées ces accidents respiratoires? D'ailleurs, ils ont disparu complètement et ont été remplacés par des crises dc, bâillements. Ne s'agit-il pas là d'une hystérique ayant eu tour à tour des convulsins de fou rire, de dyspnée et de bâillements ?
Observation III (Journal de Leroux et Corvisart, 1804.)
Ce journal rapporte le cas d'une jeune fille chez laquelle le bâillement se renouvelait au point de ne laisser à la malade aucun instant de rémission. Ici, l'intensité, l'absence de rémission des bâillements rapprocheront seules les bâillements précédents des bâillements hystériques.
Observation IV (Bellenand, Journal de médecine1812)
Une jeune fille éprouvait depuis près d'un an un goût extraordinaire pour le pain et en faisait pour ainsi dire son unique aliment, lorsqu'elle fut attaquée d'un bâillement si fréquent qu'elle semblait ne fermer la bouche que pour la rouvrir immédiatement après. Une tisane et une potion antispasmodique ne produisirent aucun effet; un laxatif diminua la force et la fréquence des bâillemnts et ils disparurent presque entièrement à la suite d'un vomitif, que l'état de la semblait d'ailleurs indiquer; mais ils revinrent peu de jours après au même degré; on réitera alors le vomitif; la secousse fut plus forte que la première fois et la jeune malade guérit sans récidive. Il serait aussi légitime de penser ici à des bâillementsd'origine hystérique. Cependant la guérison à deux reprises consécutives, à la suite d'un simple vomitif, n'est-elle pns un indice de la nature névropathique de ce bâillement ? Les mêmes réflexions que précédemment peuvent s'appliquer à l'observation suivante.
Observation V (Jolly) Jolly (1829) cite le cas d'une dame qui éprouva plusieurs fois, pendant plusieurs jours de suite, et sans interruption, tous les tourments du bâillement, comme phénomènes précurseurs d'une crampe de l'estomac. Nous n'aurons pas, dans les observations suivantes, à discuter le diagnostic de l'hystérie; nous les exposerons en résumé et verrons ensuite quelles conclusions nous pouvons en tirer au point de vue des rapports du bâillement avec l'hystérie.
Observation VI (Coursserant, Gazette des Hôpitaux, 10 octobre 1846.)
Mlle X..., exerçant la profession de bonne d'enfants, âgée de dix-huit ans, non encore réglée, présente tous les caractères d'un état chlorotique assez avancé. Le 26 mai, elle fut prise à onze heures du soir d'un besoin irrésistible de bâiller qui persista deux heures; la nuit fut calme, mais, le lendemain matin, les mêmes désordres fonctionnels reparurent de sept heures à dix heures, de deux heures à sept heures et de onze heures à deux heures. A dater du troisième jour de l'invasion de la maladie, le bâillement devint continuel et ne laissa plus de repos à la malade, que les courts instants qu'elle consacrait à ses repas ou au sommeil, car il cessait aussitôt que la malade prenait des aliments ou qu'elle se couchait dans son lit. Le 2 juin, la malade vint réclamer des soins; aucune lésion matérielle appréciable n'existait dans les organes. J'attribuai donc tous ces accidents à la chlorose dont l'aménorrhée elle-même pouvait fort bien n'être que la conséquence. Les prépavations de fer, de valériane, d'assa-foetida associées de différentes manières parurent apporter un léger soulagement mais elles furent impuissantes à arrêter le bâillement, jusqu'à ce, qu'enfin les règles étant apparues, le 14 juin, tout sembla rentrer dans l'ordre. La jeune malade perdit beaucoup de sang et pendant les sept jours que durèrent les menstrues, il yeut cessation complète de tous les accidents; mais à peine furent-elles supprimées que le bâillement reparut, accompagné de douleurs assez vives à l'épigastre: des cataplasmes saupoudrés légèrement de moutarde furent appliqués sur cette région et calmérent la douleur. L'éther, le musc et les bains froids furent associés aux moyens déjà conseillés et produisirent peu d'effet. La malade ayant avalé un jour un verre d'eau à la place, le bâillement cessa à l'instant même; il y eut une rémission complète pendant quelques jours. La maladie ayant reparu, le même moyen arrêta le bâillement, mais au bout de quelques minutes la jeune fille eut une attaque d'hystérie qui dura une heure environ. Bientôt, les attaques se multiplièrent tellement qu'on en compta jusqu'à quatre par jour. Tous les moyens déjà indiqués furent continués, et les attaques devenues moins fréquentes ne se montrèrent qu'à des intervalles assez éloignés; cependant le bâillement persiste depuis trois mois; les règles ne paraissent pas et la malade qui a déjà consulté plusieurs médecins, se trouve toujours dans le même état.
Observation VII (Résumé de l'observation I de Charcot)
Jeune fille de dix-sept ans; antécédents nerveux du côté de sa mère et d'une tante. Attaques convulsives depuis l'âge de trois ans. Chorée à huit ans. A quatorze ans, enrouement et toux quinteuse continuelle disparaissant la nuit. Injections sous-cutanées d'éther. Au bout d'un certain temps, la toux et l'enrouement disparaissent. Un mois après, apparition d'un bâillement continuel, avec quintes de toux de temps à autre. Anorexie qui cesse en quinze jours, mais les bâillements continuent, ne cessant que pendant le sommeil. La respiration ne s'effectue, pendant quelques minutes, que par bâillements entrecoupés de quintes de toux, ou par bâillements seuls. Ces bâillements sont simples : inspiration bientôt suivie d'une expiration brusque, ou composés de deux on plusieurs mouvements inspiratoires, successifs, séparés par une inspiration incomplète. Stigmates permanents d'hystérie. Les règles régulières jusque-là, depuis l'âge de treize ans, ont disparu depuis trois mois. La santé n'a pas souffert. Des crises se produisent tantôt sans bâillements tantôt avec bâillements, ceux-ci précédés des phénomènes d'aura ordinaire: sensation de boule, bourdonnements d'oreilles, etc. Avec le temps, les bâillements diminuent de fréquence et, six mois après le début de la maladie, la jeune fille sort à peu près guérie, les bâillements ne revenant qu'à de longs intervalles. Le traitement a consisté en électrisation statique, hydrothérapie et préparations ferrugineuses à l'intérieur.
Observation VIII (Résumé de l'Observation II de Charcot,)
Malade âgée de vingt-cinq ans; troubles utérins. Mère ayant eu des crises hystériques. Elle-même a souffert de violentes douleurs abdominales depuis l'apparition de ses règles. A l'examen, la malade présente des signes d'hystérie. Depuis trois mois, elle bâille toute la journée, environ douze fois par minute, régulièrement. Quand les bâillements sont incomplets, la malade est fatiguée ; au contraire, un large bâillement la soulage.
Observation IX (Résumé de l'Observation III de Charcot.)
Jeune fille de vingt-trois ans. Antécédents héréditaires chargés au point de vue nerveux, du côté paternel et maternel. Crises nerveuses depuis l'âge de douze ans. À vingt-deux ans, deux sortes de crises, les unes simples, les autres avec bâillements. Les premières reviennent deux à trois fois par mois, précédées de vives douleurs de tête. Les secondes surviennent très fréquemment à chaque contrariété: sensation de boule puis bâillements convulsifs et incoercibles pendant une demi-heure; ensuite mouvements rythmiques et de salutation ; et enfin, deuxième série de bâillements aussi fréquents que les premiers, mais n'empêchant pas la malade de vaquer à ses occupations. La malade fut d'abord soignée à la Salpétriêre par l'hydrothérapie, dans le service de M. le Dr Joffry; six mois après, elle sort; les crises nerveuses n'étant pas guérie, la malade eut l'idée d'aller consulter le zouave Jacob. Elle se rendit chez cet individu quatre fois. A la quatrième fois, il pavint, dit-elle, à l'endormir, mais, à la suite de cette séance, elle eut une grande crise de nerfs, pendant laquelle se manifestèrent pour la première fois les bâillements incoercibles.
Observation X (Résumé de l'observation IV de Charcot)
Jeune fille agée de dix-neuf ans. Père et mère rhumatisants; soeur morte, ayant eu des attaques; frère intelligent. Règlée assez régulièrement, peu abondamment en dernier. Depuis un an, surmenage: veilles, pendant lesquelles elle bâillait, mais d'une façon normale. Plus tard, les bâillements deviennent une vraie infirmité; ils prennent la malade parfois le matin à huit heures, mais généralement vers huit heures du soir; ils sont très longs et la malade ne peut les arrêter; ils sont précedés d'une aura: elle sent sa poitrine se serrer, une boule qui remonte à la gorge et l'étouffe; en même temps elle a des bourdonnements et de sifflements dans les oreilles; les tempes battent avec force. A ce moment, elle éprouve à l'épigastre une douleur plus ou moins violente, avec sensation d'une poche énorme faisant glou-glou et lui semblant remplie de liquide. Bâillements répétés, impossible à arrêter et durant parfois une demi-heure et plus; en même temps, elle est très altérée. Ces crise la prenant généralement deux ou trois fois par semaine, de six à huit heures du soir. A la suite du bâillement survient une attaque convulsive avec tremblement de la machoire s'étendant jusqu'aux mains et aux muscles inférieurs. Elle dit même avoir plusieurs fois perdu connaissance. A l'examen, quelques légers stigmates d'hystérie.
Observation XI (Résumé de l'Observation V de Charcot.)
Jeune femme, trente ans. Père mort, rhumatisant, mère nerveuse; une grand-mère morte de paralysie. La malade est d'un tempérament lymphatique; dans l'enfance, a eu la coqueluche, la rougeole (deux ou trois fois?) un zona (?). Réglée à douze ans, assez régulièrement. Caractère violent et emporté. Emotive et impressionnable. Flueurs blanches très abondantes. Depuis longtemps déjà elle éprouve de petites pertes de connaissance soit spontanées, soit provoquées par une contrariété ou une émotion. A peu près à la même époque où ont commencé ces pertes de connaissance, elle s'est mise à bâiller d'une façon anormale, convulsivement et sans raison. Elle bâille parce que, dit-elle, elle éprouve une sensation d'étouffement qui la force à faire de grandes inspirations en ouvrant la bouche. Elle sent comme une boule qui lui remonte de l'estomac dans la gorge et l'étouffe.
Observation XII (Publiée par G. Guinon.)
Aux observations précédentes nous pouvons ajouter le cas d'une jeune fille, la nommée M. Char..., qui se trouvait dans la même salle que la malade de l'observation III de Charcot, et en même temps qu'elle. C'était une hystérique vulgaire, à grandes attaques à forme de somnambulisme nocturne, qui se mit, sous l'influence de la contagion, à imiter les crises de bâillements sans perte de connaissance de sa voisine. A l'une de ses premières crises, elle se luxa la mâchoire et resta la bouche ouverte, hurlant de peur, tandis que l'on courait chercher l'interne de garde. Pendant quelque temps, elle se luxa ainsi la machoire à toutes ses crises, et on était obligé de la lui réduire plusieurs fois par jour. Puis, peu à peu, ses articulations temporo-maxillaires s'habituèrent à ce rnanège et, à chaque bâillement, la luxation s'effectuait; la malade faisait un effort de ses muscles releveurs de la mâchoire et le condyle reprenait de lui même sa place dans la cavité glénoïde, avec un claquement sec qui s'entendait à distance. Cependant ces crises de bâillement prirent par la suite une telle intensité que les articulations finirent par s'enflammer et un gonflement survint avec de la fièvre et des douleurs épouvantables à chaque crise. On fut obligé de maintenir la malade engourdie pendant plusieurs jours sous l'influence du chloral et de la morphine à hautes doses. A la suite de ce traitement, les crises cessèrent et ne se reproduisirent plus par la suite.
Si nous jetons un coup d'oeil d'ensemble sur les rapports des bâillements avec l'hystérie, nous sommes tout d'abord frappé de leur rarété relative. Dans cette névrose, puisque ces quelques observations sont à peu près les seules relevées, il est un premier point qui se dégage de leur lecture: ce qui caractérise les bâillements hystériques c'est leur production sous forme de crise, leur persistance, leur répétition extrêmement fréquente dans un temps très court, à tel point que Charcot pense qu'on peut presque, dans ce cas affirmer le caractère hystérique de ces bâillements avant d'avoir decouvert un autre stigmate de la maladie. C'est également cette fréquence qui différencie les bâillements de bâillements physiologiques, mais il est d'autres points divergents que signale Gilles de la Tourette: le peu de profondeur de l'acte bien que l'écartement des machoires soit porté au maxium. Ce n'est cependant une règle que si les bâillements sont répétés, quand la respiration ne s'effectue que par une série de convulsions: lorsque le bâillement est unique, il peut être profond; dans quelques circonstances il avorte même, comme à l'état normal, et dans ce cas la sensation de soulagement n'est pas perçue. Enfin, que le bâillement soit large ou bref, il entraine rarement avec lui la sécrétion de larmes ou des pandiculations (Charcot). Les observations précédentes nous apprenent que les femmes, les jeunes femmes surtout, sont particulièrement prédispoées à ces accidents; il n'est fait mention d'aucun homme, d'aucune malade ayant dépassé trente ans. Nous voyons aussi que les crises surviennent pendant le jour, pendant la veille plutôt, et que le sommeil les interrompt toujours; elles n'apparaissent jamais au milieu des repas et tendent à disparaître si l'esprit est vivement fixé. Mais essayons de nous rendre un compte exact de la place qu'occupent les bâillements dans l'ensemble des phénomènes hystériques. Avec Gilles de la Tourette, nous distinguerons trois cas:
1°) La crise de bâillements est la manifestation la plus importante de la crise d'hystérie.
2°) Les attaques convulsives surviennent après les bâillements, qui en représentent alors la période tonique.
3°) Les attaques convulsives et les attaques de bâillements alternent sans se confondre.
Le bâillement a donc une haute importance dans l'hystérie, qu'il en soit la note dominante ou qu'il alterne avec les autres manifestations ordinaires. Il peut aider au diagnostic dans certaines circonstances, à défaut d'autres stigmates précis d'hystérie. Tels sont les faits qui ont été mis en lumière par Charcot et que nous nous sommes efforcé de faire ressortir dans ce chapitre. Nous dirons en terminant quelques mots du traitement. Il parait naturel d'avoir recours, dans le cas de bâillements hystériques, aux moyens employés couramment pour enrayer les accidents hystériques ordinaires: nous voulons parler de la suggestion. M. le Prof agrégé Le Dantec, ayant à traiter une jeune malade atteinte de bâillements incoercibles de cette nature eut l'idée de lui donner à sucer des pilules de quinine. Il lui affirma qu'au moment où elle aurait dans la bouche un goût prononcé d'amertume, les bâillements disparaitraient. Deux jours de cette médication amenèrent une amélioration notable; en une semaine, tous les symptômes avaient disparu pour ne plus revenir.