mystery of yawning
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
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Le bâillement foetal
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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
7 octobre 2012
Mémoire
Masson
Académie Médecine
8 juin 1880
Propagation à distance des affections et des phénomènes nerveux expressifs
 
Jean Rambosson
1827-1886

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La folie chez les enfants Moreau P 1888
 
Jean Rambosson (1827-1886), professeur de physique a publié, dans l'esprit scientiste de son époque, de nombreux livres de vulgarisation scientifique: Les astres (1891), Les Merveilles de l'astronomie et de la météorologie (1887), Histoire des substances précieuses (1859), Les pierres précieuses et les principaux ornements (1884), Histoire des météores et des grands phénomènes de la nature (1870)...
 
Il s'est essayé à proposer des théories fondées sur des lois physiques comme celle présentée ici, innovante et prémonitoire de la découverte des neurons miroirs par Giacomo Rizzolatti et Vittorio Gallese en 1996, et en 1879 une "Loi de la perfectibilité humaine au point de vue du langage et des beaux-arts" !
 
Cette présentation du 8 juin 1880 à l'Académie de Médecine sera reprise au sein d'un livre plus complet et ambitieux: "Phénomènes nerveux, intellectuels et moraux, leur transmission par contagion" paru en 1883 à Paris chez Firmin-Didot.

Il y a toute une classe d'affections et de phénomènes nerveux qui se transmettent à distance, tels que le bâillement, les affections épileptiformes, les tics nerveux divers, la terreur panique, certaines folies, etc., etc.
 
Cette transmission à distance, cette espèce d'épidémie des affections nerveuses est parfaitement constatée, elle n'est mise en doute par personne, au moins pour un certain nombre de faits; mais elle n'a pas été expliquée scientifiquement. La loi qui la régit n'avait pas été formulée jusqu'ici, et c'est cette loi que nous nous sommes proposé d'établir.
 
Les phénomènes et les affections dont nous parlons, sont sous la dépendance d'un mouvement cérébral ou psychique; par conséquent, il faut démontrer comment le mouvement cérébral ou psychique de la personne malade ou affectée, va se reproduire dans le cerveau des personnes qui l'entourent, avec le pouvoir de donner naissance aux mêmes phénomènes.
 
Il ne s'agit donc pas ici d'une simple théorie de la perception en général, mais, je le répète, de savoir comment tel mouvement cérébral qui produit tel phénomène, se transmet à distance avec le pouvoir de reproduire le même phénomène.
 
Notre but est de démontrer la loi de cette propagation, et d'en faire l'application à quelques-uns des phénomènes qui intéressent le plus la science physiologique et médicale.
 
Cette loi repose sur la transmission et la transformation du mouvement expressif dans des milieux divers. Le principe de la transformation du mouvement appliqué aux sciences physiques, quoique tout récent, est d'une fécondité imprévue; il domine toutes ces sciences et y répand des flots de lumière.
 
Mais ce n'est pas seulement dans le milieu physique que la transformation du mouvement peut avoir lieu; elle a lieu également dans le milieu physiologique et dans le milieu psychique.
 
Un mouvement cérébral ou psychique peut se transformer en mouvement physiologique, puis en mouvement physique; ce mouvement physique peut redevenir physiologique, puis cérébral ou psychique, et cela, sans se dénaturer, c'est-à-dire qu'il donne lieu aux mêmes phénomènes en repassant dans les mêmes milieux, et à des phénomènes analogues en repassant dans des milieux analogues.
 
En suivant l'enchaînement de la transmission et de la transformation d'un même mouvement expressif dans toutes ses métamorphoses, sans le perdre un instant de vue, on arrive à la solution d'un grand nombre de problèmes, jusqu'ici regardés comme complètement insolubles, et à l'explication d'une foule de phénomènes relégués avec les faits irréductibles et inexplicables.
 
jean rambosson
 
Pour nous rendre compte de cette propagation, suivons la transmission et la transformation du mouvement, dans l'un des phénomènes de ce genre des plus simples et des plus vulgaires, dans le bâillement, par exemple.
 
Nous choisissons ce phénomène pour l'analyser avec quelques détails, parce que c'est un des mieux connus, dont chacun peut, sans beaucoup de peine, étudier et suivre les manifestations, et parce qu'il permet de saisir avec facilité la loi qui nous occupe. D'ailleurs, ce que nous dirons de lui peut parfaitement s'appliquer à toute autre affection, à tous autres phénomènes nerveux expressifs, c'est-à-dire qui se manifestent à l'extérieur par des tics et des mouvements nerveux divers.
 
Le bâillement, en lui-même, est un mouvement physiologique, qui se révèle à la vue, et aussi à l'ouïe quand il se fait avec bruit.
 
Mais comment ce phénomène fait-il naître un phénomène analogue chez les personnes qui le voient et qui l'entendent? Voici comment.
 
Pour être vu et entendu, il faut que le mouvement physiologique qui constitue le bâillement, se transforme en ondes sonores et en ondes lumineuses; il se transmet donc à l'air et l'éther où s'opère sa transformation.
 
Le mouvement physiologique du bâillement se transe mettant à l'air et à l'éther, et se transformant en mouvement sonore et en mouvement lumineux purement physique, vient impressionner l'organe de la vision et l'organe de l'audition de ceux qui voient et entendent.
 
Ce mouvement physique se transmet donc de nouveau en mouvement physiologique, dans les appareils optiques et acoustiques. (Cela est évident, puisque l'on appelle mouvement physiologique tout mouvement des orgaies.) Et par ces appareils, il se transmet au cerveau, où il est transformé en mouvement cérébral ou psychique.
 
Mais ce mouvement cérébral ne s'éteint pas dans le cerveau, ne se renferme pas dans cet organe, un mouvement de retour instinctif ou plus ou moins volontaire se communique de nouveau aux nerfs et aux muscles, et vient s'épanouir à l'extérieur en donnant lieu à un nouveau bâillement.
 
Cela doit être, car un même mouvement, dans des milieux semblables, produit des mouvements semblables; ce qui revient à dire qu'une même cause, dans des circonstances identiques, produit des effets identiques.
 
Or, en général, tous les hommes et tous les animaux d'une même espèce ont des organes et des facultés semblables, un même mouvement se transforme donc nécessairement chez eux de la même manière et produit un effet analogue. Je dis des facultés et des organes semblables, et non pas égaux, car il peut y avoir de la différence du plus au moins, de même que dans les effets produits.
 
Ce nouveau bâillement peut en déterminer d'autres, et ainsi de suite, par le même enchaînement de transmission et de transformation de mouvement.
 
Voilà la loi dans toute sa généralité. Mais ce fait si vulgaire du bâillement, est loin de nous avoir donné toute sa signification; continuons à l'analyser.
 
On doit noter ici une chose bien remarquable: c'est que le bâillement peut être propagé à distance, non seulement par la vue et par l'ouïe agissant simultanément, mais aussi par la vue seulement ou par l'ouïe seulement.
 
Comme ce fait a une haute importance dans le sujet qui nous occupe, non seulement par lui-même, mais aussi par la lumière qu'il répand sur tous les faits analogues, d'une observation plus difficile, et quelquefois presque impossible, j'ai voulu en avoir une preuve décisive et tout à fait irréfutable.
 
Je me suis présenté à l'établissement national des aveugles de Paris, et j'ai prié l'honorable directeur de vouloir bien m'aider à élucider cette question; ce qu'il a fait avec un empressement des plus obligeants.
 
Nous avons visité les classes des deux sections, celles des filles et celles des garçons; dans chaque classe nous avons interrogé les élèves et les professeurs: tous nous ont dit que lorsqu'ils entendaient bâiller, ils étaient eux-mêmes portés à bâiller, qu'en général ils faisaient effort pour ne pas déranger les voisins, mais que, quelquefois, le bâillement épidémique devenait irrésistible.
 
Nous avons pris à part et séparément chaque institutrice des aveugles, elles ont parfaitement confirmé ce que les élèves venaient de nous dire. De même pour les garçons; mais les professeurs aveugles que nous avons pris à part, moins timides, ont été plus catégoriques ; ils sont entrés dans des observations perspicaces, dans des détails minutieux, qui auraient peut-être été inaperçus par le voyant et entendant, dont l'attention, en général, est moins concentrée. Ils avaient remarqué les courts instants qui s'écoulaient quelquefois après que le bâillement s'était fait entendre, pour qu'ils fussent soumis au même phénomène; ils analysaient avec une remarquable précision ce qu'ils éprouvaient alors, et la résistance plus ou moins grande qu'ils pouvaient y opposer: « Car, ajoutait l'un d'eux, je me retiens quelquefois beaucoup par convenance pour la société. »
 
En un mot, nous avons fait une enquête des plus complètes qui ne laisse aucun doute sur la question, et je puis ajouter que cette enqute a été faite avec d'autant plus de soin, que ce genre d'études intéresse vivement l'honorable directeur de l'établissement.
 
Il est donc bien établi que le bâillement peut se propager à distance par l'ouïe, et que les ondes sonores suffisent pour cette propagation.
 
La propagation du bâillement par la vue, c'est-à-dire par l'intermédiaire des ondes lumineuses, n'est pas moins certaine. Chacun peut s'en convaincre, et même beaucoup plus facilement que pour le cas précédent; mais enfin, comme pour le cas précédent, j'ai voulu en avoir une preuve décisive et irréfutable.
 
Mes observations ont porté sur le sourd-muet comme sur l'aveugle, et les résultats ont été analogues: c'est-à-dire que le sourd-muet bâille par imitation instinctive en voyant le phénomène, comme l'aveugle en l'entendant.
 
Dans le but que je poursuivais, j'ai visité un établissement de sourdes-muettes des environs de Paris (de Bourg-la-Reine), qui est supérieurement tenu, et dans lequel j'ai trouvé le plus bienveillant concours.
 
A mes questions, la directrice des classes a répondu que le bâillement se propageait d'une manière frappante chez les sourdes-muettes, qu'elle l'avait constaté maintes fois, que ce fait était d'ailleurs si évident et si fréquent, qu'on pouvait le constater habituellement, et qu'il devenait quelquefois l'objet de distraction peu agréable.
 
Les institutrices ont répondu de même lorsqu'une élève bâille, a dit l'une, il est rare que trois ou quatre de ses compagnes ne la suivent pas immédiatement; une autre a ajouté que ce phénomène du bâillement propagé â distance, était plus frappant, plus marqué chez le sourd-muet que chez le parlant; que n'étant pas distrait par les bruits, toute son attention se portait dans ce qui frappait la vue, et qu'il était ainsi plus susceptible d'imitation pour les choses dépendantes de ce sens.
 
Je me suis également adressé à deux sourds-muets, illustres parmi leurs frères infortunés, et qui ont vieilli dans le professorat M. Berthier, bien connu par ses remarquables ouvrages, et M. Lenoir, qui consacre aux arts ses années de retraite.
 
J'ai eu avec chacun une conversation sur ce sujet par écrit, qu'ils ont bien voulu signer, et qu'ils m'ont permis de reproduire avec le plus gracieux empressement. En voici le résumé « Le bâillement par imitation instinctive se propage chez le sourd-muet aussi bien que chez le parlant, c'est un fait certain; nous l'avons habituellement observé sur nous-mêmes et sur tous les sourds-muets avec lesquels nous avons eu des relations suivies. On peut d'ailleurs faire cette observation en classe, dans les ateliers, dans les promenades, en un [not, constamment et partout, c'est an fait évident et incontestable. » Nous pourrions citer nombre d'autres témoignages, mais ceux qui précèdent nous semblent plus que suffisants. Cependant, nous ajouterons que M. Vaisse, directeur honoraire de l'institution nationale des sourds-muets de Paris, qui a passé une vie de dévouement au milieu de ces infortunés, et à qui rien de ce qui intéresse l'aveugle aussi bien que le sourd-muet n'est étranger, est venu également, par ses propres informations, confirmer nies informations et mes renseignements personnels sur ces deux classes d'infortunés. Il est donc bien établi que le bâillement peut se propager à distance, par la vue et par l'ouïe simultanément, ou par la vue seulement, et par l'ouïe seulement. Ces faits rendent également évident que ce sont les ondes sonores et les ondes lumineuses qui servent d'intermédiaire dans la propagation à distance du mouvement cérébral ou psychique.
 
 
Ainsi, d'un côté, il y a transformation du mouvement physiologique qui caractérise le bâillement, en ondes lumineuses, d'un autre côté en ondes sonores; mais les ondes lumineuses et les ondes sonores étant ici la manifestation d'un seul et même mouvement cérébral, leur concours tend également à reproduire ce même mouvement, ou un mouvement analogue lorsqu'il arrive dans un cerveau identique ou analogue.
 
De la reproduction de l'affection ou du phénomène qui dépend de ce mouvement cérébral.
 
Reprenons l'analyse de ces mouvements:
 
Le mouvement cérébral est bien un mouvement physiologique, mais comme il se manifeste simultanément avec les phénomènes de l'instinct et de l'intelligence, il est nécessaire, croyons-nous, pour établir toute la clarté désirable dans l'analyse des phénomènes, de le distinguer nettement de tous les autres mouvements physiologiques qui ne sont pas nécessairement liés à ces phénomènes; c'est pour cette raison que nous lui donnons une dénomination propre, et que nous l'appelons mouvement psychique.
 
Le mouvement physiologique qui constitue les affections ou les phénomènes nerveux que nous étudions, dépend du cerveau; l'anatomie et la physiologie ne laissent aucun doute sur ce point.
 
Mais les ondes sonores et les ondes lumineuses produites par le phénomène physiologique, sont-elles bien la suite, la continuation, la transformation du mouvement cérébral ?
 
Il n'y a pas plus à en douter; le fait devient de la dernière évidence lorsque l'on observe que c'est du mouvement cérébral que naît le mouvement physiologique qui nous occupe, et que c'est du mouvement physiologique que naissent les ondes sonores et les ondes lumineuses. Sans mouvement cérébral, le mouvement physiologique n'existe plus; sans mouvement physiologique, il n'y a plus d'ondes sonores ou lumineuses expressives.
 
Il y a entre ces trois faits qui naissent successivement l'un de l'autre: mouvement cérébral, mouvement physiologique et mouvement physique, une relation tellement intime que l'un ne peut varier sans les autres; et les variations, les changements qui les modifient sont toujours les mêmes pour les mêmes phénomènes.
 
Ces trois mouvements ne sont donc que la manifestation la continuation d'un mouvement unique qui a son point de départ dans le cerveau: c'est le mouvement cérébral ou psychique qui se poursuit dans des milieux divers, voilà tout. Il change d'allure suivant les milieux qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste ; et lorsqu'il repasse dans un même milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend ses premières allures, il reproduit les mêmes manifestations ou des manifestations analogues.
 
Les ondes sonores et les ondes lumineuses changent, varient, se modifient, suivant que le mouvement physiologique change, varie, se modifie; et le mouvement physiologique, de son côté, suit toutes les phases du mouvement cérébral.
 
On est donc bien obligé de reconnaître le mouvement cérébral ou psychique, transmis et transformé successivement en mouvement physiologique, puis en mouvement purement physique. Il n'y a absolument que lui qui agit ici par sa transmission et sa transformation.
 
Mais ce mouvement physique, qui est la transformation du mouvement cérébral et du mouvement physiologique auquel le mouvement cérébral a donné naissance, va-t-il réellement redevenir physiologique en impressionnant les organes des spectateurs ?
 
Évidemment, puisque l'on appelle mouvement physiologique tout mouvement des organes; bien plus, et c'est là l'esentiel, il ne se dénature pas dans toutes ses transformations, puisque, dès qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il tend à reproduire le même phénomène physiologique qui s'est produit chez la personne dont le changements qui les modifient sont toujours les mêmes pour les mêmes phénomènes.
 
Ces trois mouvements ne sont donc que la manifestation la continuation d'un mouvement unique qui a son point de départ dans le cerveau: c'est le mouvement cérébral ou psychique qui se poursuit dans des milieux divers, voilà tout. Il change d'allure suivant les milieux qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste ; et lorsqu'il repasse dans un même milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend ses premières allures, il reproduit les mêmes manifestations ou des manifestations analogues.
 
Les ondes sonores et les ondes lumineuses changent, varient, se modifient, suivant que le mouvement physiologique change, varie, se modifie; et le mouvement physiologique, de son côté, suit toutes les phases du mouvement cérébral.
 
On est donc bien obligé de reconnaître le mouvement cérébral ou psychique, transmis et transformé successivement en mouvement physiologique, puis en mouvement purement physique. Il n'y a absolument que lui qui agit ici par sa transmission et sa transformation.
 
Mais ce mouvement physique, qui est la transformation du mouvement cérébral et du mouvement physiologique auquel le mouvement cérébral a donné naissance, va-t-il réellement redevenir physiologique en impressionnant les organes des spectateurs ?
 
Évidemment, puisque l'on appelle mouvement physiologique tout mouvement des organes; bien plus, et c'est là l'esentiel, il ne se dénature pas dans toutes ses transformations, puisque, dès qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il tend à reproduire le même phénomène physiologique qui s'est produit chez la personne dont le changements qui les modifient sont toujours les mêmes pour les mêmes phénomènes.
 
Ces trois mouvements ne sont donc que la manifestation la continuation d'un mouvement unique qui a son point de départ dans le cerveau: c'est le mouvement cérébral ou psychique qui se poursuit dans des milieux divers, voilà tout. Il change d'allure suivant les milieux qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste ; et lorsqu'il repasse dans un même milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend ses premières allures, il reproduit les mêmes manifestations ou des manifestations analogues.
 
Les ondes sonores et les ondes lumineuses changent, varient, se modifient, suivant que le mouvement physiologique change, varie, se modifie; et le mouvement physiologique, de son côté, suit toutes les phases du mouvement cérébral.
 
On est donc bien obligé de reconnaître le mouvement cérébral ou psychique, transmis et transformé successivement en mouvement physiologique, puis en mouvement purement physique. Il n'y a absolument que lui qui agit ici par sa transmission et sa transformation.
 
Mais ce mouvement physique, qui est la transformation du mouvement cérébral et du mouvement physiologique auquel le mouvement cérébral a donné naissance, va-t-il réellement redevenir physiologique en impressionnant les organes des spectateurs ?
 
Évidemment, puisque l'on appelle mouvement physiologique tout mouvement des organes; bien plus, et c'est là l'esentiel, il ne se dénature pas dans toutes ses transformations, puisque, dès qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il tend à reproduire le même phénomène physiologique qui s'est produit chez la personne dont le mouvement cérébral a d'abord donné le branle à tout, et qui a été ainsi transmis et transformé.
 
C'est donc bien le même mouvement cérébral qui est reproduit, puisqu'il donne lieu aux mêmes effets.
 
Si l'on ne reconnaissait pas là l'identité d'un même mouvement aux allures diverses, suivant la diversité des milieux auquels il se transmet, il faudrait renoncer à connaître les relations constantes qui existent, et que tous admettent entre les causes et les effets, et réciproquement, entre les effets et les causes; c'est-à-dire que tout raisonnement et toute science deviendraient désormais impossibles.
 
Cela est parfaitement clair, et aucune loi ne peut être prouvée d'une manière plus décisive que celle qui nous occupe. Il n'y a pas un fait qui la contredise, et elle explique tous les faits qui sont sous sa dépendance.
 
Lorsque le mouvement arrive au cerveau, il tend de nouveau à le franchir pour redonner naissance à l'affection ou au phénomène nerveux qui en dépendent; les personnes faibles ou qui ont des prédispositions à reproduire le phénomène ou l'affection sont entraînées, les autres résistent plus ou moins.
 
Et si l'on continue à suivre cette, nouvelle série de mouvements, on verra que les mêmes phénomènes tendent à se reproduire indéfiniment.
 
Cette grande loi de la transmission et de la transformation du mouvement cérébral ou psychique dans des milieu:: divers, qui explique tant de choses, se présente donc à nous de la manière la plus évidente.
 
Que l'on me permette d'ajouter deux mots sur le rapport des ondes sonores et des ondes lumineuses.
 
Ces ondes lumineuses et ces ondes sonores qui sont comme la suite, la continuation du mouvement cérébral et du mouvement physiologique qui leur ont donné naissance, ne se dénaturent pas dans leur parcours; elles demeurent toujours, les unes et les autres, l'expression d'un même phénomène, quelle que soit la diminution de leur intensité, jusqu'à ce qu'elles s'éteignent; ce que nous avons dit suffit pour le démontrer.
 
Cependant, nous ferons remarquer qu'on peut le démontrer encore non seulement par tous les phénomènes de perception qui en sont la conséquence, mais l'art vient au secours de la science et ne laisse aucun doute sur cette affirmation. Est-ce que la photographie ne permet pas de saisir l'expression lumineuse à une distance quelconque de son point de départ ? Et, de son côté, l'acoustique ne nous permet-elle pas de reproduire l'image des ondes sonores avec tous leurs mouvements harmoniques les plus fins, les plus déliés, les plus délicats, dans des dessins permanents, qui nous révèlent par des lignes ordonnées et symétriques l'ordre que conservent les ondes sonores, dans toute la suite de leur course fugitive ?
 
Et, malgré la différence de forme et de vitesse, dans ces ondes diverses (les ondes de la lumière sont transversales
et parcourent 298 000 kilomètres par seconde; celles du son, au contraire sont, longitudinales et parcourent seulement, dans l'air, 340 mètres environ par seconde) ; malgré cette différence, dis-je, il y a quelque chose de commun entre elles c'est qu'elles sont ordonnées et spéciales pour chaque phénomène; elles en constituent l'expression propre et naturelle; si le phénomène se modifie, elles se modifient également avec lui, de manière que les ondes sonores et les ondes lumineuses, pour un même phénomène, sont toujours dans un rapport constant ; elles changent simultanément avec lui, et, si je puis m'exprimer ainsi, elles peuvent se traduire les unes par les autres; elles sont équivalentes et synonymes.
 
En sorte qu'arrivées au cerveau, par la suite des transmissions et des transformations qui nous occupent, ces deux mouvements concourent à la production d'un même mouvement cérébral, qui tend à se manifester à l'extérieur d'une manière analogue à celui qui a d'abord donné naissance à ces ondes sonores ou lumineuses.
 
Bien que la différence de vitesse des ondes lumineuses et des ondes sonores soit des plus considérables, il est facile de comprendre que leur concours, dans les phénomènes qui nous occupent, peut être regardé comme simultané. En effet, lors même que l'on regarderait l'impression lumineuse comme étant instantanée, comme ne demandant aucun temps pour atteindre le cerveau, il n'y aurait entre l'impression de la lumière et celle du son, parcourant environ 340 mètres par seconde, qu'une différence d'un trentequatrième de seconde pour une distance de dix mètres, et d'un dix-septième de seconde pour une distance de vingt mètres; distance qui, en général, est déjà exhorbitante pour la propagation des phénomènes dont nous parlons. Les ondes sonores et les ondes lumineuses peuvent donc, dans le cas qui nous occupe, être regardées comme agissant simultanément.
 
D'ailleurs, lors même qu'elles agiraient successivement d'une manière sensible, lors même qu'elles agiraient séparément, il n'y aurait rien de changé dans la loi ni dans la production des phénomènes; nous l'avons vu.
 
Il est à remarquer que la répétition du phénomène fait beaucoup pour sa reproduction.
 
Voici, sous ce rapport, un fait curieux; il m'a été raconté par un vénérable vieillard qui a passé sa vie dans l'enseignement supérieur, et dont la haute intelligence n'est étrangère à aucune des questions de science et de philosophie.
 
« Il y a une cinquantaine d'années, me dit-il, il s'est présenté dans mon institution, à Verdun, un personnage qui nie proposa, pour une légère rétribution, de donner comme récompense à mes élèves une récréation assez étrange
 
« Je m'engage, ajputa-t-il, à les faire tous bâiller, sans exception, et même les professeurs.
 
« Les conditions furent acceptées, élèves et professeurs furent bien résolus de résister le plus possible, et d'infliger un éclatant démenti aux prétentions du personnage; mais, dans le nombre, deux professeurs et dix élèves jurèrent plus particulièrement de ne pas bâiller, et des paris s'établirent dans ce sens.
 
«Tous étaient réunis dans une grande et vaste salle, tous étaient attentifs, et quelques rires de défi commencèrent par se faire entendre; cependant, le personnage en question, bien en vue, débuta par des bâillements légers; il les accentua peu à peu, puis il en vint jusqu'à effectuer d'affreux bâillements, cependant avec mesure et méthode.
 
Il y eut quelques élèves qui ne tardèrent pas à être entraînés; puis, quelques autres, puis quelques autres encore, et les plus récalcitrants furent également obligés de subir l'épidémie. Chez les plus faibles, le bâillement était à son comble; ils se tordaient sur les bancs, ils en étaient malades. L'influence de la répétition est donc ici bien frappante.
 
Je cite ce fait, non seulement parce qu'il rentre parfaitement dans mon sujet, mais aussi parce qu'il peut éclairer ce qui se passe dans un grand nombre d'épidémies nerveuses.
 
Il est également à remarquer que la reproduction simulée des affections nerveuses développe les prédispositions à ces affections, c'est-à-dire facilite la propagation du mouvement expressif. Le fait suivant, rapporté dans les Mémoires du duc de Saint-Simon, vient à l'appui de cette observation, et fait voir également l'appréhension que l'on avait de son temps de la propagation à distance de ce genre d'affection « Le roi, dit-il, avait fait prier la duchesse de Châtillon de ne point venir à la cour quand la duchesse de Bourgogne aurait des soupçons de grossesse, ni quand elle serait grosse. Elle avait acquis, en contrefaisant une religieuse du couvent où elle avait été avant de venir chez sa tante, un tic rare et peu perceptible jusqu'à quelque temps après son mariage, et qui depuis s'était augmenté un point qu'à toute minute son visage se démontait à effrayer, sans qu'elle-même s'en aperçût le plus souvent par la continuelle habitude.
 
Ce fait peut se passer de commentaire, mais nous devons remarquer qu'il y a des personnes qui subissent avec une grande facilité l'influence épidémique des affections nerveuses, tandis que d'autres sont pour ainsi dire complètement insensibles à ces influences; entre ces deux extrêmes, chacun occupe un degré intermédiaire. C'est comme pour l'influence de la musique, qui s'exerce également par la même loi, nous le verrons plus loin.
 
Il y a aussi des personnes qui résistent parfaitement à l'influence de telle affection nerveuse et qui sont atteintes par telle autre; de plus, par une volonté énergique, on peut lutter avec avantage contre ces influences, en neutralisant le mouvement expressif qui les propage; c'est ce qui fait que les procédés d'intimidation sont quelquefois excellents comme préventif de ce genre d'épidémie. Tous ces faits sont parfaitement explicables, et bien loin d'être contraires à la loi que nous avons formulée, ils la confirment, si on les interprète comme on doit le faire.
 
Ce que nous venons de dire du bâillement peut s'appliquer à une affection, à un phénomène nerveux expressif quelconque.
 
Examinons brièvement un autre phénomène, la terreur panique, par exemple, qui s'empare quelquefois de nombreux combattants sur le champ de bataille, ét qui peut, par contagion, descendre dans le coeur des plus fiers héros. Les animaux sont également sujets à cette terreur contagieuse, et des troupeaux entiers peuvent en être atteints.
 
Un animal, par exemple, est saisi de cette terreur pour une cause ou pour une autre: cette terreur s'exprime aussitôt dans ses regards, dans sa physionomie, dans son attitude, dans ses mouvements, dans ses cris.
 
Il y a là, d'abord, un mouvement cérébral ou psychique, qui se transmet aux nerfs, aux muscles, aux divers organes; puis à l'air et à l'éther où il se transforme en ondes sonores et en ondes lumineuses, mouvements purement physiques qui, par une nouvelle suite de transmissions et de transformations, comme nous l'avons vu précédemment, vont donner naissance, chez les animaux qu'ils atteignent, à un mouvement cérébral ou psychique analogue à celui que la terreur panique a produit chez le premier animal, et qui a causé toute la série de mouvements. De là aussi, production de cette même terreur chez ceux que l'impulsion entraîne.
 
Il se présente ici une différence entre l'homme et l'animal, qu'il est bon de constater: le mouvement cérébral qui produit la terreur panique chez l'animal, a un résultat fatal, tandis que l'homme peut, par sa volonté, par la puissance qu'il exerce sur le cerveau, neutraliser ce mouvement cérébral, le calmer, et ainsi résister plus ou moins à l'impulsion.
 
On expliquerait et on démontrerait de même la propagation d'une foule de maladies, de tics et de mouvements nerveux, depuis le simple bâillement jusqu'à l'épilepsie, car on sait que cette maladie peut, chez les personnes faibles, se propager par la vue; l'influence de l'exemple bon ou mauvais; les crimes de même nature qui se multiplient quelquefois d'une manière effrayante; les épidémies de suicides, de certaines folies, la fascination, la communication des mouvements instinctifs, et même les modifications de l'instinct et des penchants, les airs de famille, etc., etc.
 
On nous dira peut-être que nombre de phénomènes dont nous parlons, se propagent par imitation instinctive; mais dire cela c'est ne rien dire, si l'on ne démontre pas ce que c'est que cette imitation. C'est là le problème, et c'est un de ceux que la loi que nous avons formulée résout scientifiquement.
 
Les problèmes que nous venons d'indiquer, et que résout l'application du principe de la transmission et de la transformation du mouvement dans des milieux divers, sont, il est vrai, nombreux et importants. Mais ce principe est plus important encore, puisqu'il les résout et peut en résoudre beaucoup d'autres. Il se présente comme une formule algébrique qui permet de donner à priori la solution de tous les problèmes qui appartiennent à une même classe, à une même catégorie.
 
Nous pourrions continuer à faire l'application de la loi de la transmission et de la transformation du mouvement expressif, à un nombre quelconque d'affections ou de phénomènes nerveux, mais ce serait, croyons-nous, une répétition inutile, car cette loi nous paraît aussi rigoureusement démontrée qu'il est possible qu'elle le soit.
 
Cependant, comme elle s'applique également à des phénomènes d'un tout autre genre que ceux qui viennent de nous occuper, je demande la permission d'en signale: l'application sur un point fécond, qui intéresse également la physiologie et la médecine.
 
Dans un Mémoire dont j'ai eu l'honneur de lire le résumé devant l'Académie de médecine, je démontre qu'il y a une musique qui agit spécialement sur les nerfs moteurs et sur l'intelligence, et une musique qui agit spécialement sur les nerfs sensitifs et sur les sentiments. Que l'on me permette de rappeler quelques lignes de ce Mémoire, nécessaires pour saisir ce qui va suivre.
 
Pour résumer la question, je m'exprimais ainsi « Prenons les deux extrêmes: voilà, par exemple, un régiment qui passe musique en tête, jouant une simple marche; tout le monde se trouve ébranlé; il n'y a pas jusqu'aux enfants qui, même d'une manière inconsciente, ne marquent la mesure; les passants se mettent instinctivement au pas, et un grand nombre sont naturellement entraînés dans un même mouvement à suivre la troupe.
 
Évidemment, cette musique agit spécialement sur les nerfs moteurs et sur l'intelligence qui comprend le nombre et la mesure.
 
« Mais voici une réunion d'élite, silencieuse et recueillie dans un sanctuaire d'artiste: les mélodies sentimentales de Mozart, de Haydn, de Beethoven ou de quelques autres grands maîtres se font entendre. Le prélude, comme un coup de baguette magique, saisit tout le monde, l'émotion gagne, et bientôt les larmes que l'on comprime en vain, brillent dans tous les yeux et nous révèlent les sentiments profonds qui ont envahi toute l'assemblée.
 
« Évidemment, cette musique agit spécialement sur les sentiments et sur les nerfs de la sensibilité. »
 
De ce qui précède et de phénomènes analogues, on peut déduire les propositions suivantes; chacun peut d'ailleurs en contrôler la justesse en analysant soigneusement les faits:
 
1° Il y a une musique qui agit spécialement sur l'intelligence et sur les nerfs moteurs.
 
2° Il y a une musique qui agit spécialement sur les sentiments et sur les nerfs sensitifs.
 
3° Il y a une musique qui agit tout à la fois sur les nerfs moteurs et sur les nerfs sensitifs, sur l'intelligence et sur les sentiments; en général, c'est ce qui a lieu le plus souvent.
 
4° Mais depuis la musique qui agit le plus sur l'intelligence et sur les nerfs moteurs, et celle qui agit le plus sur les sentiments et les nerfs sensitifs, il y a une infinité de degrés où chaque genre trouve sa place.
 
L'influence de la musique est générale, il n'y a de différence que du plus au moins, suivant la nature des organisations.
 
Je suis d'abord arrivé à formuler ces lois, qui permettent de faire en hygiène et en médecine, principalement dans les affections mentales, un usage raisonné et scientifique de la musique, par l'analyse des faits, des divers genres de mélodies et de leur influence directe sur les personnes.
 
Eh bien, chose des plus remarquables dans le sujet qui nous occupe, la grande loi de transmission et de transformation du mouvement expressif que nous venons d'exposer, nous les démontre a priori, et nous les donne comme conséquence. Si nous n'y étions arrivé par l'analyse la plus minutieuse des faits, nous y serions arrivé par cette loi.
 
Il est facile de le faire voir.
 
L'artiste ou la personne qui s'exprime dans la mélodie, imprime d'abord un mouvement au cerveau, mouvement qui est la manifestation de son état psychique.
 
Ce mouvement cérébral ou psychique se communique aux nerfs, aux muscles, à l'appareil vocal tout entier; puis, par les vibrations de l'appareil vocal, à l'air, et se transforme ainsi en ondes sonores, mouvement purement physique.
 
Ce mouvement physique, mais mesuré, ordonné, des ondes sonores, qui est l'expression des pensées, des sentiments, en un mot de l'état psychique de l'artiste, va se transmettre à l'appareil acoustique des auditeurs, puis à leur cerveau; il redevient ainsi cérébral, et par suite révèle naturellement, spontanément, le motif exprimé, ou l'état psychique de la personne ou de l'artiste dont il est la manifestation, puisqu'à un même mouvement cérébral correspond une même manifestation psychique et nerveuse.
 
Mais il n'y a pas seulement ici compréhension spontanée de la musique; le mouvement expressif ne s'éteint pas dans le cerveau auquel il s'est transmis: nous l'avons vu précédemment, un mouvement de retour se manifeste plus ou moins, et tend à reproduire le mouvement physiologique et autres qui en dépendent.
 
Par conséquent, si la musique exprime un simple mouvement mesuré, rhythmé, une simple marche, par exemple, elle tendra à produire sur les auditeurs une excitation, un mouvement mesuré rhythmé analogue et une même inervation; si c'est au contraire un motif sentimental qui est exprimé, c'est le sentiment qui sera excité chez les auditeurs, et l'inervation qui y correspond. Il n'y a de différence que du plus au moins.
 
C'est en effet ce qui a lieu, et ce qui doit avoir lieu nous l'avons démontré, nous le répétons, non plus en suivant le mouvement transmis et transformé dans ses allures et ses métamorphoses diverses, mais par l'analyse minutieuse des genres de musique et des effets produits directement.
 
Ainsi, nous arrivons donc au même résultat par deux voies différentes qui se confirment l'une l'autre.
 
Je ne parle ici que de l'influence directe de la musique, et non de son influence indirecte ou nostalgique; c'est une question tout à fait différente que j'ai développée ailleurs.
 
On voit que cette loi explique également la compréhension spontanée d'un motif musical par tous les auditeurs: jusqu'à ce jour ce problème paraissait inexplicable; on regardait cette compréhension comme un fait irréductible et indémontrable.
 
Ce que nous venons de dire de la musique, peut se dire de tous les beaux-arts et de tout langage ou expression naturelle.
 
Au lieu d'un motif de musique qui nous impressionne, que ce soit un cri de joie ou de profonde douleur, ou même un simple geste spontané, en un mot, une expression naturelle quelconque? La même loi de transmission et de transformation du mouvement expressif nous expliquera sa compréhension naturelle et spontanée, par tout homme, à quelque nation qu'il appartienne, et quelle que soit la langue qu'il parle ou qu'il ignore et l'effet nerveux et psychique qui s'y rattache.
 
Il en est pour le geste et pour le cri naturel produit par un même état psychique, comme pour le bâillement: les ondes sonores et les ondes lumineuses ont pour cause un même mouvement cérébral, et ces ondes tendent simultanément ou séparément, à reproduire ce même mouvement chez les spectateurs; et de là, révélation spontanée de l'état psychique, par l'une ou par l'autre expression séparément, ou par les deux simultanément. Dans ce cas, le geste et le cri sont des synonymes naturels.
 
On voit donc également que cette loi indique la différence essentielle qu'il y a entre un langage naturel et un langage conventionnel; différence qui n'avait pas été établie, ce qui laissait nombre de problèmes dans l'impossibilité d'ètre résolus.
 
Le langage naturel est un mouvement direct, immédiat, produit par le jeu, par l'action des facultés instinctives et intellectuelles; le langage conventionnel est un mouvement conventionnel, un mouvement neutre, si je puis m'exprimer ainsi, auquel on fait signifier ce que l'on veut. Nous l'avons rigoureusement établi dans de précédents Mémoires.
 
Ce principe explique également, entres autres problèmes de ce genre, la nature du langage des animaux, et la compréhension nécessaire et spontanée d'un même langage chez tous les animaux d'une même espèce.
 
L'anatomie et la physiologie comparées ont parfaitement décrit les organes qui président au cri, et en général à toutes les expressions naturelles chez les animaux. Mais comment ces cris, et tout ce qui constitue le langage naturel, révèlent-ils l'état psychique qui leur donne naissance?
 
Cette question n'avait pas été démontrée.
 
Il n'y a évidemment pas de confusion à faire de ce mouvement expressif qui propage les phénomènes à distance, par l'intermédiaire du milieu ambiant, avec les mouvements physico-chimiques nécessaires à l'entretien et au fonctionnement de l'organisation; ces mouvements physico-chymiques peuvent se produire simultanément avec la propagation du mouvement expressif dans le milieu physiologique, mais ils ne le dénaturent pas et ne se confondent pas avec lui.
 
Il est évident que ce mouvement est également d'une autre nature que le mouvement chimico-calorifique, étudié pour la première fois en 186o, par M. Béclard, l'éminent secrétaire perpétuel de l'Académie de médecine. Le savant physiologiste a eu pour but de démontrer que dans la contraction musculaire avec charge, il y a disparition d'une certaine quantité de chaleur qui se transforme en mouvement.
 
M. Marcy, de l'Institut, s'est de même particulièrement occupé, et avec le plus grand succès, de la transformation des diverses forces dans l'organisation; on peut voir sur ce sujet son remarquable ouvrage sur la machine animale.
 
Mais le mouvement expressif qui nous occupe, ne rentre dans aucune de ces études.
 
On ne le confondra pas non plus avec les mouvements réflexes, d'abord si bien observés au commencement de ce siècle par Proschaska, et si bien décrits ensuite par tous les physiologistes. Cependant, des affections et des phénomènes nerveux qui se propagent à distance, peuvent avoir pour origine un mouvement semblable; par exemple, chez la première personne qui manifeste le bâillement, ce phénomène peut être le résultat d'un mouvement réflexe, mais ce même bâillement produit par contagion n'a évidemment plus la même origine.
  
Résumé et conclusion
 
Cette loi de la transmission et de la transformation du mouvement expressif, démontre donc qu'un mouvement cérébral quelconque peut se propager à distance; qu'il peut aller se reproduire d'une manière identique ou analogue dans des cerveaux d'une même espèce, en faisant renaître tous les phénomènes qui en dépendent. Cette loi est donc évidemment une des plus vastes lois physiologiques formulées jusqu'à ce jour, puisqu'elle a sous sa dépendance les phénomènes de l'instinct et de l'intelligence qui se manifestent simultanément avec le mouvement cérébral, et les phénomènes de l'inervation qui s'y rattachent.
 
De prime abord, on serait peut-être porté à croire que cette loi agit d'une manière fatale chez l'homme comme chez l'animal.
 
Mais si on y regarde plus attentivement, on verra qu'elle tend à mettre la liberté morale pleinement en relief; car, quand le mouvement cérébral se produit et qu'il sollicite la reproduction du phénomène, on peut, sauf exception, par une volonté énergique, résister à ce mouvement, le neutraliser plus ou moins, et quelquefois en triompher complètement; comme on peut également, avec le concours de la volonté, le développer et accentuer le phénomène. Cela est d'expérience journalière et tout à fait incontestable.
 
Voici comment cette loi nous paraît devoir être formulée:
 
Un mouvement purement physique peut se transformer en mouvement physiologique et en mouvement psychique ou cérébral, en se transmettant à ces divers milieux; et, réciproquement, un mouvement psychique peut se transformer en mouvement physiologique et en mouvement physique en se transmettant d'un milieu à un autre, et cela, sans se dénaturer; c'est-à-dire qu'il reproduit les mêmes phénomènes après toutes ces transmissions et ces transformations, en repassant dans un même milieu.
 
Nous avons démontré, par des faits bien précisés, que les ondes sonores aussi bien que les ondes lumineuses peuvent, simultanément ou séparément, servir d'intermédiaire pour la propagation à distance du mouvement cérébral, et, par conséquent, des affections et des phénomènes nerveux qui en dépendent.
 
Nous avons cité des faits qui font voir l'influence de la répétition sur la propagation des affections et des phénomènes qui nous occupent; ils font voir également combien la simulation de ces affections et de ces phénomènes augmente les prédispositions à leur égard.
 
Nous avons indiqué plusieurs problèmes importants que cette propagation du mouvement cérébral à distance peut résoudre, et nous en avons fait une application spéciale à l'influence de la musique sur le physique et sur le moral; influence que nous avions déjà déterminée par l'analyse directe des faits: nous sommes ainsi arrivé au même résultat par deux voies différentes qui se confirment l'une l'autre.
 
Il y a quelques années, il aurait été impossible, il me semble, de formuler ce principe d'une manière complète, la théorie de l'ondulation pour la lumière n'était pas suffisamment établie, et la théorie de l'émission avait encore de nombreux adhérents: des hommes aussi célèbres que Laplace et Malus, morts l'un en 1812, l'autre en 1827, et Riot et Brewster qui furent nos contemporains, professaient encore la théorie de l'émission qui est aujourd'hui complètement abandonnée, la théorie de l'ondulation étant établie scientifiquement.
 
On n'était guère plus avancé pour la cause réelle de plusieurs autres faits qui rentrent dans notre sujet, et avant que la théorie de la transformation des forces, qui est également récente, fût admise dans les sciences physiques, les savants n'osaient trop s'aventurer dans la voie suivie aujourd'hui.
 
Les sciences physiologiques laissaient également beaucoup à désirer sous ce rapport; le siège principal des facultés instinctives et intellectuelles n'était pas suffisamment déterminé, ainsi que le rôle simultané des mouvements cérébraux qui accompagnent les manifestations de ces facultés.
 
Mais aujourd'hui toutes ces données de la science sont suffisamment élaborées pour nous permettre, avec toute la rigueur de la plus sévère logique, la généralisation que nous venons d'exposer et dont il est facile de vérifier l'exactitude. Et, comme nous l'avons indiqué, cette vérification a été déjà faite par des maîtres éminents.
 
 
Jean Rambosson,
n° 6, rue Cassini, près de l'Observatoire, PARIS.
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