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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 

mise à jour du
22 juillet 2006
Revue de la BNF
Michel Chaillou
n°8 2001
L'homme qui bâille
Daguerre
Louis Daguerre 787-1851

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daguerre
 
 
 
À sa fenêtre sans doute ? Une de 1851 fermée sur l'hiver. L'écharpe de laine en témoigne, et l'air enrhumé du visage large dont le nez remonte, prêt à éternuer. Une ombre de moustache parfume à peine les lèvres. Le négligé habile des habits semble vouloir indiquer une pseudo-condition artiste qu'accentue le foulard.
 
Il y a de la palette dans cette main grasse pendante alors que l'autre moins adulte dressée comme un poing d'enfant exprime la candeur du sommeil d'où l'on sort. Les yeux plissés à la tatare fixent encore les steppes nomades du songe, mais la chevelure plus éveillée sort à l'instant des soins du peigne.
 
Pose-t-il ? On ne peut parler à son égard d'une image volée, prise à son insu. Il sait manifestement qu'on le représente. Il se représente donc. La satisfaction l'emplit de la tête aux pieds. Nous nargue-t-il en se laissant éterniser dans une attitude si
familière ?
 
Que signifie ce bâillement qui l'étire jusqu'au tréfonds de son être ? L'ennui de la vie, du tout et du rien, l'ennui d'être vivant? d'avoir à accomplir son activité d'homme, d'avoir bientôt à descendre, monter des escaliers, à se propager dans ses divers rôles ? Est-ce l'entracte, la coupure des actes avant le retour de l'énergie qui vous mobilise comme un moteur? À cause du lourd rideau, on imagine l'appartement cossu, plein de péripéties héritées de la famille, tables, guéridons, colifichets, armoires et buffets chantournés.
 
Le temps de la Deuxième République. Dans un an le prince-président Louis Napoléon deviendra empereur des Français. Il doit être dix heures du matin, du moins une heure confortable avec des minutes cirées comme le plancher sur lequel on glisse en patins de feutre.
 
Les conventions et la scénographie adoptées bientôt par les ateliers de portraitscoulent les clients dans un moule qui nivelle l'individualité : l'identité corporelle reste le seul élément de différenciation personnelle à l'intérieur de types indéfiniment répétés. Une attitude singulière, un costume insolite, une expression cocasse ou l'emploi excentrique d'un accessoire marqueront parfois le rejet de cette uniformisation et la prise en charge par le sujet de sa propre représentation. Ce sera le fait d'un original, d'une personne très extravertie ou le plus souvent d'un comédien aussi à l'aise dans le studio que sur les planches.