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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
4 janvier 2009
 
autres textes
 
croyances et bâillements
La civilité puérile
Didier Erasme
1469-1536
 
Chapitre I
De la décence et de l'indécence du maintien
 
traduction, édition et introduction par Franz Bierlaire

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S'il arrive d'éternuer en présence de quelqu'un, il est honnête de se détourner un peu ; quand l'accès est passé, il faut faire le signe de la croix, puis soulever son chapeau pour rendre leur politesse aux personnes qui ont salué ou qui ont dû le faire (car le bâillement, comme l'éternument, rend quelquefois l'ouïe moins fine), et s'excuser ou remercier. C'est chose religieuse de saluer celui qui éternue, et s'il y a là des gens plus âgés qui saluent quelque personne de mérite, homme ou femme, un enfant doit se découvrir. Il n'appartient qu'aux sots d'étemuer bruyamment et de recommencer à plaisir, pour faire parade de leur vigueur. Réprimer un accès naturel est le fait de ces niais qui font passer la politesse avant la santé.
 
Qu'une pudeur naturelle et ingénue colore tes joues ; n'use ni de fard ni de vermillon. Cependant il ne faut pas pousser la timidité trop loin, de manière qu'elle dégénère en sottise, en stupidité, et, comme dit le proverbe, en quatrième degré de folie. Il est, en effet, des gens chez qui cette fâcheuse disposition est si prononcée, qu'elle les fait ressembler à des idiots. On peut la combattre en habituant l'enfant à vivre avec de plus grands que lui et en l'exerçant à paraître dans des comédies.
Enfler les joues est un signe d'arrogance ; les laisser pendre est montrer du désespoir ; l'un est d'un Thrason, l'autre d'un traître Judas.
 
Ne pince pas tes lèvres, comme si tu craignais de respirer l'haleine des autres ; ne te tiens pas, bouche béante, comme un niais ; que tes lèvres soient seulement rapprochées de façon à se toucher légèrement l'une l'autre. Il n'est pas convenable d'avancer de temps à autre les lèvres pour faire entendre une sorte de sifflement : laissons cette habitude aux princes qui se promènent dans la foule. Tout sied aux princes ; c'est un enfant que nous voulons former.
 
Si le bâillement te prend et que tu ne puisses ni te détourner ni te retirer, couvre-toi la bouche de ton mouchoir ou avec la paume de la main, puis fais le signe de la croix.
 
Rire de tout ce qui se fait ou se dit est d'un sot ; ne rire de rien est d'un stupide. Rire d'un mot ou d'un acte obscène marque un naturel vicieux. L'éclat de rire, ce rire immodéré qui secoue tout le corps et que les Grecs appelaient pour cela le secoueur, n'est bienséant à aucun âge, encore moins à l'enfance. Il y en a qui en riant semblent hennir, c'est indécent. Nous en dirons autant de ceux qui rient en ouvrant horriblement la bouche, en se plissant les joues et en découvrant toute la mâchoire : c'est le rire d'un chien ou le rire sardonique. Le visage doit exprimer l'hilarité sans subir de déformation ni marquer un naturel corrompu. Ce sont les sots qui disent : je me pâme de rire ! Je tombe de rire ! Je crève de rire ! S'il survient quelque chose de si risible qu'on ne puisse se retenir d'éclater, il faut se couvrir le visage avec son mouchoir ou avec la main. Rire seul et sans cause apparente est attribué par ceux qui vous voient à la sottise ou à la folie. Cela peut arriver pourtant ; la politesse ordonne alors qu'on déclare le sujet de son hilarité ; dans le cas où l'on ne pourrait le faire, il faut imaginer quelque prétexte, de peur que quelqu'un des assistants ne croie qu'on riait de lui.
 
erasme
Desiderius Erasmus,

peinture de Hans Holbein le Jeune

 
Il n'est pas de bon ton de mordre avec ses dents du haut la lèvre inférieure : c'est un geste de menace ; comme de mordre la lèvre supérieure avec les dents du bas. Se pourlécher le bord des lèvres en allongeant la langue est tout à fait inepte. Avancer les lèvres comme pour baiser passait jadis, en Allemagne, pour une façon d'être agréable ; les peintures en font foi. Se moquer de quelqu'un en lui tirant la langue est d'un farceur.
 
Détourne-toi pour cracher, de peur d'arroser et de salir quelqu'un. S'il tombe à terre quelque crachat épais, pose le pied dessus, comme j'ai dit plus haut : il ne faut faire lever le cœur à personne. Le mieux est de cracher dans son mouchoir.
Il n'est pas bienséant de ravaler sa salive ; pas davantage, comme on voit certaines gens le faire, non par besoin, mais par habitude, de cracher dès la troisième parole qu'ils prononcent.
 
D'autres toussent comme cela, en vous parlant, sans nécessité aucune, mais par manie ; c'est l'habitude des menteurs et de ceux qui cherchent à se rappeler ce qu'ils doivent dire ; d'autres, non moins impolis, ne peuvent dire trois mots sans roter. Si ce défaut passe en habitude dès l'enfance, il persiste jusque dans l'âge mûr ; il en est de même du crachement. Clitiphon, dans Térence, est repris de l'un et l'autre par son esclave. Si un accès de toux te prend, tâche de ne pas tousser dans la figure des autres ; garde-toi aussi de tousser plus fort qu'il n'est besoin.
 
Si tu as envie de vomir, éloigne-toi un peu : vomir n'est pas un crime. Ce qui est honteux, c'est de s'y prédisposer par sa gloutonnerie.
 
Il faut avoir soin de se tenir les dents propres ; les blanchir à l'aide de poudres est tout à fait efféminé ; les frotter de sel ou d'alun est nuisible aux gencives ; les laver avec de l'urine est une mode Espagnole. S'il reste quelque chose entre les dents, il ne faut pas l'enlever avec la pointe d'un couteau, ni avec les ongles, comme font les chiens et les chats, ni à l'aide de la serviette ; sers-toi d'un brin de lentisque, d'une plume, ou de ces petits os qu'on retire de la patte des coqs et des poules.
Se laver le visage, le matin, dans de l'eau fraîche, est aussi propre que salubre ; le faire plus souvent est inutile. Nous parlerons en temps et lieu de la langue et de l'usage qu'on doit en faire.
 
 
Des dieux qui bâillent et qui font bâiller dans la mythologie épique de l'Inde Couture A