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Nouvelle iconographie de La Salpêtière 1890
 
Bâillements chez un épileptique
Charles Féré
Nouvelle iconographie de La Salpêtrière 1888  
Du bâillement acte involontaire
ou
comment induire volontairement un bâillement  
 
 
 
 
Biographie de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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mise à jour du

22 juin 2002baillement

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 Biographie d'André Trautmann
 
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  trautmann

René Frédéric Trautmann

1875 -1956

DÉFINITION. HISTORIQUE

Le bâillement, que l'on fait dériver de balare (bèler) probablement à cause du bruit accompagnant l'action organique qu'il désigne, ou bien du bas-latin badare (bâtiller), est ainsi défini par les physiologistes actuels : c'est un acte inspiratoire dans lequel, la bouche étant grande ouverte, une inspration profonde et involontaire se produit, les fosses nasales étant fermées et, le voile du palais fortement relevé. (Viault et Jolyet.)

Nous reviendrons, à propos de la physiologie du bâillement, sur cette définition, que nous n'acceptons pas absolument, et nous exposerons pourquoi elle ne satisfait pas notre esprit. Voyons auparavant quelle a été la destinée du bâillement dans l'histoire de la médecine.

Il est évident que le bâillement a existé de tout temps. Aussi loin que l'on remonte, on trouve ce phénomène mentionné par les plus anciens médecins, qui en avaient fait un symptôme fort important et s'étaient efforcés de lui donner une théorie.

Le traité d'Hippocrate : De Flatibus, fait à plusieurs reprises mention des bâillements; il est curieux de voir quelle cause leur assigne cet auteur, quel rôle il leur fait jouer dans les fièvres. « Ils précèdent les fièvres, lorsque beaucoup d'air accumulé sortant par le haut à la fois, ouvre de force la bouche comme ferait un levier; c'est par là, en effet, qu'est l'issue la plus facile; de même que la vapeur s'élève en abondance des chaudières où l'eau bout, de même, du corps échauffé s'échappe par la bouche l'air resserré et expulsé avec violence. »

Dans un autre livre, il donne les rapports du bâillement avec les luxations de la mâchoire. «La machoire éprouve dans les bâillements de fréquentes déviations, telles que celles produites par beaucoup d'autres déplacements de muscles et de tendons». Et encore: «La mâchoire est sujette à de fréquents spasmes, et elle reprend sa place; mais la luxation n'en est pas commune, elle se produit surtout pendant le bâillement; en effet, il n'y a pas de luxation sans un grand bâillement, accompagné d'un déplacement latéral»

Au livre V, il indique le remède à apporter aux bâillements répétés. «Le remède des bâillements continuels, c'est de faire de longues inspirations... Pour le bâillement, du vin coupé avec moitié eau ou du lait».

Hippocrate avait déjà remarqué la fréquence des bâillements dans les états apoplectiques, et il en tire la conclusion suivante : «Les bâillements continuels des apoplectiques prouvent que l'air est la cause des apoplexies», conclusion qui vient confirmer sa théorie générale sur les maladies: «Le vent est la cause de toutes les maladies».

Imbu des mêmes idées et commentant les œuvres d'Hippocrate, Galien émet la théorie suivante, dans son Commentarius primus : «Oscitatio vero est veluti pandiculatio; quam vel humor flatuosus, vel flatus vaporosus in musculis contentus gignit». Il place, lui, dans les muscles le vent producteur des bâillements, mais n'indique pas de muscles spéciaux. Dans ce même commentaire, il indique la malignité du bâillement et en fait une réaction de l'organisme affecté par une cause morbide: «Convulsionem, igitur. tremorem sternutationes et oscitationes esse motus vitiosos jam est a nobis declaratum, simulqueostensum, eadem esse naturae, opera, quae ab aliqua morbosa causa ad mtum violonter impellitur».

Celse localise les vapeurs dans l'intérieur des muscles de la mastication : «Frequenter oscitant qui flatulenta humiditate aut spiritibus vaporosis, inferioris maxillae musculos alicunde imbutos, plenosque habent».

Vers le IV°siècle après J-C., Oribase écrit à nouveau un commentaire des oeuvres d'Hippocrate; il fait du bâillement un mouvement de la force expultrice : «Tussis quidem, sternutatio et singultus et rigores, expultrices virtutis motus sunt; pandiculatio et oscitatio ejusdem quidam virtutis motus sunt, sed mediocres». Comme Hippocrate, il donne au bâillement une place importante dans les fièvres : «Principium febrilis exacerbationis f'erme est contractio extremorum partium omnium et maxime nasi; et, quandoque etiam frigiditas totius corporis et aliquando tussicula parum irritans una cum frigiditate irruens. Item oscitatio et partium corporis extensio». Il explique aussi pourquoi l'on entend moins distinctement pendant les bâillements.

La Médecine statique de Sanctorius, dans le Traité de l'art de conserver la santé par la transpiration (1634), donne une série de curieux aphorismes. Sanctorius montre l'augmentation de la transpiration pendant le bâillement : «Le bâillement et l'extension des membres après le sommeil prouvent que le corps transpire beaucoup comme on le dit à l'égard du coq qui bat des ailes avant de chanter.». «Dans les bâillements et l'extension des membres, on transpire plus en une demi-heure qu'en trois heures d'un autre temps». Pour lui, les vapeurs se dissipent sous forme de sueur, et le bâillement est un adjuvant utile : «Les envies de bâiller et d'étendre les membres lorsqu'on s'éveille viennent de l'abondance de la matière transpirable parfaitement disposée à la transpiration. »

«La nature dissipe beaucoup par la transpiration, lorsque par les bâillements et les extensions des membres elle s'efforce de chasser les vapeurs qui ont été retenues». De même dans les fièvres, le bâillement est un signe plutôt favorable et nous revenons à peu près à la théorie d'Hippocrate : «les bâillements et l'extension des membres qui arrivent dans les paroxysmes n'indiquent pas que la chaleur se concentre, mais l'abondance de la matière transpirable âcre qui avait été retenue et que la nature pousse par la transpiration. »

Plus tard, Fernel, en l610, sans parler du rôle de la sueur, prête aux bâillements un rôle favorable dans l'évacuation des vapeurs nuisibles: «Oscitatio vaporosi in pectore contento, pandiculatio per corporis habitum sparso discutiendo seruit; laxantur enim ea distensione pori per quos, expiret». Nous mentionnerons encore Krüger qui, en 1627, fait paraître la première dissertation De oscitatione; Sennert (Sennerti opera, 1666) qui explique ainsi la production du bâillement : « Oscitatio quidem fit, musculis masticationi dicatis et inferiorem maxillam moventibus, affectis, cum halitus vaporosi in iis collecti sunt, qui hoc motu discutiuntur. »

C'est, en somme, la théorie d'Oribase. Il énumère ensuite les signes tirés du bâillement : «Oscitatio et pandiculatio etsi aepe pigritae saltem signa sunt, aut ex imaginatione proficiscuntur, interdum tamen a causa morbifica ortum habent et instantium morborum sunt praesagia»

Le bâillement n'est plus considéré absolument comme un signe morbide naissant toujours dans des conditions antiphysiologiques, puisque Sennert semble lui donner souvent un point de départ purement physiologique. Cependant, dans un autre chapitre, il fait une sorte de restriction; après avoir dit : «Interdum tamen sola imaginatio oscitationis causa est»; il ajoute qu'une prédisposition toute spéciale est nécessaire : «Cum enim qui videt alium oscitare, ipse quoque ad oscitandum invitatur, praecipue si piger et somnolentus sit, partesque illae vaporibus ejusmodi repletae sint, quae imaginatione illa moventur.»

Nous n'avons pas voulu passer sous silence l'opinion d'un homme aussi considérable que Boerhave. Les Proelectiones academicae (vers 1680) donnent, pour la première fois., une vraie description du bâillement : «In hoc actione, aer primo quantum fieri potest coposissimus inspiratur lente et continuo, deinde pariter lente et fortiter expellitur, atque adeo pectus profundissime aperitur deinde evacuatur.»

La production du bâillement sur l'influence des vents, des vapeurs n'est plaus admise, et Boerhaave formule une théorie qui subira bien peu de modifications dans l'avenir : « in prima actione sanguinis motus per pulmonem ad coisinistrun celerior redditur, ut paulo post omnino majori copia ad encephalon prematur, adeoque spirituum uberior serretio fiat et augeantur vires cerebri et cerebelli et major ad motus voluntarios influxus. In altero stadio omnes fere totius corporis musculi successive expanduntur». Comparant la même action chez l'homme et chez les animaux, il les trouve identiques, plus manifestes encore chez ces derniers, ce qui lui suggère la jolie description d'un réveil de fauves dont la vue lui parait très familière : «manifestius hujus rei spectaculum est quando animalia velocissima ex somno excistata saltum parant, ut quando leo vel tigris a somno ad rapinam volant; tunc enim prius omnes musculos expandunt et continuo incredibili velocitate in praedam se conjiciunt! »

Le bâillement et les pandiculations favorisent la répartition équitable du spiritus dans tous les muscles et désobstruent les vaisseaux. dont le sommeil ou le repos pouvaient avoir ralenti les fonctions. C'est encore pour favoriser le cours du sang et rétablir l'influx nerveux qu'ont lieu dans certains cas le bâillement et les pandiculations; leur action va lutter contre la prédominance trop marquée des fléchisseurs et remettre chaque chose en sa place : «Pandiculatio fere semper cum oscitatione conjungitur in somnolentia, frigore febrili, malo hysterico; et fit quantum video, maxime extensoribus omnium artuum in motum, actis. Videtur actio flexorum, quae fere perpetuurn est, et in ipso somnopraevalet, corpusque figurat nervorum et, vasorum sanguineorum truncos ita urgere aut plicare, ut eus liberari necesse sit contraria actione extensorum, quae in aequa bilem rectitudinem vasa restituat, motumque liquidorum expediat.»

Boerhaave montre encore l'importance que l'on doit attribuer au bâillement dans les fièvres intermittentes : «Incipiunt cum oscitatione et pandiculatione, lassitudine... Haec prout majora, pluraque simul, eo febris pejor atque in subsequente tempore calor et aetera symptomata pejora... Primum fere signum est oscitatio et pandiculatio, quae omnia membra extendunt et leviter movent.»

Ainsi le bâillement est d'autant plus important, plus grave, qu'il est accompagné de symptômes plus nombreux, ce qui avait déjà fait dire à Hippocrate à propos de la gravité des fièvres «Voir sur qui les signes et quels signes sont en nombre plus considérable : le bâillement, la toux, l'éternuement...»

La théorie première du bâillement avait vécu, aussi trouvons-nous simplement développées les idées de Boerhave dans les thèses de Beutler (1685) et d'Hermann (1720).

Gorter, en 1736, dans son livre De perspiratione insensibili parle longuement du bâillement; il lui donne pour cause un besoin de circulation plus rapide du sang et une anémie de l'encéphale: «Qua actione sanguis in venis, per musculos currentibus, magis urgetur versus venas; inde ad cor hoc tempore major sanguinis copia ducitur, atque ita deinceps, copiosor derivatio sanguinis ad cerebrum cerebellumque pro spirituum secretione. In quibus hominibus tardior sanguinis versus cerebrum fluxus, frequens solit fieri oscitatio et pandiculatio, uti in somnolentia, otio, et initio vigiliarum ad discutiendurn somnum.» Plus loin, il classe les bâillements en bons et mauvais, selon les circonstances dans lesquelles ils se produisent. «Quod oscitatio et pandiculatio in evigilantibus bonum signum, in principio febris aliisque rnorbis malum signum, observetur, attentionem meretur. ln animalibus evigilantibus oscitationemet pandiculationem rustici inter perfectae sanitatis signa ponunt, ex quorum absentia existimant quadrupedes aegrotare. Verum multi morbis curn pandicu atione et oscitatione paroxysmum incohant: lipothymia, aliique morbi ex tardiore circulatione nati, cum his definunt. Quae, causae bonae sunt circulationem retardantes, uti somnus naturalis, his bonum signum praebent oscitationes et pandiculationes; quae vero causae malae sunt, ut est tardior circulatio in initio paroxymi febrilis et convulsionis, vel in vigiliis, oscitatio frequens, quando non expedit tardam esse circulationem. idem hoc phaenomenon malum portendit signum». Bien qu'il admette la production du bâillement comme moyen de venir en aide à la circulation entravée, Gorter pense cependant qu'il arrive lorsque les «humores» sont accumulées dnns l'organisme; peut-être aussi est-ce, pour lui, de cette accumulation que résulte une circulation défectueuse. Quoi qu'il en soit, dans ses commentaires d'Hippocrate, il dit pour expliquer l'aphorisme LVI du livre VII : Anxieatem... oscitationem vinum, par pari aqua potum solvit morbum: «0scitatio fit dum homo instigatur ut valide et lente aperiat os, hauriatque aerem copiosiorem pulmonibus, utactione ea, lentius moti humores constrictione musculorum os aperientium, atque majore pulmoni dilatatione per rnusculos motus animalis propellantur, quod in lethargicis somnolentis, principio febrium et ventriculi impletione est frequens; qui etiam evigilant, hac actione oscitendi propellunt lente a somno progredientes humores.» Puis il explique ainsi la conclusion du maitre : «Si stagnantes in ventrioculo humores in spontaneam faciant, hujusmodi oscitationes egregie minuuntur tali poto vino diluto, quo simul ventriculi motus blande instigatur; sed inde non sequitur omnemoscilationes hac potione curari.».

Après Gorter, nous remarquons deux thèses sur le bâillement: l'une d'Alberti, en 1737, l'autre de Günz en 1738. Czerniewski s'attache à son mode de production dans une publication de 1749 : De oscilatione machanismo. Quelques années plus tard, Büchner fait un travail sur le bâillement, symptôme dans les maladies : De oscitatione ut signo in morbis, 1758. Comme Hippocrate, il montre que les bâillements sont surtout fréquents aux approches des fièvres catarrhales: «Haud rarae quoque est observationis, in iis qui in catarrhales incasuri sunt febres, frequentiorem plerumque contingere oscitationem, imminentis jam insultus febrilis praenunciatricem». Il ne donne pas de théorie spéciale de cet acte physiologique. La même année Finger met au jour un travail ayant un titre et une portée analogues. Roederer, qui nous a laissé plusieurs ouvrages d'obstétrique, publia en 1759 un travail intitulé: De oscitatione in enixu. Il accorde au bâillement une énorme importance et en fait un signe funeste, avant-coureur de la mort.

Les Elementa Physiologioe, de Haller, contiennent un long chapitre consacré à l'étude du bâillement. Voici la définitïon qu'en donne le pape de la physiologie : «Oscitatio et ipsa et longa est inspiratio, qua multus in pulmonem aer adducitur». Il décrit l'acte lui-même, les causes qui le provoquent: sommeil, faim, froid, hystérie, fièvre, raréfaction de l'air; ses effets: circulation plus rapide du sang dans le pounion, production d'hémorragies, sécrétion sudorale activée, sensation de bien-être. La contagion du bâillement est ainsi expliqiiée par lui: «Quod oscitans oscitantem ad similein hiatum invitet, ad communem utrique ab iisdem causis oscitandi necessitatem refero, cujus memoriam et necessitatem praesens exemplum animo revocat.»

Walther mérite une citation pour sa longue dissertation sur le bâillement en 1775. Il montre que dans certains cas l'excitation du facial peut provoquer le bâillement, puisqu'il a vu ce phénomène se produire à la suite d'une infIammation de la glande parotide comprimant ce nerf dans le digastrique. Pour lui, à chaque bâillement, la trachée exécute certains mouvements bien marqués: « In oscitatione aspera arteria descendit cum pulmone, hinc venae magnae subclaviae et rocurrentes cum cadem concitiuntur, et in primis per pulmones iter fil expeditius,hinc totius sanguinis motus incitatur, ut, haemorrhagias faciat et in partu sangninis effluxum praecipitet. Augetur nervorum motus et evaporatio ex pulmone». Ce sont là les points saillants de cette thèse.

Double, en 1817, distingue deux sortes de bâillement: ceux produits paresse, l'ennui, etc., et ceux survenant au cours des maladies; il énumère les cas pathologiques où on les rencontre et pose la régle suivante: «en général. le bâillement est un signe mortel toutes les fois qu'il existe un grand épuisement des forces dans les maladies aiguës, par exemple chez les femmes qui sont en travail d'enfantement et même durant les maladies aiguës des femmes en couches. »

En 1821, Adelon donne une description très détaillée du bâillement et en expose nettement la physiologie; ses causes doivent être cherchées dans toutes les circonstances qui exigeraient une inspiration plus profonde, soit pendant la maladie soit en état de santé. La dissertation de Rothmund (De oscitatione) en 1824 ne met en relief aucun fait nouveau, elle montre simplement le cas que fait l'auteur du symptôme bâillement en pathologie. C'est le résumé des idées émises jusqu'à cetet époque. Richerand, en 1825, dans sa Physiologie fait du bâillement un acte analogue au soupir se réalisant quand «les poumons sont gorgés de sang dans leur parenchyme et, par suite les cavités droites du cœur où il produit une sensation incommode que l'on fait cesser par une longue et profonde inspiration». Les bâillements du réveil se produisent «afin de monter les muscles du thorax au degré convenable à la respiration toujours plus lente, plus rare et plus profonde durant le sommeil que pendant la veille ». Comme Boerhaave, il compare les bâillements et pandiculations du réveil avec les mouvements des animaux au point du jour; il met en parallèle non plus les animaux féroces mais le coq et les oiseaux d'où cette citation riante au milieu des graves théories de la physiologie: « C'est par un besoin analogue que l'instant du réveil est marqué chez tous les animaux par des pandiculations, action musculaire dans laquelle les muscles semblent se disposer aux contractions que les mouvements exigent. C'est à la même utilité que l'on doit rapporter le chant du coq et l'agitation de ses ailes; enfin c'est pour obéir à la même nécessité, qu'au lever du soleil, les nombreuses tribus des oiseaux qui peuplent nos bocages gazouillent à l'envie et font retentir les airs de chants harmonieux. Le poète croit entendre alors l'hymne joyeux par lequel le peuple ailé célèbre le retour du dieu de la lumière. »

Le Manuel de physiologie de Mueller, en 1851, montre que le nerf facial joue un grand rôle dans le bâillement, puisque tous les muscles respiratoires de la face et le digastrique qui ouvre la bouche sont innervés par lui. Il indique le cerveau comme devant avoir une place prépondérante dans la production du bâillement et cherche à déterminer la cause de l'espèce de contagiosité de cet acte. Nous reviendrons sur ces travaux quand nous traiterons la partie physiologique.

La Pathologie générale de Monneret (1861) indique comme causes du bâillement dans les maladies : insuffisance d'hématose (asphyxie commencante, pneumonie, pleurésie); diminution des globules du sang (chlorose, anémie) ; trop faible quantité de sang (hémorragies).

Dans sa Physiologie, Longet, en 1868, insiste surtout sur ce fait que le bâillement est involontaire. «Ce qui constitue le bâillement, dit-il, ce n'est pas l'ouverture de la bouche, l'écartement de la mâchoire, etc., mais bien la sensation qui le provoque et l espasme qui l'accompagne; produit aussi par une action réflexe du système nerveux central, il est indépendant de la volonté, et s'il est possible de dissimuler quelques-unes de ses manifestations, il est presque impossible de l'étouffer complètement lorsque le besoin s'en fait sentir.».Il insiste peu sur son rôle dans les maladies. Du reste, au fur et à mesure de l'évolution de la science, le bâillement a perdu de son importance primitive, c'est ce qui a fait dire à Dechambre : «Les auteurs anciens qui ont poussé si loin l'étude de la séméiologie ont donné au bâillement une valeur séméiotique qui nous parait manifestement exagérée aujourd'hui, mais qui, cependant, mérite encore à certains égards d'ètre prise en considération... En somme, la valeur séméiotique du bâillement, mesurée au peu d'importance physiologique de ce phénomène envisagé en lui-même, se trouve réduite de beaucoup si l'on considère d'une part son extême fréquence dans les conditions, normales les plus ordinaires et les plus indifférentes de la vie, et si, d'autre part on tient compte de cette circonstance que lorsqu'il se manifeste chez des sujets en proie à un état morbide grave ou sous l'influence d'une crise fatale, il coïncide toujours avec d'autres phénomènes d'une valeur symptomatique bien autrement significative. De sorte qu'on pourrait tout au plus inférer de sa fréquente répétition, abstraction faite de tout autre symptome au degré plus ou moins grand de dépression accompagnée d'un état spasmodique. C'est là, en effet, sa seule, et véritable signification. Ainsi réduit, le rôle séméiotique du bâillement a encore cependant une certaine valeur.»

Nous n'avons pas hésité à citer l'opinion d'un homme comme Dechambre, elle montre que de nos jours le symptôme bâillement est bien déchu de son importance primitive. Nous ne patageons cependant pas l'avis de cet auteur : le bâillement, ne fut-il qu'un modeste signe clinique mériterait qu'on ne le passe pas sous silence. Du reste, la publication récente de quelques observations de bâillements incoercibles vient d'ouvrir un horizon nouveau à cette question tombée dans l'oubli, et fait dire à Charcot (Lecons du mardi à La Salpêtrière): «A la vérité, toute l'ancienne séméiologie du bâillement me semble aujourd'hui bien démodée; peut-être y aurait-il intérêt à la refaire». Nous avons cru faire un travail utile en présentant ici une étude sans prétention du bâillement.