resolutionmini
 
 Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 

mise à jour du
15 avril 2004
 Les biographies de neurologues
Théodule Ribot
1839-1916
theodule-ribot

logo

Abstract
Théodule Ribot (1839-1916) is the founder of French scientific psychology and a prolific writer. In 1862, he entered the "École Normale Supérieure" and obtained his "agrégation" in 1866. In 1872, he decided to quit teaching for a time. He defended at the Sorbonne with success in 1873 his theses, the Latin one on "Hartley" and the French one on "Psychological Heredity". He established in 1876 a new review ("Revue Philosophique de la France et de l'Étranger") devoted to new trends in philosophy and psychology. Ignoring the polemics to which his early works gave rise, he next devoted his energies to an attempt to approach the normal mechanism of mind from the pathological point of view: In 1885, he was placed in charge of the first course in experimental psychology at the Sorbonne. In 1888, a chair of 'experimental and comparative' psychology was created for him at the 'Collège de France'. He trained many students in the new psychology (Pierre Janet and Georges Dumas) and encouraged the foundation in the Sorbonne of the first french laboratory of experimental psychology directed by Henry Beaunis (1889) and then by Alfred Binet (1894). During the last years of his life, he was the author of numerous books, largely in the field of affect.
 
Résumé
Théodule Ribot (1839-1916) fut le fondateur de la psychologie scientifique française. En 1862, il entra à l'École Normale Supérieure et obtint son agrégation en 1866. En 1872, il décida de quitter l'enseignement pendant un certain temps. Il soutint en 1873 à la Sorbonne avec succès ses deux thèses, la première en latin sur Hartley et la seconde en français sur l'hérédité psychologique. Il fonda en 1876 une nouvelle revue (Revue Philosophique de la France et de l'Étranger) centrée sur les nouvelles tendances qui émergeaient en philosophie et en psychologie. Désireux d'ignorer les polémiques que ses premiers travaux avaient suscitées, il employa toute son énergie à tenter d'élucider le fonctionnement normal de l'esprit en partant de sa pathologie. En 1885, il fut chargé du premier cours de psychologie expérimentale à la Sorbonne. En 1888, on créa pour lui une chaire de "psychologie expérimentale et comparée" au collège de France. Il forma beaucoup d'étudiants à la nouvelle psychologie dont Pierre Janet et Georges Dumas et encouragea aussi la fondation à la Sorbonne du premier laboratoire français de psychologie expérimentale qui fut d'abord dirigé par Henry Beaunis (1889) puis Alfred Binet (1894). Durant les dernières années de sa vie, il fut l'auteur de nombreux ouvrages centrés sur la psychologie de l'affectivité.
 
 
theodule.ribot
pages 12 - 19
«L'activité volontaire nous apparaît comme un moment dans cette évolution ascendante qui va du réflexe simple, dont la tendance au mouvement est irrésistible à l'idée abstraite, où la tendance à l'acte est à son minimum. On n'en peut fixer rigoureusement ni le commencement ni la fin, la transition d'une forme à l'autre étant presque insensible.
 
À dessein et pour des raisons de clarté, nous n'avons pas examiné le problème dans sa complexité. Nous avons même éliminé l'un des éléments essentiels, caractéristiques, de la volonté. Telle qu'on l'a considérée jusqu'ici, elle pourrait être définie : un acte conscient, plus ou moins délibéré, en vue d'une fin simple ou complexe, proche ou lointaine. C'est ainsi que paraissent l'entendre des auteurs contemporains, tels que Maudsley et Lewes, lorsqu'ils la définissent « l'excitation causée par des idées » (impulse by ideas) ou bien « la réaction motrice des sentiments et des idées ». Ainsi comprise, la volition, serait simplement un « laisser faire ». Mais elle est tout autre chose. Elle est aussi une puissance d'arrêt, ou, pour parler la langue de la physiologie, un pouvoir d'inhibition.
 
Pour la psychologie fondée sur la seule observation intérieure, cette distinction entre permettre et empêcher a peu d'importance; mais pour la psychologie, qui demande au mécanisme physiologique quelque éclaircissement sur les opérations de l'esprit, - et qui tient l'action réflexe pour le type de toute activité, - elle est capitale.
 
La doctrine courante admet que la volonté est un fiat auquel les muscles obéissent on ne sait comment. Dans cette hypothèse, il importe peu que le fiat commande un mouvement ou un arrêt. Mais si l'on admet, avec tous les physiologistes contemporains, que le réflexe est le type, et la base de toute action, et si, par conséquent, il n'y a pas lieu de chercher pourquoi un état de conscience se transforme en mouvement, - puisque c'est la loi - il faut expliquer pourquoi il ne se transforme pas. Malheureusement, la physiologie est pleine d'obscurités et d'indécisions sur ce point.
 
Le cas le plus simple du phénomène d'arrêt ou d'inhibition consiste dans la suspension des mouvements du cœur par l'excitation du pneumogastrique. On sait que le cœur (indépendamment des ganglions intra-cardiaques) est innervé par des filets venant du grand sympathique, qui accélèrent ses battements, et par des filets du nerf vague. La section de ce dernier augmente les mouvements; l'excitation du bout central au contraire les suspend plus ou moins longtemps. Il est donc un nerf d'arrêt, et l'inhibition est géneralement considérée comme le résultat d'une interférence. L'activité réflexe des centres cardiaques est ralentie ou suspendue par les excitations venant du bulbe. En d'autres termes, l'action motrice du pneumoastrique se dépense dans les centres cardiaques en activité et produit un arrêt. Tout ceci n'a pas une portée psychologique immédiate; mais voici qui nous touche plus.
 
C'est un fait bien connu que l'excitabilité réflexe de la moëlle augmente, quand elle est soustraite à l'action du cerveau. L'état des animaux décapités en fournit des preuves frappantes. Sans recourir à ces cas extrêmes, on sait que les réflexes sont bien plus intenses pendant le sommeil qu'à l'état de veille. Pour expliquer ce fait, quelques auteurs ont admis dans le cerveau des centres d'arrêt. Setschenow les plaçait dans les couches optiques et la région des tubercules quadrijumeaux. Il s'appuyait sur ce fait qu'en excitant, par des moyens chimiques ou autres, les parties précitées, il produisait une dépression des réflxes. Goltz place ces centres d'arrêt dans le cerveau proprement dit.
 
Ces hypothèses et d'autres analolgues ont été fort critiquées, et beaucoup de physiologistes admettent simplement que, a l'état normal, les excitations se répartissent à la fois dans le cerveau par une -voie ascendante et dans la moëlle par une voie transverse; que,au contraire, dans les cas où le cerveau ne peut jouer un rôle, les excitations ne trouvant plus qu'une seule voie ouverte, il en résulte une sorte d'accumulation dont l'effet est une excitabilité réflexe exagérée.
 
Dans ces derniers temps, Ferrier, se plaçant a un point de vue dont l'importance psychologique est évidente, a admis dans les lobes frontaux l'existence de centres modérateurs qui seraient le facteur essentiel de l'attention.
 
Sans entrer dans plus de détails, on voit que, pour expliquer le mécanisme de l'inhibition, il n'y a aucune doctrine claire et universellement acceptée comme pour les réflexes. Les uns admettent que l'arrêt vient de deux tendances contraires qui s'entravent ou s'annihilent. D'autres admettent des centres d'arrêt (et même des nerfs d'arrêt) capables de supprimer une action transmise, au lieu de la renforcer. Il y a encore plusieurs hypothèses qu'il est inutile de mentionner. Dans cet état d'ignorance examinons la question de notre mieux.
 
Dans tout arrêt volontaire, il y a deux choses à considérer : le mécanisme qui le produit, - nous venons d'en parler; l'état de conscience qui l'accompagne, - nous allons en parler.
 
D'abord, il y a des cas où l'arrêt n'a pas besoin d'être expliqué, ceux où l'incitition volontaire cesse d'elle-même : quand nous jetons de côté, par exemple, un livre décidément ennuyeux. t
 
D'autres cas paraissent s'expliquer, par l'une des hypothèses précitées. Nous arrêtons volontairement le rire, le bâillement, la toux, certains mouvements passionnés, en mettant en action, à ce qu'il semble, les muscles antagonistes.
 
Pour les cas où l'on ignore comment l'arrêt se produit, où le mécanisme physiologique reste inconnu, la psychologie pure nous apprend encore quelque chose. Prenons l'exemple le plus banal, un accès de colère arrêté par la volonté. Pour ne pas nous exagérer le pouvoir volontaire, remarquons d'abord que cet arrêt est loin d'être la règle. Certains individus en paraissent tout à fait incapables. Les autres le sont très inégalement; leur puissance d'arrêt varie au gré du moment et des circonstances. Bien peu sont toujours maitres d'eux-mêmes.
 
Il faut, pour que l'arrêt se produise, une première condition : le temps. Si l'incitation est si violente qu'elle passe aussitôt à l'acte, tout est fini; quelque sottise qui s'ensuive, il est trop tard. Si la condition de temps est remplie, si l'état de conscience suscite des etats antagonistes, s'ils sont suffisamment stables, l'arrêt a lieu. Le nouvel état de conscience tend à supprimer l'autre et, en affaiblissant la cause, enraye les effets.

Il est d'une importance capitale pour la pathologie de la volonté de rechercher le phénomène physiologique qui se produit en pareil cas. On ne peut douter que la quantité de l'influx nerveux (quelque opinion qu'on ait sur sa nature) varie, d'un individu à l'autre, et d'un moment à l'autre chez le même individu. On ne peut douter non plus qu'à un moment donné, chez un individu quelconque, la quantité disponible peut être distribuée d'une manière variable. Il est clair que, chez le mathématicien qui spécule, et chez l'homme qui satisfait une passion physique, la quantité d'influx nerveux ne se dépense pas de la même manière et qu'une forme de dépense empêche l'autre, le capital disponible ne pouvant être employé à la fois à deux fins.

« Nous voyons, dit un physiologiste, que l'excitabilité de certains centres nerveux est atténuée par la mise en activité de certains autres, si les excitations qui atteignent ces derniers ont une certaine intensité : tel est le fait. Si nous considérons le fonctionnement normal du système nerveux, nous constatons qu'il existe un équilibre nécessaire entre les différents appareils de ce système. Nous savons que cet équilibre peut être rompu par la prédominance anormale de certains centres, lesquels semblent détourner à leur profit une trop grande part de l'activité nerveuse: dès lors, le fonctionnement des autres centres nous apparaît troublé...Il y a des lois générales qui président à la répartition de l'activité nerveuse dans les différents points du système, comme il y a des lois mécaniques qui gouvernent la circulation du sang dans le système vasculaire : si une grande perturbation survient dans un département vasculaire important, l'effet ne peut manquer d'être ressenti datis tous les autres points du système. Ces lois d'hydroodynamique, nous les saisissons, parce que le fluide en circulation nous est accessible et que nous connaissons les propriétés des vaisseaux qui les contiennent, les effets de l'élasticité, ceux de la contraction musculaire, etc. Mais les lois de la répartition de l'activité nerveuse, de cette sorte de circulation de ce qu'on a nommé le fluide nerveux, qui les connait ? On constate les effets des ruptures d'équilibre de l'activité nerveuse; mais ce sont là des troubles essentiellement variables, qui se dérobent encore à toute tentative de théorie. Nous ne pouvons qu'en noter la production en tenant compte des conditions qui les accompagnent. ».......