  
                     
                     -  
 
                     
                     - LXXIV.
                     SENECA LUCILIO SUO SALUTEM. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - (30) Sequitur illud quod me responsurum esse
                     dicebam. Non affligitur sapiens liberorum
                     amissione, non amicorum; eodem enim animo fert
                     illorum mortem quo suam exspectat; non magis
                     hanc timet quam illam dolet. Virtus enim
                     conuenientia constat: omnia opera eius cum ipsa
                     concordant et congruunt. Haec concordia perit si
                     animus, quem excelsum esse oportet, luctu aut
                     desiderio summittitur. Inhonesta est omnis
                     trepidatio et sollicitudo, in ullo actu
                     pigritia; honestum enim securum et expeditum
                     est, interritum est, in procinctu stat. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - (31) 'Quid ergo? non aliquid perturbationi
                     simile patietur? non et color eius mutabitur et
                     uultus agitabitur et artus refrigescent? et
                     quidquid aliud non ex imperio animi, sed
                     inconsulto quodam naturae impetu geritur?'
                     Fateor; sed manebit illi persuasio eadem, nihil
                     illorum malum esse nec dignum ad quod mens sana
                     deficiat. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - (32) Omnia quae facienda erunt audaciter
                     faciet et prompte. Hoc enim stultitiae proprium
                     quis dixerit, ignaue et contumaciter facere quae
                     faciat, et alio corpus impellere, alio animum,
                     distrahique inter diuersissimos motus. Nam
                     propter illa ipsa quibus extollit se miraturque
                     contempta est, et ne illa quidem quibus
                     gloriatur libenter facit. Si uero aliquod
                     timetur malum, eo proinde, dum exspectat, quasi
                     uenisset urguetur, et quidquid ne patiatur timet
                     iam metu patitur. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - (33) Quemadmodum in corporibus infirmis
                     languorem signa praecurrunt - quaedam enim
                     segnitia eneruis est et sine labore ullo
                     lassitudo et
                     oscitatio et
                     horror membra percurrens - sic infirmus animus
                     multo ante quam opprimatur malis quatitur;
                     praesumit illa et ante tempus cadit. Quid autem
                     dementius quam angi futuris nec se tormento
                     reseruare, sed arcessere sibi miserias et
                     admouere? quas optimum est differre, si
                     discutere non possis. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - (34) Vis scire futuro neminem debere
                     torqueri? Quicumque audierit post quinquagesimum
                     annum sibi patienda supplicia, non perturbatur
                     nisi si medium spatium transiluerit et se in
                     illam saeculo post futuram sollicitudinem
                     immiserit: eodem modo fit ut animos libenter
                     aegros et captantes causas doloris uetera atque
                     obliterata contristent. Et quae praeterierunt et
                     quae futura sunt absunt: neutra sentimus. Non
                     est autem nisi ex eo quod sentias dolor.
                     Vale.
 
                     
                     - 
                     
                     
 
                     
                      
                     
                     - QU'IL N'Y A DE BON QUE CE QUI EST
                     HONNETE. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - Le sage ne s'afflige point de la perte de
                     ses enfants, non plus que de celle de ses amis ;
                     il supporte la mort des autres avec le
                     même courage qu'il envisage la sienne ;
                     celle-ci ne l'effraie pas plus que l'autre ne le
                     désole. La vertu, en effet, est toute
                     d'harmonie : ses oeuvres ne peuvent que
                     concorder et cadrer avec son principe ; et cet
                     accord périt, quand l'âme, qui doit
                     rester élevée, se laisse abattre
                     par le deuil et par les regrets. La peur,
                     l'inquiétude, la paresse en quoi que ce
                     soit, sont des faiblesses que l'honnête
                     condamne; car l'honnête est tranquille,
                     libre de souci, intrépide et toujours en
                     haleine. - Quoi, dira-t-on, un sage
                     n'éprouvera-t-il rien qui ressemble
                     à du trouble? ne changera-t-il pas de
                     couleur? ses traits n'éprouveront-ils
                     aucune altération, et ses membres aucun
                     frisson ? ne ressentira-t-il enfin aucun de ces
                     mouvements que la force de la nature excite sans
                     le consentement de la raison ? - Il pourra en
                     être ainsi; mais cette même
                     persuasion lui restera toujours : qu'il n'y a
                     rien dans tout cela qui soit un mal, rien dont
                     une âme saine doive s'affecter. Tout ce
                     qu'il faudra faire, il l'exécutera avec
                     audace et promptitude ? 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - Car, qui ne reconnaît que c'est le
                     propre de la folie, de faire avec mollesse et
                     répugnance ce qu'il faut faire, de
                     pousser son corps d'un côté, son
                     âme de l'autre, et d'être
                     partagé entre des mouvements
                     contradictoires ? Ajoutez à cela que la
                     folie est méprisée à cause
                     des actes mêmes dont elle s'applaudit et
                     se félicite le plus ; sans compter
                     qu'elle ne fait même pas de bonne
                     grâce les choses dont elle se glorifie. Si
                     quelque mal est à craindre, l'attente de
                     ce mal la tourmente autant que le ferait sa
                     présence; et la peur lui fait
                     éprouver par avance tout ce qu'elle a
                     peur d'éprouver. De même que chez
                     les sujets faibles, la maladie s'annonce par des
                     signes avant-coureurs : soit un
                     relâchement des nerfs, soit de la
                     lassitude sans travail qui l'ait
                     provoquée, soit des
                     bâillements,
                     soit enfin un frisson qui parcourt les membres;
                     ainsi une âme faible, longtemps avant
                     d'être attaquée par le mal, en
                     reçoit le choc; elle souffre par
                     anticipation, et succombe avant le temps. 
 
                     
                     -  
 
                     
                     - Quoi de plus fou que de se tourmenter de
                     l'avenir ! que de ne pas se réserver pour
                     la souffrance, mais d'aller au-devant de maux
                     qu'il serait plus sage d'ajourner, si l'on ne
                     peut entièrement les chasser !
                     Voulez-vous vous convaincre de la
                     nécessité de ne pas se chagriner
                     de l'avenir? Un homme à qui on aurait
                     annoncé qu'il doit, au bout de cinquante
                     ans, subir de cruels supplices, ira-t-il s'en
                     troubler, à moins que, franchissant tout
                     d'un coup cet intervalle de temps, il ne se
                     plonge à plaisir dans des tourments
                     ajournés à un siècle? Il en
                     est ainsi de ces esprits qui se plaisent en
                     leurs maladies, et qui, quêtant pour ainsi
                     dire des sujets d'affliction, s'attristent de
                     malheurs anciens et dont les traces sont
                     entièrement effacées. Les maux
                     passés et les futurs étant des
                     maux absents, nous ne les sentons pas. Il ne
                     doit donc pas y avoir de douleur, s'il n'y a
                     point de sentiment.
                     
                     
 
                   
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