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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
 25 mars 2007
JG de Tarde
in english
Les lois de l'imitation
Jean-Gabriel de Tarde (1843-1904)
1890 - 1911

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 tarde
 
Imitation du dedans au dehors
p211-213
 
Ce serait le moment, si je ne reculais devant les difficultés d'un tel labeur, de défricher un champ tout à fait inexploré, en comparant les diverses fonctions de la vie, organique ou psychologique au point de vue de leur tendance plus ou moins accusée, dans la moyenne des cas, à se transmettre par imitation. Cette transmissibilité relative est fort variable d'une époque à l'autre, d'une nation à l'autre. Elle ne deviendra mesurable avec, quelque précision que le jour où, la statistique aura tenu toutes ses promesses. II nous suffira donc de dire quelques mots à ce sujet.
 
La soif n'est-elle pas plus contagieuse par imitation que ne l'est la faim? Il me le semble. Ainsi peuvent s'expliquer les progrès si rapides de l'alcoolisme; si la gourmandise a progressé aussi, comme on en peut juger par l'alimentation plus copieuse et plus variée du bourgeois de l'ouvrier et du paysan, sa marche à coup sûr a été plus lente. Sur un grand territoire on voit les mêmes boissons répandues (ici le thé, là le vin, ailleurs la bière, le maté, etc.), alors que la plus grande diversité de mets locaux règne encore. La soif est-elle plus ou moins contagieuse que les désirs sexuel? Elle l'est moins, je crois. Le premier vice qui se développe dans les grands rassemblements d'hommes et de femmes, dans les villes en voie de peuplement, c'est la débauche, avant même I'alcoolisme.
 
Plus aisément communicables encore sont les mouvements des jambes et, surtout, ceux des membres supérieurs. L'entraînement des marches d'ensemble est une des grandes forces militaires. Le penchant à marcher du même pas et de la même manière est inné avant d'être obligatoire dans les armées. Il a été prouvé, par des mesures délicates, que, dans une même ville, tout le monde marche, en moyenne, avec une même rapidité. Quant aux gestes et aux manières, bien plus rapidement encore que les particularités de la locomotion, ils se transmettent aux personnes habituées à vivre ensemble et servent à les caractériser. En partie pour cette cause, les convulsions hystériques dans nos maisons de santé affectent aisément le caractère d'une épidémie, comme jadis les possessions diaboliques dans les convents.
 
La fonction vocale est éminemment imitative, comme d'ailleurs toutes les fonctions de relation, mais surtout en ce qu'elle a de spirituel, la diction et la prononciation, non le timbre de la voix. L'accent aussi se transmet, mais avec lenteur, et pendant la jeunesse. Chaque ville conserve son accent particulier, longtemps après qu'elle s'alimente et s'habille comme toutes les autres. Le bâillement, j'entends le bâillement d'ennui, qui a une cause mentale, se transmet bien plus contagieusement que l'étérnuement ou la toux.
 
Les fonctions des sens supérieurs sont plus transmissibles imitativement que celles des sens inférieurs. Si l'on voit quelqu'un regarder ou écouter on est bien plus porté à l'imiter que si on le voyait flairer une fleur ou goûter un met. Voilà pouquoi dans le grandes villes un rasseblement est sitôt formé autour d'un badaud. On se précipite à la porte du théâtres où l'on voit faire la queue bien plus que dans les restaurants à travers les vitrines desquels on voit des consommateurs manger de grand appétit.
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