resolutionmini

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

haut de page

mise à jour du
13 octobre 2002
 
lexique
Le rire et les exhilarants
Jules Marie Raulin
Etude anatomique, psycho-physiologique et pathologique
Libraire JB Baillière Paris 1900

Chat-logomini

Contagion du rire. - Cest à Chevreul (Lettre de Chevreul à Ampère. Revue des Deux-Mondes, 1 er mai 1831) que l'on doit sa première interprétation scientifique. La tendance déterminée en nous par la vue d'un corps en mouvement, dit-il, se retrouve dans plusieurs exemples :
 
« 1° Lorsque l'attention étant entièrement fixée sur un oiseau qui vole, sur une pierre qui fend l'air, sur de l'eau qui coule, le corps du spectateur se dirige d'une manière plus ou moins prononcée vers la ligne du mouvement;
 
« 2° Lorsqu'un joueur de boule ou de billard, suivant de l'œil le mobile auquel il a imprimé le mouvement, porte son corps dans la direction qu'il désire voir suivre à ce mobile, comme s'il lui était possible encore de le diriger vers le but qu'il a voulu lui faire atteindre.
 
« La tendance au mouvement dans un sens déterminé, résultant de l'attention qu'on donne à un certain objet, me semble la cause première de plusieurs phénomènes qu'on rapporte généralement à l'imitation. Ainsi dans le cas où la vue et même l'audition porte notre pensée sur une personne qui bâille, le mouvement musculaire du bâillement en est ordinairement chez nous la conséquence.
 
« Je pourrais en dire autant de la communication du rire et cet exemple même présente, plus que tout autre analogue, une circonstance qui me paraît appuyer beaucoup l'interprétation que je donne de ces phénomènes; c'est que le rire faible d'abord, peut, s'il se prolonge, passez-moi l'expression s'accélérer (comme nous avons vu les oscillations du pendule tenu à la main augmenter d'amplitude sous l'influence de la vue) et le rire s'accélérant peut aller jusqu'à la convulsion. »
 
Qu'il s'agisse des oscillations du pendule ou des vibrations du rire, le mérite de Chevreul est d'avoir vu que ces deux phénomènes ont une cause psycbologique et tiennent à l'état d'esprit de l'observateur. D'un seul mot, on voit qu'il a attribué le phénomène à ce que l'on désigne sous le nom de pouvoir moteur des images.
 
Mais, comme le fait remarquer Gley, chaque groupe d'images n'est pas également important chez tous les individus. On sait très bien que les uns ont plutôt des images auditives; les autres sont plutôt des visuels et les autres des moteurs.
 
Penser à un nom pour les uns, c'est donc surtout et pour quelques-uns même, c'est exclusivement entendre ce nom (image auditive); pour les autres c'est le voir; pour d'autres encore c'est le prononcer (image motrice d'articulation), ceux que Charcot appelle « les indifférents ».
 
Pour toute une classe d'individus, les moteurs, se représenter un rire c'est souvent en ébaucher déjà l'exécution ceux-là rient volontiers leurs pensées gaies.
 
Nous ne pouvons ni voir, ni entendre, ni sentir d'une façon générale un individu dans un état affectif quelconque sans que nos organes participent, dans une certaine mesure et proportionnellement à notre excitabilité, aux modifications que ses propres organes éprouvent.
 
Si les modifications organiques du témoin acquièrent une certaine intensité, elles s'accompagnent d'un état de conscience qui constitue l'émotion sympathique.
 
On connaît le mot de Shakespeare : « Nous ne connaissons les autres que par nous-mémes et nous vibrons à l'unisson pour les mieux connaître ».
raulin
 
La vue d'une émotion rieuse provoque la reproduction de ces signes et conséquemment la reproduction de l'émotion. Ce qui indique que les variations circulatoires sont antérieures aux variations affectives.
 
Plus nombreux et plus énergiques sont ces signes, plus intense est l'émotion communiquée.
 
Le rire se propage dans les foules souvent sans éveiller la conscience individuelle, par une simple imitation réflexe de mouvements (induction psychomotrice). Celle-ci donne lieu à des impulsions collectives irrésistibles.
 
Je sais un tiqueur, à accès de fou rire, dont toute la famille partageait parfois les crises car « quelque impatientants, comme dit Champfort, que soient les gestes de ceux avec qui nous vivons nous ne laissons pas d'en prendre une partie ».
 
D'ailleurs dans le rire d'une foule, la connaissance des causes de cette gaîté augmente encore l'intensité de la contagion et la spécifie.
 
Mais au rire, comme à toute contagion, l'homme peut se faire une « immunité ».