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Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
   Augustine Gleizes (1861) une hystérique à La Salpêtrière

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mise à jour du 15 mai 2003
 
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L'histoire des neurosciences
à la Pitié et à la Salpêtrière
Jacques POIRIER
Professeur des Universités-Praticien Hospitalier
Président de la Société Française d'Histoire de la Neurologie

Chat-logomini

Etalée sur bientôt quatre siècles, l'histoire de la Pitié et de la Salpêtrière recouvre en grande partie celle des origines et du développement de la psychiatrie, de la neurologie, de la neuropathologie, de la neurochirurgie, de la neuroradiologie et, plus généralement des neurosciences françaises.
 
La Pitié et la Salpêtrière datent toutes deux du début du 17ème siècle : l'hôpital de la Pitié fut créé en 1612, devant le Jardin des Plantes (à l'emplacement de l'actuelle Mosquée de Paris), pour servir de refuge aux mendiants, et la Salpêtrière est née en 1634 du transfert de l'Arsenal du quartier de la Bastille au confluent de la Bièvre. L'édit royal de 1656 ordonnant le «grand renfermement» des pauvres créa l'Hôpital général de la Ville de Paris qui se composait de 8 établissements au premier rang desquels venaient la Pitié et la Salpêtrière. Ces hôpitaux n'avaient aucune mission de soin aux malades mais servaient de refuge aux pauvres, mendiants, infirmes, estropiés, enfants abandonnés, orphelins, vieillards nécessiteux, folles et autres filles de mauvaise vie. Ce dépôt de mendicité fut augmenté, à la Salpêtrière, en 1684, d'une maison de détention «La Force» pour environ 300 condamnées de droit commun et prostituées, prison qui continua à fonctionner jusqu'à la Révolution.
la salpetriere
Trois souvenirs, La Salpêtrière. A. Daudet. 1896
 
La naissance de la psychiatrie à la Salpêtrière : Pinel et les aliénistes des hôpitaux
En 1801, l'Hôpital général devint les «Hospices civils» et, de 1837 à 1887, la Salpêtrière devint l'Hospice de la Vieillesse-Femmes (tandis que Bicêtre devenait l'Hospice de la Vieillesse-Hommes). Les prostituées, les condamnées, les fillettes, les malades partirent ailleurs ; ne restèrent que les vieilles femmes et les insensées. C'est là que les médecins-aliénistes des hôpitaux de Paris ont fondé la médecine moderne des maladies mentales. Pinel (et son surveillant Pussin) de 1785 à 1826, Esquirol et leurs successeurs accomplirent une oeuvre considérable, fondatrice de la psychiatrie actuelle. En 1921, le développement de la psychiatrie asilaire conduisit à l'extinction du cadre des «médecins aliénistes des hôpitaux de Paris».
Ce recentrage de la médecine mentale vers les hôpitaux psychiatriques n'empêcha pas l'épanouissement à la Salpêtrière de services ouverts dévolus à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent avec Heuyer, Michaux, Duché, et leurs successeurs, à la psychiatrie de l'adulte avec Widlöcher et ses élèves.
 
La naissance de la neurologie et de la neuropathologie : Charcot, Vulpian et l'École de la Salpêtrière
En 1862, Jean-Martin Charcot (1825-1893) et son ami Vulpian deviennent tous deux chefs de service à la Salpêtrière. Vulpian en partira cinq ans plus tard, mais Charcot y restera - fait rarissime - plus de 30 ans (jusqu'à sa mort en 1893). Ces deux services de médecine coexistaient avec les 5 services dirigés par les médecins aliénistes et un service de chirurgie. L'hospice Vieillesse-femmes comportait 4 422 lits dont environ les deux-tiers destinés aux indigentes et épileptiques non aliénées et un tiers aux aliénées.
 
Charcot et Vulpian entreprirent l'étude anatomo-clinique systématique de ce véritable «musée pathologique vivant» que représentaient les centaines de malades chroniques de leurs deux services. Leur oeuvre monumentale ne peut être résumée en quelques lignes ; aucun domaine des maladies du système nerveux ne lui reste étranger ; citons seulement la sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot, l'amyotrophie spinale de Charcot-Marie Tooth, les localisations cérébrales et, bien sûr, les travaux sur l'hystérie qui contribuèrent à la réputation mondiale de Charcot. En 1882, la création de la Chaire de Clinique des Maladies du Système Nerveux qui lui était destinée fut le couronnement du règne de Charcot. Ses successeurs maintinrent la tradition anatomo-clinique qu'il avait initiée avec Vulpian : Brissaud (intérimaire), Raymond, Déjerine, Pierre Marie, Guillain, Alajouanine et Castaigne, dernier titulaire de la chaire de Charcot, tous ont contribué avec leurs élèves à développer et à enrichir la neurologie. La neuropsychologie, en particulier l'étude du langage, a été particulièrement illustrée par Alajouanine et son école, François Lhermitte, Jean-Louis Signoret et leurs successeurs. Mais la Chaire ne représentait pas, loin de là, la totalité du capital neurologique clinique de la Salpêtrière ; d'autres services existaient, et non des moindres, dont les travaux demeurent fondamentaux : Souques, Hagueneau, Garcin, Boudin, Buge et leurs successeurs. La neuropathologie, initialement pratiquée par les neurologues, Charcot, Vulpian et leurs successeurs, s'autonomisa en tant qu'anatomie pathologique du système nerveux, d'abord sous la forme de laboratoires de service - Ivan Bertrand à la Clinique des maladies du système nerveux de la Salpêtrière, Jean-Emmanuel Grüner puis Jean-François Foncin dans le service de neurochirurgie de la Salpêtrière, Henri Berdet puis Roger Messimy dans le service de neurochirurgie de la Pitié - et enfin, plus récemment, dans le cadre de services individualisés d'anatomie pathologique du système nerveux (dont le premier chef de service fut Raymond Escourolle) et d'histologieembryologie (créé par Jean Racadot).
 
L'École neurologique de la Pitié et la fondation de la neurochirurgie : Babinski, Thierry de Martel et Clovis Vincent
 
Au début du 19ème siècle, sous l'impulsion de Serres, la Pitié devint un centre d'étude des maladies nerveuses, dont le plus célèbre médecin fut, sans conteste, Joseph Babinski (1857- 1932), dont le signe a fait le tour du monde. Médecin des hôpitaux, ancien chef de Clinique de Charcot, Babinski devint Chef de Service à la Pitié le 1er janvier 1895. En 1913, après la démolition de l'ancienne Pitié, Babinski installa son service dans les bâtiments neufs de la nouvelle Pitié, édifiée à son emplacement actuel, dans les jardins de la Salpêtrière. L'oeuvre de Babinski, essentiellement clinique, avait pour fil directeur la recherche de signes objectifs permettant de reconnaître le caractère organique des troubles neurologiques et donc de les distinguer de symptômes hystériques. C'est ainsi qu'il élabora la sémiologie cérébelleuse et décrivit le signe des orteils (1896). Son nom reste également attaché à plusieurs syndromes neurologiques (syndromes de Babinski-Froehlich, de Babinski-Nageotte, d'Anton-Babinski). Au cours des premières années du 20ème siècle, Babinski initia la neurochirurgie en France en faisant opérer ses malades par Thierry de Martel puis Clovis Vincent. Antoine Chipault (1866-1920), Chef de consultation chirurgicale à la Salpêtrière, l'avait devancé dans cette voie, mais ses travaux n'avaient pas eu de réelle diffusion.
 
En 1933, Clovis Vincent (1879-1947), médecin des hôpitaux, devint chef du service de neurochirurgie créé pour lui à la Pitié. En 1938, la première chaire française de neurochirurgie fut créée à la Pitié pour Clovis Vincent. Ses successeurs ont été Petit-Dutaillis, Marcel David et Bernard Pertuiset. De la même façon que toute la neurologie ne s'est pas faite qu'à la Salpêtrière, toute la neurochirurgie ne s'est pas faite qu'à la Pitié. Guillaume, qui avait succédé à Clovis Vincent comme assistant de Thierry de Martel, a ensuite été hébergé par Antonin Gosset puis par Henri Mondor dans le Service de chirurgie de la Salpêtrière avant d'obtenir la création du service de neurochirurgie de la Salpêtrière dont il devint le premier chef de service. Lebeau devait lui succéder en 1960. Dans le sillage de la neurologie et de la neurochirurgie, des disciplines nouvelles ont vu le jour, et se sont développées: la neurophysiologie et la neuro-radiologie, actuellement amplifiée en neuro-imagerie. Le rôle fondateur respectivement de Jean Scherrer et d'Hermann Fishgold (étroitement associé au service de neurochirurgie de la Pitié) mérite d'être souligné.
 
La Pitié-Salpêtrière actuelle : un CHU multidisciplinaire avec un pôle neurosciences fort
Dans le cours des années 1960, plusieurs événements marquants ouvrent l'ère actuelle :
• La fusion de la Salpêtrière et de la Pitié, donnant naissance au Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière (1964),
• La disparition de «l'Infirmerie générale», qui datait de la fin du 18ème siècle, et son remplacement par la«Nouvelle Clinique» des maladies du système nerveux accompagnée du Laboratoire de Neuropathologie Charles Foix (1965),
• La disparition des dernières administrées (1969),
• L'individualisation de la section du CHU Pitié-Salpêtrière qui s'autonomisera en 1968 avec la création de la Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière qui fait partie de l'Université Paris VI (Pierre et Marie Curie), à laquelle furent rattachés le Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, l'Hôpital Broca et l'Hospice d'Ivry. La Faculté se présente en deux bâtiments séparés, aux 91 et 105 du Boulevard de l'Hôpital, les immeubles situés entre les deux n'ayant pas pu être expropriés. A partir de là, tout était en place pour constituer, sous l'impulsion du Doyen Paul Castaigne, un grand centre hospitalo-universitaire comportant la plupart des spécialités médicales, mais gardant de son passé - malgré les nombreux essaimages de neurologues issus de la Salpêtrière dans d'autres hôpitaux parisiens et dans de nombreuses villes de province - un fort bastion neurologique redéployé en multiples services cliniques (services de neurologie, rééducation neurologique, neurochirurgie, psychiatrie de l'adulte, psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent), services médico-techniques (services de neuroradiologie, d'explorations fonctionnelles du système nerveux, d'anatomie pathologique du système nerveux,d'histologie-embryologie).
 
Certains de ces services ont été regroupés dans un nouveau bâtiment appelé Babinski où se trouve également l'Institut de Myologie. A partir des années 1970, petit à petit, des groupes de recherche en Neurosciences se sont intégrés au sein du CHU Pitié-Salpêtrière. Ceci a entraîné le développement de la Neurobiologie, de la Neurochimie, de la Neuropharmacologie, de la Neurogénétique, de la Neuroimmunologie, de la Neuroépidémiologie, de la Neuro-Imagerie fonctionnelle, de la Neurophysiologie des systèmes intégrés.
 
L'Institut Fédératif de Recherche (IFR) envisage tous les aspects des Neurosciences et des Cognisciences. Cet institut de recherche comporte 4 autorités de tutelle, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) et l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC). Il a été créé pour favoriser l'interaction entre les recherches fondamentale et clinique. Le tropisme neurologique reconnu du CHU Pitié-Salpêtrière est encore renforcé par l'implantation dans ses murs, au-dessus de l'amphithéâtre Charcot et à côté de la Clinique des maladies du système nerveux Paul Castaigne, de la Bibliothèque de Charcot, où ont été également regroupés les livres de la bibliothèque Souques et ceux des Internes de la Salpêtrière ; il s'agit maintenant d'une Bibliothèque universitaire moderne spécialisée en neurologie et plus récemment en neurosciences.
 
Rappelons également que la Société Française de Neurologie (issue en 1949 de la Société de Neurologie de Paris fondée en 1899), tient, depuis 1968, ses séances mensuelles à l'Amphithéâtre Charcot, et que la Société d'Histoire de la Neurologie, fondée en 1991 et dont le premier Président a été notre regretté ami Jean-Louis Signoret, a son siège social à la Bibliothèque Charcot.
 
Ainsi, en près de quatre siècles, du début du 17ème à la fin du 20ème, deux établissements hospitaliers distincts, La Pitié et la Salpêtrière, initialement dévolus à une fonction sociale de dépôt de mendicité et de prison, puis d'hospices «de vieilles et d'insensées», sont devenus à partir du 19ème siècle, grâce au talent, voire au génie, des Pinel, Esquirol, Charcot, Vulpian, Babinski, Clovis Vincent - pour ne citer que les grands initiateurs - des établissements de soins, d'enseignement et de recherche qui se sont particulièrement illustrés dans le domaine des maladies mentales, des maladies du système nerveux, puis des neurosciences. La réunion, dans les années 1960, de La Pitié et de la Salpêtrière avec la nouvelle Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière a permis, grâce au Doyen Paul Castaigne, le développement d'un grand Centre Hospitalo-Universitaire multidisciplinaire dont la vocation neurologique historique s'est affirmée, comme en témoigne la vitalité de l'Institut Fédératif de Recherche des Neurosciences.
 
salpetriere 1882