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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
10 juin 2007
Just Ranvier &
R. Le Bouvier
Editeurs
Paris
Expériences physiologiques sur les animaux
tendant à faire connaître le temps durant lequel ils peuvent être sans danger privés de respiration, soit à l'époque de l'accouchement, lorsqu'ils n'ont point encore respiré, soit à différents âges après leur naissance
César Julien Legallois
(1770-1814)
1835

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césar legallois
 
page 42-44
 
Je passe aux lésions du cerveau. La plus fréquente est celle causée par la compression que permet la mobilité de plusieurs os du crâne dans le fetus humain, et qui peut être assez considerable quand le bassin est étroit, ou qu'on applique le forceps. Il n'est pas facile d'étudier sur les petits lapins les effets d'une semblable compression; car les os de leur crâne sont réunis d'une manière moins lâche, n'admettent que peu de mobilité: ils n'ont point de fontanelles. On n'observe en place de la fontanelle antérieure qu'un petit espace cartilagineux, et leurs sutures, au lieu d'être séparées par des espaces membraneux, ne sont marquées que par un liséré cartilagineux; on ne peut donc pas exercer sur leur cerveau une compression égale et uniforme, par le simple rapprochement des os du crâne. On est réduit à en produire une plus inégale et nécessairement plus grave, en les déprimant. Ils sont assez flexibles pour qu'on puisse porter cette dépression a un degré considérable. Je l'ai opérée sur six lapins, pendant une minute chaque fois, et toujours avec le pouce, que j'appuyais sur le sommet de la tête. Je pressais autant que le crâne pouvait céder, et jusqu'à rendre les yeux très brillants hors de leurs orbites. Dans un de ces lapins, le cerveau fut comprimé à 5 min, il le fut à 8 min dans un autre, et 19 min dans le troisième. Dans tous les trois, je rompis les membranes aussitôt après avoir cessé la compression : les deux premiers respirèrent, mais tardivement et avec autant de peine que s'ils avaient été extraits dans la limite de leur survie Mais enfin leur respitation était assez bien établie au bout d'environ un quart d'heure. Le troisième respira aussi, mais encore plus péniblement. Sa respiration demeura rare et très laborieuse, et cessa entièrement au bout d'une demi-heure. Dans le quatrième lapin, la compression fut exercée 9 min; il fut ensuite laissé dans les membranes jusqu'à 14 min. II y fit d'abord plusieurs efforts d'inspiration, lesquels s'arrêtèrent au bout de 1 ou 2 min, et ne se renouvelèrent pas après la rupture des membranes. Le cinquième, soumis à la même épreuve à 16 min, eut ses membranes rompues à 16 min, et ne respira point.
 
Il paraissait résulter de ces expériences qu'une pression, même assez forte, du cerveau n'empêchait la respiration de s'établir qu'autant qu'elle se trouvait réunie à une asphyxie dont la durée excédait la moitié de l'espace compris dans la limite naturelle de la survie. Mais dans le premier lapin, où la compression fut faite dès 4,5 min, et la rupture des membranes 5,5 min, la respiration n'eut pourtant pas lieu. Il est vrai qu'il était très peu développé; il ne pesait que 9 gros ( ); mais ce fait n'en prouve pas moins que la compression du cerveau peut empêcher la respiration de s'établir dès lés premières minutes de l'asphyxie. Il restait à prouver si, à quelque époque que ce fût, cet empêchement avait lieu, parce que la lésion du cerveau était telle que l'animal ne pouvait plus vivre, où bien seulement parce qu'elle avait abattu ses forces au-dessous du degré nécessaire pour qu'il puisse faire de lui-même ses premieres inspirations. Si cette dernière cause était la véritable, il suffisait d'établir artificiellement la respiration en insufflant de l'air par la trachée-artère, pour ranimer, les forces de l'animal, et le mettre en état de la continuer lui-même. C'est, en effet, ce que j'ai essayé, mais sans avoir pu réussir. L'insufflation de l'air au moyen de la trachéotomie est, d'une part, difficile sur les petits lapins, comme je l'ai déja dit, et d'une autre elle a beaucoup de dangers pour eux. Je ne la tentai qu'à 25 min sur sixième; il était trop tard. Je m'y étais pris de meilleure heure sur tous les autres; mais chez les uns, l'air ne pénétra pas dans les poumons; chez les autres, l'opération fut contrariée par des accidents qui la rendirent sans effet ou même préjudiciable.
 
Nous verrons quels résultats nous donneront des expériences semblabes faites sur les autres et je me propose d'y revenir, même sur les lapins. En attendant, j'ai eu recours à un moyen analogue à celui que j'avais employé en étudiant l'action du froid; je veux dire que j'ai essayé ce que peut la compression du cerveau sur la respiration, quand cette dernière est bien établie. J'ai donc pris deux lapins, dont la mère était accouchée naturellement depuis environ 12 heures, et je leur ai écrasé le sommet de la tête avec le pouce, pendant 1 minute. L'un rendit du sang par les narines, se raidit, puis s'agita continuellement pendant quelques minutes; sa respiration ne se faisait d'abord que par bâillements. Après avoir été rare et laborieuse pendant environ 10 min, elle se rétablit assez promptement mais il ne prit point d'accroissement, maigrit beaucoup, et mourut au bout de 3 jours. L'autre ne rendit point de sang par les narines, mais il eut des bâillements, et se raidit comme le premier. Du reste, il s'agita peu, et sa respiration était bien rétablie au bout de 2 min. Il maigrit aussi considérablement pendant 3 jours, après quoi il se remit peu à peu, et prit beaucoup de développement. Dans l'un et l'autre, le crâne s'était restitué presque aussitôt que la compression avait cessé, je trouvai dans le premier les os pariétaux, désunis, d'avec le coronal, et le cerveau réduit comme en bouillie de couleur rosacée, se faisant jour par cette suture jusque sous la peau. Il y avait beaucoup de sang épanché aux deux côtés de la base du crâne, vers les oreilles. Quant aux lapins dont j'ai parIé d'abord, ceux qui ne respirèrent point avaient sous le crâne une sérosité sanguinolente,visible même à travers les parétaux. Leur cerveau était ramolli et contenait un peu de sang épanché. Je ne dois pas omettre que, dans ces derniers, la compression du cerveau ne parut produire aucun effet immédiat sur les battements du coeur, lesquels demeurèrent seniblement ce qu'ils auraient été pendant un simple état d'asphyxie. Dans le sixième, par exemple, ils étaient encore très-distincts et très-réguliers à 25 min lorsque je lui insufflai de l'air dans les poumons.

page 108-109
 
Nous avons vu que dans toute hémorrhagie prolongée de manière que la mort n'arrive qu'à 20 min, ou au-delà, une lapine d'un volume ordinaire perd plus de 4 onces de sang. Nous avons vu aussi dans la dernierè des expériences dont je viens de rendre compte, que la femelle qui en fait le sujet, ayant perdu en 25 min. 3 onc. 3 gros de sang, vivait encore plus de 3/4 d'heure après la fin de l'hémorrhagie: à la vérité, elle était très affaiblie; mais aussi eIle était demeurée jusque-là fixée sur le dos, le ventre largement ouvert, les entrailles exposées l'air et traînant sur la table. Il était présumable que, sans toutes ces complications, elle aurait pu survivre, surtout si en même temps l'hémorrhagie eût été un peu moins forte. Il me sembla donc qu'une hémorrhagie de 3 onc., prolongée pendant environ 1/2 heure, pourrait bien ne pas causer la mort et ce fut cette quantité que je résolus d'essayer d'abord. Mais il se trouva que la lapine soumise à ce premier essai perdit 3 onc. 2 gros de sang en 35 min. L'hémorrhagie s'étant arrêtée d'elle-même, la plaie fut recousue sans faire de ligature l'artère qui malgré cela, ne parut pas fournir de sang par la suite. Lorsque la femelle eut été déliée, en tâtant son ventre qui était trè flasque, je ne sentis aucun mouvement des petits; mais au bout de une heure, à dater du commencement de l'hémorrhagie, je crus distinguer dans quelqu'uns de faibles bâillements semblables à ceux qu'ils font dans leurs membranes quand on les a détachées de la matrice, ou lorsque l'on comprime le cordon ombilical.
 
Ces bâillements, accompagnés de légers mouvements des membres, ne purent être sentis que, pendant environ une heure. La mère se soutenait encore assez bien sur ses pattes, et pouvait marcher a la fin de l'opération, mais elle avait un air abattu; elle ne mangea point, et s'affaiblit promptement. Le lendemain au soir elle était si faible, qu'en la plaçant sur le côté elle avait quelque peine à se remettre sur ses pattes. Je craignis qu'elle ne mourût dans la nuit; et comme il m'importait de connaltre l'état de ses foetus avant sa mort, je me décidai à l'ouvrir vivante, 27 heures après l'expérience. Elle contenait 5 petits; ils étaient tous morts; non seulement le coeur, ni le diaphragme ne conservaient plus aucun vestige d'irritabilité au moment de leur extraction, mais il y avait à la peau une infiltration rougeâtre, et l'épiderme s'enlevait par lambeaux; le liquide albumineux, verdâtre et assez diaphane dont l'estomac de ces petits animaux est toujours rempli au moment de leur naissance, était trouble et rougeâtre; en un mot, il me parut qu'ils étaient morts depuis le temps de l'expérience ou très peu après. Tous ces foetus m'offrirent de plus un état exsangue non équivoque; et ce fut la première fois que j'observai cet état à la suite de I'hémorrhagie.

p 138-145
Les lésions de la moëlle épinière auprès et au dessous de l'occiput
 
Après avoir étudié les effets de ces lésions sur les lapins, suivant qu'elles ont été opérées à différents degrés, sans être toutefois assez considérables pour occasioner la mort subitement, supposons maintenant qu'elles soient capables de produire ce dernier effet. D'après ce qui précède, il faut pour cela que la moëlle ait été divisée en totalité, ou pour le moins au de là des trois quarts de son diamètre.
 
Nous avons vu dans la première section, que si, par une cause quelconque, un fœtus naissant éprouve une semblable lésion, il perd à la vérité, sur le champ et sans retour, la faculté de respirer, mais que les autres signes de vie ne s'évanouissent pas tout d'un coup, et que même on peut les rappeler, un certain temps après qu'ils ont disparu, et les entretenir pendant un temps indéterminé, en soufflant de l'air dans les poumons. Or, en examinant Ies phénomènes qu'on observe alors, sous le point de vue que nous nous sommes proposé, de les comparer avec ceux qu'occasionnent les autres accidents, nous trouvons d'abord que la destruction de la moëlle à sa partie supérieure ne produit d'autre effet apparent qu'une asphyxie simple mais complète et irrémédiable. C'est du moins ce qui parait résulter, non seulement de ce qu'en substituant une resiratioun artificielle à la naturelle qui ne peut plus avoir lieu, on rappelle et on entretient la vie, mais encore de ce que tous les phénomènes qui succèdent à la section de la moëlle sont les mêmes que ceux que nous avons observés dans l'asphyxie. Dans l'un et l'autre cas, l'animal s'agite d'abord pendant environ 2 min. Ces agitations se terminent ordinairement par une petite raideur comme tétanique de tout le corps, qui ne dure qu'un instant, et à laquelle succède une grande flaccidité. Lorsque cette flaccidité existe, l'animal ne se meut plus de lui-même que très rarement mais il continue d'être sensible et de s'agiter chaque fois q'on le pince ou qu'on le pique. Enfin, cette sensibilité s'éteint peu à peu, en premier lieu dans les parties antérieures, et en dernier dans les postérieures, et surtout dans la queue près de l'anus, vers la 14° minute, quelquefois un peu plus tôt, d'autres fois un peu plus tard.
 
Dans l'un et l'autre cas aussi, le rhythme du pouls est à peu près le même. Lorsque l'animal était en pleine santé, les battements de son coeur étaient si fréquents qu'ils n'était pas possible de les compter; mais quand il a subi l'une ou l'autre des épreuves, dont nous parlons leur fréquence diminue considérablement, et bientôt ils deviennent réguliers, au nombre moyen de 60 par min. Ils conservent ce rhythme pendant un temps qui excède souvent 36 min et durant la plus grande partie duquel ils demeurent distincts au travers des parois de la poitrine. Pour l'ordinaire, au moment où ils vont cesser de l'être, ils prennent une accélération très marquée et plus ou moins irrégulière.
 
En un mot, ces deux états ne présentent qu'une seule différence, mais elle est caractéristique: c'est que, dans l'asphyxie, l'animal fait par intervalles des efforts pour respirer, lesquels durent presque toujours plus longtemps que la sensibilité, mais qui s'arrêtent avant que les battements du coeur cessent d'être distincts; tandis qu'après la section de la moëlle épinière, il existe bien à la vérité des bâillements, pareils à ceux qui accompagnent constamment les efforts d'inspiration, mais qui se font à vide, si je puis m'exprimer ainsi, et ne sont secondés par aucun mouvement de la poitrine ni de l'abdomen. Du reste, ces bâillements se répètent à peu près aux mêmes intervalles, et durent le même temps que les efforts d'inspiration dans le cas d'asphyxie.
 
Il s'agissait donc de savoir si ce rapport, cette similitude qu'on observe au moment de la naissance entre les phénomènes de ces deux états, restent les mêmes aux différents âges de l'animal. Pour m'en éclaircir, j'ai opéré la section de la moëlle épinière sur des lapins, presque jour par jour, jusqu'à l'âge d'un mois, et je l'ai répétée plusieurs fois sur des lapins de même âge. Il serait trop long de rapporter ici toutes mes expériences. J'en réserve tous les details pour des tableaux que je placerai à la fin de ce Mémoire, et dans lesquels ou pourra saisir d'un coup d'oeil les variations, qu'ont éprouvées à tel ou tel âge les phénomènes propres au foetus, et les changements survenus en même temps dans son organisation. Je n'en retracerai ici que les principaux résultats.
 
J'observe d'abord que les phénomènes qui se manifestent et se succèdent après la section de la moëlle épinière sont à peu près les mêmes à tous les âges, et tels que je viens de les décrire pour le moment de la naissance. Ils ne diffèrent qu'en durée. Ainsi, l'animal commence par s'agiter plus ou moins fortement, pendant un temps qui n'excède guère 2 min, lors même qu'il est très jeune, qui est au moins d'une minute quand il a un mois, et pendant lequel il arrive souvent, qu'il rend ses excréments. Il demeure ensuite dans un état de flaccidité et de repos dont on ne le fait sortir qu'en le pinçant. Peu à peu la sensibilité s'éteint dans les parties antérieures, puis enfin dans les postérieures. Cette extinction totale de la sensibilité arrive à peu près aux époques suivantes à dater de la section de la moëlle.
 
Dans un lapin nouvellement né à 15 minutes
A l'âge de 5 jours à 9
A l'âge de 10 jours à 6
A l'âge de 15 jours à 4
A l'âge de 20 jours à 3
A l'âge de 25 jours à 2
À l'âge de 30 jours à 2
 
Ces époques admettent une latitude qui peut aller à 3 ou 4 minutes en plus et en moins dans les premiers temps de la naissance, mais qui est, à peine d'une demi-minute à l'âge de 30 jours.
 
La durée des bâillements se raccourcit pareillement avec l'âge, et à peu près encore dans le même rapport que la sensibilité.
 
Enfin, lorsque les bâillements, les mouvements, la sensibilité, en un mot tous les phénomènes de la vie ont disparu, on peut les rappeler à tous les âge, en soufflant de l'air dans les poumons. J'ai dit tous les phénomènes de la vie, il faut pourtant en excepter les battements du coeur. IIs subsistent d'autant moins longtemps que l'animal est plus âgé, mais ils subsistent toujours les derniers; et si l'on attendait pour commencer l'insufflation qu'ils ne fussent plus distincts au travers des parois de la poitrine, il arriverait fréquemment qu'on ne réussirait pas; et assez souvent même on ne réussit pas, malgré qu'ils le soient encore assez bien quand on l'a commencée. Il faut prendre garde que je ne parle ici que des lapins dans lesquels la poitrine aplatie sur les côtés rend la perception de ces mouvements assez facile dans le plus grand nombre des cas. Dans un animal dont la poitrine serait autrement conformée, on pourrait ne pas les sentir; mais il faut toujours qu'ils existent, et même qu'ils conservent une certaine force pour que l'insufflation puisse être tentée avec succès. Du reste, pendant la première semaine de la naissance, et même au-delà, ils gardent sensiblement Ie même rhythme que dans l'animal nouvellement-né; mais après la deuxième semaine, ils sont en général moins réguliers et plus fréquents. Leur nombre moyen est au moins de 80 par minute, c'est-à dire que leur fréquence est alors inverse à différents âges de celle qui a lieu dans l'état de santé; car dans l'état naturel, elle est moins grande à mesure que l'animal est plus âgé; c'est une circonstance digne d'attention et sur laquelle je reviendrai par la suite.
 
Si l'insufflation est pratiquée à une époque convenable, les phénomènes reparaissent dans un ordre inverse de celui suivant lequel ils se sont évanouis, de sorte que ceux qui ont subsisté les dernièrs sont les premiers qui se manifestent. Si le premier indice qu'on ait du succès de l'insufflation est une augmentation de force et presque aussitôt dé fréquence dans les battements du coeur. Si les carotides sont découvertes, on les voit bientôt passer du noir au rouge. La transparence de ces vaisseanx dans un jeune animal rend ce changement très facile et très agréable à observer. Peu après, les bâillements surviennent; la sensibilité se ranime ensuite, d'abord dans les parties postérieures du corps, puis dans les antérieures. Les yeux, eux-mêmes, dont elle disparaît toujours, en moins d'une minute après la section de la moëlle, la recouvrent à la longue, et l'animal ferme les paupières chaque fois qu'on en approche un corps étranger.
 
Excepté les battements du coeur, dont les changements sont toujous très prompts, le retour des autres phénomènes est d'autant plus tardif que le moment où l'on a commencé l'insufflation est plus voisin de celui où elle serait sans succès. Par exemple, si dans un animal d'un certain âge le succès en est très douteux 10 min après la section de la moëlle, et qu'on ne la commence qu'à cette époque, en supposant qu'elle réussisse, les bâillements ne reparaîtront peut-être qu'au bout de 3 ou 4 minutes, et la sensibilité des extrémités postérieure qu'au bout de 7 ou 8 tandis que les bâillements auraient à peine tardé une demi-minute, et la sensibilité une minute, si l'insufflation eût été commencée à 6 ou 7 minutes, c'est une circonstance qu'il était facile de prévoir mais iI était important de la noter, parce quelIe aide beaucoup à déterminer la limite du succès de l'insufflation à différents âges, limite qu'il est assez difficile d'assigner avec quelque précision. Il faut ajouter ici, aux raisons que j'ai donées précédemment de cette difficulté, l'hémorrhagie des artères vertébrales. C'est afin d'éviter cette hémorrhagie, que je préfère une aiguille au scalpel pour la section, de la moëlle; mais on ne l'évite pas toujours, même avec l'aiguille. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir, sans beaucoup d'erreur, fixer comme il suit les époques où, l'insufflation cesse d'être efficace, en me bornant à les indiquer de 5 en 5 jours,comme j'ai fait pour l'extinction de la sensibilité.
 
Le premier jour de la naissance, la limite approximative du succès de l'insufflation est à 30 minutes, à dater de la section de la moëlle.
 
Le 5e jour, elle est à17
Le 10e à10
Le 15e à 7
Le 20° à 6
Le 25e à 5,5
Le 30e à 5
 
Enfin, j'ai réussi une fois à 4 min.sur un grand lapin de 61 jours.
 
Je ne puis pas dire combien de temps les phénomènes qu'on a ranimés par ce moyen peuvent être entretenus. Ils ne peuvent l'être qu'en continuant l'insufflation, ou qu'en ne l'interrompant que pendant certaines pause; et la fatigue ou d'autres affaires m'ont presque toujours forcé de l'abandonner avant qu'ils eussent disparu: ils éaient encore bien prononcés au bout de 3 heures dans un lapin de 2 jours, et au bout de 45 minutes dans un de 30 jours. Il est très vraisemblable qu'ils sout susceptibles d'une durée moins longue, à mesure que l'animal est plus vieux; mais je n'ai jamais continué I'insufflation longtemps sur les grands lapins, parce qu'exigent plus de force et ne permettant que de courtes pauses, elle fatigue plus promptement. Il arrive assez souvent qu'elle devient inefficace après plusieurs minutes d'un succès complet mais c'est un accident qu'il ne faut pas confondre avec la cessation naturelle des phénomènes. Presque toujours on en peut distinguer la cause. La plus fréquente est I'extravasation de l'air dans les cavités de la poitrine et même l'abdomen, et surtout dans les vaisseaux sanguins. Toutes les fois que la sensibilité s'éteint tout d'un coup sans cause apparente, on peut affirmer d'avance qu'il est passé de l'air dans les vaisseaux. Je ne parlerai point ici de cet accident, parce que j'en ai traité fort au long à l'article de l'asphyxie;
 
Maintenant, si l'on compare les faits que je viens d'exposer avec ceux qu'on observe dans l'asphyxie aux mêmes âges, on est frappé de leur ressemblance. Les principales différences qu'on y remarque sont dans le débats qui ont lieu au commencement et dans les époques où l'insufflation cesse d'être efficace. Les débats, sont un peu plus forts, et ont un caractère plus convulsif après la section de la moëlle que dans l'asphyxie, et la limite du succès de l'insufflation est en général plus reculée dans le premier cas que dans le second. Ainsi, nous venons de voir qu'après la section de la moëlle, elle est à 30 min le premier jour de la naissance, et à 6 min au 20e jour, tandis que, dans l'asphyxie par submersion, elle est à 26 min le premier jour, et à 5 min le 2e. Il est en apparence assez singulier que la différence soit en faveur du cas le plus éminemment mortel.

p150-158
 
C'est donc incontestablement dans la moëlle épînière que réside le principe de tous les phénomènes qu'on remarque dans le tronc après section. Mais, il est évident, en même temps, que ce principe ne conserve son action qu'à l'aide de la respiration et qu'il la perd d'autant plus promptement, après qu'elle a cessé, que l'animal est plus âgé. On conçoit facilement comment la respiration produit cet effet; c'est uniquement par son influence sur la circulation, c'est à dire sur les qualités chimiques du sang et sur la force avec laquelle il est mû. Une chose aussi claire avait à peine besoin d'être vérifiée; néanmoins j'ai voulu la soumettre à l'expérience. J'ai plusieurs fois lié l'aorte pectorale un peu au-dessus du diaphragme dans des lapins âgés de 10 à 15 jours. Pour réussir dans cette expérience, il faut y apporter quelques précautions. La principale consiste à ne couper les côtes et à n'enlever le sternum que quand la circulation est notablement ralentie; autrement les artères intercostales, et surtout les mammaires internes, fourniraient une si grande quantité de sang que, l'animal pourrait bien n'y pas survivre. Il est donc à propos de commencer par l'asphyxier, soit en coupant la moëlle près d'occiput, soit en lui comprimant la trachée, ou autrement, et de n'ouvrir la poitrine que quand la sensibilité est sur le point de s'éteindre. Aussitôt que l'artère est découverte, on passe un fil dessous, puis on souffle de l'air dans les poumons et quand la sensibilié et les mouvements sont bien prononçés, on fait la ligature, et on recommence l'insufflation aussitôt après. Dans tous les cas soit que la moëlle eût été coupée d'abord soit qu'elle n'eût point été, je les ai toujours vu disparaitre très promptement dans les parties postérieures à la ligature et même plus promptement qu'ils n'eussent fait par la cessation de l'insufflation. Ils étaient aussi un peu affaiblis dans les parties antérieures, mais ils continuaient de subsister.
 
Voulant m'assurer si les nerfs n'avaient pas par eux-mêmes quelque part directe à la production des phénomènes, et si on n'y occasionnerait pas quelque changement en interceptant la circulation dans leur substance pendant qu'elle demeurerait bien libre dans la moëlle épinière, j'ai lié l'artère fémorale à sa sortie du ventre. Les mouvements du membre sont demeurés les mêmes; la sensibilité a peut-être été un peu affaiblie, mais la difference avec l'autre membre était légère. Soupçonnant que la ligature de l'artère fémorale, quoique faite le plus haut possible, n'interceptait pas complétement la circulation dans la cuisse, j'ai voulu savoir ce que produirait la ligature de l'aorte abdominale. J'ai lié cette artère, dans un lapin de 8 jours, au niveau du bord postérieur du rein gauche; les mouvements et la sensibilité des cuisses et de la queue ont entièrement disparu au bout de 12 min; le reste du corps était encore bien vivant au bout de trois quarts d'heure, lorsque je tuai l'animal. Dans un autre lapin de la même portée, dont j'avais lié le même jour l'aorte pectorale, les mouvements et la sensibilité des parties postérieures avaient disparu au bout de 6 mm; ainsi ils ont duré plus longtemps dans le premier cas que dans le second. Mais, outre qu'il ne serait pas difficile d'assigner les raisons de cette différence, j'observerai que la moëIle épinière s'étend dans les lapins jusqu'auprès de la queue, et que le lieu où l'aorte abdominale avait été liée, était supérieur à l'origine des nerfs de la cuisse, et correspondait à celui où la moëlle a le plus de volume. Je pense donc que, même dans cette expérience, c'est l'interception de la circulation dans la moëlle épinière, plutôt que dans la cuisse, qui a anéanti la sensibilité.
 
Il résulte de tous ces faits que, par rapport au mouvement et au sentiment, les nefs sont plutôt conducteurs qu'agents, et que, pour ceux du tronc, le principe de leur action réside bien réellement dans la moëlle épinière, mais qu'il n'y réside qu'autant qu'elle reçoit un sang pur avec une certaine force, et doué des qualités artérielles.
 
Mais si tous les nerfs qui naissent de la moëlle épinière, tirent d'elle le principe de leur action, comment se fait-il que tous ceux de la respiration perdent la leur par une section faite au-dessus de leur origine? Nous voilà donc encore ramenés à la difficulté dont je parlais tout à l'heure, difficulté que tous les éclaircissements dans lesquels je viens d'entrer n'ont fait que rendre plus saillante. Dira-t-on que la section, sans détruire, les fonctions de la moëlle, les affaiblit, et que les nerfs d'où depend la respiration exigent dans ces fonctions plus d'énergie que les autres? Cette explication supposerait absolument le contraire de ce qui a lieu constamment, car, dans l'asphyxie, par exemple, les efforts d'inspiration subsistent après que la sensibilité et les mouvements ont disparu, et quand on rappelle l'animal à la vie, ce sont encore les efforts d'inspiration qui les précèdent, et souvent d'un assez grand nombre de minutes.
 
Il est hors de doute que, quelle que soit l'origine des nerfs de la respiration, le premier mobile de cette fonction est dans l'encéphale. S'il eu fallait de nouvelles preuves, les bâillements que j'ai dit avoir lieu après la section de la moëlle épiniere, nous en fourniraient une qui me parait sans réplique. En effet, ces bâillements dépendent bien certainement du même mobile que les inspirations spontanées; ils sont les restes, et en quelque sorte les vestiges de ces inspirations, et, dans l'asphyxie, ils sont en parfaite harmonie avec les mouvements du thorax, et ont lieu simultanément. Si donc la section de la moëlle anéantit subitement toute la partie des phénomènes de la respiration qui se passe au-dessous de la section et laisse subsister celle qui se passe au-dessus, c'est évidemment parce que leur mobile commun réside au-dessus de lui-même, c'est à dire dans le cerveau, puisque dans tout cet article nous supposons la section faite près de l'occiput. Une expérience vient à l'appui de ce raisonnement. Si, lors même que les bâillements ont fini depuis quelque temps, on touche le moignon de la moëlle qui tient à la tête, on en produit un, ce qu'on peut répéter plusieurs fois. Mais si, au lieu de toucher simplement, on introduit une aiguille par le trou occipital, à quelque époque que ce soit, et qu'on brouille bien le cerveau, les bâillements cessent à l'instant et ne reprennent plus, quelque succès que puisse avoir d'ailleurs l'insufflation pulmonaire. Nous verrons aussi, dans l'article suivant, que quand le cerveau est comprimé assez fortement pour que les mouvements du thorax soient anéantis sur le champ, les bâillements eux-mêmes le sont aussi. Dans ce cas, ou, la moëlle épinière n'a reçu aucun dommage, les phénomènes de la respiration ne disparaissent que parce que leur mobile commun a été détruit dans l'encéphale, les bâillements doivent donc cesser en même temps que les autres mouvements, et c'est en effet ce qui arrive.
 
Il était suffisamment clair que ce mobile ne conserve lui-même et ne recouvre sa faculté qu'autant que la circulation du sang se maintient ou est rappelée à un certain degré, que seulement ce degré est notablement inférieur à celui qu'exigent le mouvement et la sensibilité. Néanmoins, j'ai lié les deux carotides, prévoyant bien que les artères vertébrales suppléant en grande partie ces vaisseaux, surtout par rapport au mobile en question, qui n'exige pas une circulation fort active, l'effet ne serait ni aussi prononcé, ni aussi prompt qu'après la ligature de l'aorte. Voici quel en a été le résultat: quand la moëlle n'avait pas été coupée, la respiration n'en était que médiocrement affectée; quand elle l'avait été, dans certains cas les bâillements ne tardaient pas à s'arrêter, et ne revenaint plus, malgré que j'eusse recours à l'insufflation; dans d'autres, ils continuaient comme auparavant, seulement ils étaient plus faibles et plusrares: différences qui m'ont semblé dépendre du lieu où la moëlle avait été coupée, et de la lésion ou de l'intégrité des artères vertébrales.
 
Puisque la première cause, le premier mobile de la respiration réside dans l'encéphale, on peut demander quel est son siège dans ce viscère. Mais ce n'est pas ici le moment de traiter cette question.
césar legallois
 
 
mise à jour du
10 août 2008
Labbé Ed
4 tomes
Cours de physiologie
fait à la faculté de médecine de Paris
Pierre Honoré Bérard
1797-1858

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p 518 La respiration

Si par une section transverse on a fait deux tronçons, celui qui portera le collier vital excitera les mouvements respiratoires, l'autre non. Tous deux seront paralysés si la section a passé par le collet vital lui-même. Ces considérations vous expliqueront des faits intéressants, et au premier abord, étonnants, signalés par Legallois (expériences du principes de la vie p 117), à savoir les bâillements qui persistent encore dans la tête, alors qu'on vient de tuer l'animal par section de la moelle épinière en haut du cou.

Cet auteur a vu dans ses expériences, une tête de fœtus séparée du tronc, de manière qu'll ne tenait que par la trachée, faire des bâillements pendant six minutes. Les bâillements persistèrent pendant huit minutes chez un autre, et pendant 14 minutes dans une troisième tête. On comprend que, dans tous ces cas, la section a passé au dessous du collet vital.

 
mise à jour du
22 février 2009
Chez Le Rouge Lib
1830
Oeuvres de C. Legallois
tome premier
page 57-59
1830

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C'était sur les, lapins que j'avais commencé mes expériences, sur le temps que les foetus, séparés, de leur mère, peuvent vivre sans respirer; ce fut sur les mêmes animaux que je continuais mes recherches sur les phénomenes de la decapitation. Je remarquai d'abord, qu'après la décapitation d'un lapin, la vie continue dans le tronc et que le sentiment et les mouvemens volontaires y subsistent pendant un temps, qui est sensiblement le même que quand on asphyxie un lapin de même âge. Ce temps varie suivant l'âge.
 
En asphyxiant des lapins de differens âges, par exemple, de cinq en cinq jours, depuis le momemnt de la naissance jusqu'à l'âge d'un mois, on observe constamment que la durée du sentiment, des mouvements volontaires, en un motn des signes de la vie, va toujours en diminuant à mesure que les anaimaux avancent en âge. ainsi, dans un lapin nouvellement né, le sentiment et les mouvements volontaires ne s'éteignent qu'au bout d'environ quinze minutes d'asphyxie, tandis qu'ils s'éteignent en moins de deux minutes dans la lapin âgé de trente jours.
 
Or, en décapitant de même des lapins de cinq en cinq jours, je trouvai que la durée de ces phénomènes décroissait d'âge en âge, suivant la même loi que dans l'asphyxie. Mais il y avait cette différence essentielle entre l'nimal décapité et l'animal asphyxié, que celui-ci fait des efforts pour respirer; chaucn de ces efforts caractérisé par la contraction du diaphragme et l'élévation des côtes, est accompagné d'un bâillement. Ces bâillements et ces mouvements du thorax, qui vont en s'affaiblissant de plus en plus, à mesure que l'asphyxie se prolonge, sont les derniers signes de vie qu'on observe, et ils subsistent toujours plus ou moins, après la cessation de la sensibilité et des mouvemens volontaires.
 
Dans l'animal décapité, au contraire, tous les mouvements inspiratoires du thorax sont anéantis à l'instant même de la décapitation; la tête seule conserve des bâillements, lesquels ont lieu dans l'asphyxie.. Si, au lieu de décapiter l'animal, on lui coupe seulement la moëlle épinière entre l'occiput et la première vertèbre, les phénomènes sont les mêmes qu'après la décapitation; c'est à dire, que tous les mouvements inspiratoires du thorax cessent à l'instant, et que la tête conserve les bâillements de l'asphyxie.
 
En un mot, soit après décapitation, soit après la section de la moëlle épinière près l'occiput, les bâillements sont les seuls retes des mouvements inspiratoires; ils sont les indices des vains efforts que fait la tête pour respirer: phénomène très remarquable, et dont je ferai un grand usage par la suite, en considérant constamment les bâillements comme les signes représentatifs des mouvements inspiratoires.